Se régaler sans nuire à la planète ? C’est le défi d‘ampleur dont s‘empare HOBA, un nouveau lieu dédié à l’alimentation « durable et joyeuse », situé dans le 17e arrondissement parisien. Avec une méthode innovante : calculer l’empreinte carbone de chaque plat, les passer à la moulinette de l‘écologie… sans rogner sur les saveurs. Derrière les fourneaux, des chef.fes renommé.es venus du monde entier, prêt.es à régaler les curieux dès l’inauguration d‘HOBA, du 2 au 5 juin.
Niché au cœur du parc Martin Luther King, dans l’éco-quartier Clichy-Batignolles, HOBA investit dès le début du mois de juin deux bâtiments inoccupés que leur confie la Ville de Paris pour les quinze prochaines années. Vincent Merlet, co-fondateur, explique la genèse du projet : « On est partis du constat de l’ambivalence qu’il pouvait y avoir dans l’alimentation. D’un côté, c’est un acte quotidien, indispensable et universel, tout en étant un vecteur culturel essentiel… Et d’un autre, c’est devenu l’une des principales causes des dégâts que nous causons à la planète », pointe-t-il.
Face à ce dilemme, HOBA décide de relever un double défi, compartimenté entre les deux espaces dont l’équipe dispose. En « HO », un foodcourt avec une grande terrasse où déguster les plats de 5 chef.fes engagé.es pour entamer un tour du monde par la fourchette. On embarque avec Bloom et ses saveurs méditerranéennes, petit détour par le Moyen-Orient avec Le Falaf. Puis direction le Japon et ses délices proposés par Just Ramen, avant de filer tout droit vers l’Amérique latine dans les assiettes végétales composées par Sol Semilla. Puis, retour sur le continent avec Mouflet, qui réinvente le muffin anglais à la sauce frenchie. Ce qui réunit tous ces chefs aux influences diverses et variées : une attention toute particulière portée à la durabilité des plats qu’ils proposent.
Toutes les recettes passent par l‘épreuve impartiale de « l‘éco-calculateur »
Mais, l‘étiquette « alimentation durable » peut sembler un peu fourre-tout : circuit-court, produits bios et de saisons, protéines végétales, fait maison… difficile de savoir comment s‘y retrouver et à qui faire confiance. « On est partis un peu dans tous les sens au début, avec cette impression de se noyer dans la multitude des manières de cuisiner durable », admet Vincent Merlet.
« Pour rentrer dans les clous, les chefs doivent jouer sur la saisonnalité, la localisation des fournisseurs, l’usage ou non de viande dans certaines recettes… »
Pour éviter les fausses promesses et effets d’annonce, l’équipe fait alors un choix innovant : celui de calculer le poids carbone de chaque plat. « Bon pour le climat nous a aidé en concevant un éco-calculateur. Avec cette méthode, l’affichage est impartial. On s‘est rendus compte que tous les autres enjeux y étaient intégrés, en découlaient. Les chefs passent leurs recettes à l’épreuve de l’éco-calculateur et, pour rentrer dans les clous, doivent jouer sur la saisonnalité, la localisation des fournisseurs, l’usage ou non de viande dans certaines recettes… », explique avec passion Vincent Merlet.
Avant de donner quelques repères : le poids moyen d’un repas en France est de 5 kg de CO2. HOBA s’est alors fixé pour objectif de ne pas dépasser 2,2 kg de CO2 pour chaque plat servi, et le poids carbone de chaque plat sera affiché sur le menu. Un engagement auquel s’ajoute une réduction drastique des déchets, rendue possible par l’usage de contenants consignés pour les plats et boissons, et la revalorisation des déchets organiques qui seront compostés localement.
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« L’alimentation traverse tous les domaines de la vie. »
Et ce n’est pas tout. « On n’imaginait pas monter seulement un foodcourt : ce qui nous intéresse, c’est les lieux de vie, les lieux culturels », ajoute Vincent Merlet, déjà à la tête de l’ancienne gare devenue rendez-vous culturel Le Hasard Ludique. Non content de proposer une gastronomie durable et joyeuse, HOBA sera aussi un espace d‘animations, conférences, cours de cuisines et autres ateliers, en « BA ». « L’alimentation traverse tous les domaines de la vie. Par ce prisme, on peut parler de société, de politique, d’histoire, de féminisme, de passé colonial… nombre de sujets qui nous tiennent à coeur », développe-t-il.
« L’alimentation traverse tous les domaines de la vie. Par ce prisme, on peut parler de société, de politique, d’histoire, de féminisme, de passé colonial… nombre de sujets qui nous tiennent à coeur »
Un programme riche et varié dont l’inauguration, qui aura lieu du 2 au 5 juin, donne la couleur. Tout au long du week-end, les chefs du food-court ne se contenteront pas de régaler les gourmands, mais partageront aussi leurs petits secrets lors de cours de cuisine. Pour épater les amis, ce sera donc l‘occasion d‘apprendre à confectionner des gyozas avec Just Ramen, de développer ses skills en apéros végétariens et gourmands grâce aux astuces du Falaf, ou encore de devenir le champion du muffin anglais avec Mouflet.
Le 2 juin, la journaliste Émilie Lasytary sera présente pour enregistrer en live son podcast « Bouffons », dédié aux intersections entre cuisine et enjeux de société. Cet épisode sera consacré à l’exotisme culinaire et à l’écologie : les saveurs exotiques ont le pouvoir de nous faire voyager en restant immobiles, mais exotique veut-il forcément dire cultivé à l’autre bout de la planète et acheminé en avion ?
Sérigraphie comestible, dégustation engagée et « cuvées militantes »
Le lendemain, on enfile son tablier avec la cheffe Alice Roca : sur son blog, elle questionne son rapport à la cuisine, à la mode, à l’esthétique et à la gourmandise. Elle y propose des recettes de saison, principalement végétales et zéro déchet. Difficile de choisir, puisqu’en parallèle, Vins & Volailles proposera une dégustation engagée, autour des « cuvées militantes » et des discriminations que subissent les femmes en milieu viticole. À 21h30, place à la danse avec le DJ set de Sauce Blanche, qui s’est fait connaître en organisant des sessions… dans des kebabs.
Pour les plus gourmands, la journée du samedi sera l’occasion d’un atelier de sérigraphie comestible sous la houlette de Hopa Studio, suivi d’une séance de cinéma, pour découvrir ou redécouvrir les scènes culinaires cultes du grand écran. Dimanche, il sera temps de parler du sexisme par le prisme de l’alimentation, autant dans l’assiette qu’en cuisine. Vérane Frédiani et Estérelle Payany, co-autrices de Cheffes seront invitées à en discuter avec Pioche!, après la diffusion de leur documentaire « À la recherche des femmes chefs ».
L‘intégralité du programme de l‘inauguration, gratuite sur inscription du 2 au 5 juin est à retrouver sur le site de HOBA et sur la page de l‘événement.