Musiques Métisses est de retour à Angoulême du 6 au 8 juin 2024. Trois jours de fête qui célèbrent le métissage artistique à travers une programmation foisonnante, entre musique et littérature. Portrait d’un festival sans frontières qui accueillera cette année Flavia Coelho, Orange Blossom et The Congos.
En 48 éditions, le festival Musiques Métisses a placé Angoulême sur la carte européenne des World Music. Chaque année, le temps d’un week-end, des artistes font résonner au bord de la Charente des musiques venues des quatre coins du globe. Le métissage est aussi mis à l’honneur par une diversité de formats, du festival littéraire à la gastronomie en passant par des projections, des expositions ou encore des siestes musicales.
Cette année, le festival se tiendra du 6 au 8 juin sur l’Esplanade des Chais Magelis. On y retrouvera autant des groupes mythiques – The Congos et The Gladiators pour la soirée reggae, que des jeunes têtes d’affiches – la percussionniste Oriane Lacaille, Moonlight Benjamin et sa soul envoûtante venue d’Haïti ou la Brésilienne Flavia Coelho. Toujours en laissant la curiosité prendre le contrôle, comme avec les Nantais d’Orange Blossom, les 16 musiciens anglais du Balimaya Project, la cumbia de Puerto Candelaria ou l’électro balkanique de Shantel.
48 ans de World Music
L’histoire de l’événement vaut le détour. En 1976, un ancien disquaire d’Angoulême, passionné de jazz et de blues, Christian Mousset, lance un festival à Angoulême : Jazz en France. Le projet grandit, gagne la confiance des Angoumoisin·es et s’impose progressivement comme un défricheur incontournable de talents internationaux. Rebaptisé Musiques Métisses au milieu des années 1980, il accueille les premières scènes françaises de Kassav’, Salif Keita, Césaria Évora ou Johnny Clegg.
Cette demi-décennie d’histoire, jalonnée de moments de live historiques, porte en elle le développement en France des « musiques du monde » en France – catégorie aux contours flous, traduction littérale de World Music. Des concerts confidentiels dans les années 1970, suivi par le large succès du raï (Khaled, Cheb Mami…) ou de la musique cubaine (Buena Vista Social Club…) dans les années 1980-1990, jusqu’au déclin relatif de ces musiques au tournant des années 2010.
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« Il y a encore de l’intérêt, des artistes remplissent des salles, mais la presse spécialisée a disparu, ces musiques se sont banalisées, elles irriguent beaucoup la création et se sont hybridées dans d’autres styles » explique Patrick Duval, programmateur musical du festival.
Mais le festival conserve un public fidèle en s’adaptant à ces évolutions, faisant par exemple une belle place aux musiques électroniques. Cette année, on retrouvera entre autres DJ Koyla, entre afrobeat, house et techno, Paress qui combine du hip hop, dubstep et drum and bass, ou Pedrolino et son « électro-world » nourrie d’inspirations de tous les continents.
Espace d’expression libre
Cette année, la programmation reflète des actualités brûlantes qui dépassent le monde de la musique. L’ouverture se fera avec le groupe palestinien aux influences électro et hip hop : 47soul. « La programmation d’un festival est un lieu d’expression rare » développe Patrick Duval qui se dit « atterré par le silence du secteur culturel à propos de la situation en Palestine ». La soirée du vendredi est également organisée autour d’un line-up féminin, dans une volonté de pallier la sous-représentation des femmes sur scène.
L’espace « Littératures métisses », apparu pendant l’édition de 2000, est placé au cœur des festivités et se déplace dans les médiathèques de la Charente en amont de l’événement. Un choix pertinent pour toucher un public moins habitué aux salons littéraires. Cette année, ces rencontres accueilleront entre autres la romancière Leïla Bouherrafa (Tu mérites un pays, Allary Éditions, 2022), la philosophe Nadia Yala Kisukidi (La dissociation, Seuil 2022), la touche-à-tout Joséphine Tassy (L’indésir, l’Iconoclaste, 2023) et l’auteur tchadien Noël Ndjékéry (Il n’y a pas d’arc-en-ciel au paradis, Hélice Hélas, 2022).
C’est un engagement en soi de défendre la diversité culturelle et le métissage aujourd’hui
Ainsi, ce festival à échelle humaine – dans lequel « il n’est pas rare de pouvoir croiser et discuter avec les artistes sur le site » – apparaît comme un lieu de débat ouvert sur la société. En témoigne les nombreux artistes programmés qui portent des engagements politiques forts, la programmation ciné-métis qui projettera le documentaire de Nora Philippe Restituer ? L’Afrique en quête de ses chefs-d’œuvre, ou encore les associations présentes sur place : France terre d’asile, Clean Walker, les Compagnons du végétal…
« L’engagement a toujours été dans l’ADN du festival, explicite Patrick Duval, c’est un engagement en soi de défendre la diversité culturelle et le métissage aujourd’hui ».
Ici et ailleurs
Si une partie des têtes d’affiches vient du Burkina Faso, de Jamaïque ou de Colombie, l’un des marqueurs de Musiques Métisses est de faire dialoguer les inspirations internationales avec la scène nationale et locale. « Être à l’écoute de ceux qui font ici de la musique d’ailleurs », dans les mots de Patrick Duval. À l’image du duo Okali, programmé le samedi soir, dont les mélodies aux sonorités Afro Trip Hop, dub, et rock ont été composées à proximité, en Charente Maritime.
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Dans la même veine, le festival a organisé en partenariat avec des établissements scolaires et l’École départementale de musique des ateliers musicaux animés par la chanteuse rwandaise Kaya Byinshii et le musicien charentais Axel Rasoanaivo. Les élèves ont ainsi découvert l’envers de la création musicale, avant d’écrire et d’arranger leurs propres morceaux, qu’ils/elles joueront sur la Grande Scène le vendredi 7 juin.
Éco-métis
Cette proximité géographique des artistes, d’abord imposée par des enjeux économiques, permet également au festival de réduire son empreinte écologique. Car l’enjeu des tournées responsables se pose frontalement dans le secteur des musiques du monde : comment continuer à alimenter la « sono mondiale » et la diversité artistique à l’heure de l’urgence écologique ?
La circulation internationale des artistes ne peut pas être la variable d’ajustement des politiques climatiques
En 2022, à l’issue d’une mini-convention pour le climat au sein du réseau Zone Franche regroupant les structures des musiques du monde, les participant·es réaffirmaient la nécessité de « faire un pas de côté » dans un champ artistique « enfant de traditions orales éminemment soutenables et de sons d’une mondialisation qui l’est beaucoup moins ». Avant de préciser que « la circulation internationale des artistes ne peut pas être la variable d’ajustement des politiques climatiques ».
Ainsi, Musiques Métisses ne programme que des artistes internationaux déjà présents en France dans le cadre de tournées nationales ou européennes. Patrick Duval reconnaît que le futur se fera de plus en plus avec des programmations locales. « Mais je ne suis pas inquiet du tout, il y a tellement d’artistes géniaux à programmer en France et en Europe ».
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Et à côté, le festival s’engage dans un volet « éco-métis ». En commençant par la mobilité des publics, de loin la première source d’émission de gaz à effet de serre des festivals, à travers la mise en place de navettes retour et d’un parking à vélo. Le festival est aussi signataire de la charte Drastic On Plastic qui bannit le plastique à usage unique, et déploie des actions de tri et valorisation des déchets sur le site.
Retrouvez la programmation complète, la billetterie et les informations pratiques sur le site du festival.