À l’heure où les préoccupations écologiques gagnent du terrain, les spectateurs sont de plus en plus nombreux à se questionner sur le bilan carbone des tournées internationales. Pour le réduire, sans pour autant appauvrir l’offre culturelle, Amandine Saumonneau, coordinatrice du réseau Zone Franche, propose d’allonger leurs durées, notamment en octroyant des visas plus longs aux artistes. Elle sera présente à la Paris Electronic Week, le 24 septembre prochain, pour une conférence sur les tournées sans avion.
Faire une tournée internationale, peu importe sa taille, son ampleur ou sa durée, cela pollue. Organiser plusieurs concerts nécessite en effet de faire se déplacer artistes, techniciens, et scénographie, sur de longues distances. Il en est de même pour les spectateurs, qui se déplacent souvent en nombre, et avec des moyens de transports polluants pour se rendre sur les lieux des tournées.
Va-t-on donc devoir faire une croix sur les tournées internationales si l’on veut vivre dans un monde plus vert, au risque de faire fondre l’offre culturelle et artistique ?
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Amandine Saumonneau n’est pas de cet avis. Elle est la coordinatrice du réseau Zone Franche. Cette fédération créée en 1990 rassemble labels, tourneurs, managers et personnalités du secteur de la musique du monde, dans un but de promotion et d’accompagnement. Entre avril et décembre 2021, le groupe a organisé une « mini convention climat », dont le but était de discuter de l’impact écologique des tournées internationales de musique du monde.
Ces six mois de réflexion ont débouché sur 183 propositions, qui visent à verdir le secteur. Le réseau accompagne également des artistes internationaux qui souhaitent tourner sur le territoire français. Elle a accepté de répondre à quelques questions sur le sujet, à la lumière de ce travail de recherche effectué et synthétisé durant plusieurs mois.
Elle participera également à une conférence consacrée aux tournées sans avion, dans le cadre de la Paris Electronic Week, le 24 septembre prochain. Cette année, la manifestation aura lieu au parc de la Villette et accueillera rencontres et concerts.
Au sein du collectif Zone Franche, vous militez et agissez pour améliorer le bilan carbone des tournées d’artistes de musique du monde. Est-ce que cela doit nécessairement passer par une baisse de leur nombre ?
Amandine Saumonneau : Pas du tout. Nous pensons au contraire qu’il ne faut absolument pas réduire le nombre de tournées, sous peine de faire fondre la diversité culturelle. Cela aurait aussi un coût social et économique très important. Les artistes ont souvent besoin d’effectuer des tournées afin de vivre de leur travail. Réduire leur nombre de tournées, cela ferait donc porter le poids du changement sur les épaules des plus précaires.
Pour réduire l’empreinte carbone, il faut apprendre à tourner mieux et plus longtemps
Pour réduire l’empreinte carbone, il faut apprendre à tourner mieux et plus longtemps. Ce qui est ressorti du travail que nous avons mené est que la mobilité des artistes en eux-mêmes est loin d’être l’élément qui pollue le plus. Ce sont les trajets effectués par les spectateur·ices vers le lieu des concerts qui rejettent le plus de gaz à effet de serre.
Il faut donc développer les mobilités douces pour réduire l’empreinte carbone des tournées. Sur ce sujet, on pourrait s’inspirer de l’Allemagne qui a mis en place un ticket de train illimité à 9 euros par mois, permettant de voyager dans tout le pays.
Une coopération accrue entre les différents organisateurs de concerts dans une même région pourrait régler ce problème. Pourquoi est-ce si difficile d’imaginer qu’un artiste puisse être en représentation plusieurs fois à la suite au même endroit ?
Amandine Saumonneau : C’est évident que si un·e artiste peut faire plus de concerts dans un endroit donné, il ou elle améliore son bilan carbone. Si l’on déplace moins les publics en amenant les artistes au plus près d’eux, on évite de nombreux et polluants trajets.
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Par exemple, si un·e artiste joue seulement à Lyon, les spectateur·ices viendront de toute la région pour venir le ou la voir. Mais si un deuxième concert a lieu à Saint-Étienne quelques jours plus tard, la distance parcourue par le public sera beaucoup moins importante. Il faut déplacer les artistes plutôt que le public.
Il faut déplacer les artistes plutôt que le public
De telles coopération sont pourtant rendues difficiles par les clauses d’exclusivité. Ces ajouts aux contrats des artistes les empêchent de jouer deux concerts consécutifs dans la même région. Le but est d’éviter aux structures de se faire concurrence. Cela peut avoir un sens dans le cas de gros noms, mais les appliquer à des artistes émergent·es n’apporte absolument rien à personne.
Zone Franche se bat depuis de nombreuses années pour faciliter l’obtention et augmenter la durée des visas pour les artistes en tournée. Plus de souplesse sur ce point pourrait permettre d’améliorer le bilan carbone ?
Amandine Saumonneau : Les tournées internationales sont souvent trop courtes pour être soutenables. Des visas plus longs permettent d’abord d’éviter de faire des allers-retours. Dans certains cas, les délais sont si courts qu’ils obligent les artistes à revenir dans leurs pays entre des dates, pour obtenir une nouvelle autorisation. Ils ou elles sont également pressé·es par le temps et doivent rentabiliser chaque journée passée dans le pays qui les accueillent, et peuvent avoir recours à des modes de transports rapides et polluants.
Avec des visas longs séjours allant jusqu’à un an, et couvrant tout l’Espace Schengen, on pourrait prendre son temps, et se permettre de faire systématiquement voyager les artistes en train entre leurs dates par exemple.
Toutes les informations sur la Paris Electronic Week sont à retrouver sur le site internet de l’événement.