S’il veut rester en phase avec ses valeurs, le monde de la culture doit absolument faire sa transition écologique. Pour y arriver, Marguerite Courtel, du collectif Les Augures, préconise de ralentir le rythme de production des événements et des spectacles.
L’art a toujours été un formidable vecteur de changement. Littérature, spectacle vivant, musique ou cinéma, participent à transformer l’imaginaire, notamment sur la question de l’écologie, par le biais de l’émerveillement ou l’anticipation. Mais le monde de la culture est également une industrie, qui emploie 600 000 personnes, rejette des gaz à effet de serre et consomme de l’énergie.
Pour être en phase avec ses valeurs, la culture doit donc faire sa transition écologique. L’idée commence à faire son chemin parmi les artistes, technicien·nes et personnels administratifs, mais beaucoup reste encore à faire.
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Quelle place occupe l’art dans l’engagement écologique ?
Marguerite Courtel : C’est précisément le message porté par Les Augures. Ce collectif, créé à l’initiative de Laurence Perrillat dans les premiers jours de 2020, alors que la planète était paralysée par l’épidémie de Covid 19, s’est donné pour mission d’accompagner les acteurs du monde de la culture dans leur stratégie environnementale.
Le groupe effectue par exemple des actions de sensibilisation auprès des employé·es des structures, mais également auprès du public, des artistes ou des dirigeant·es, axant sa méthode sur la prise en compte des enjeux sociétaux. Les Augures a pu accompagner le Palais de Tokyo, les acteurs culturels de la ville de Paris, le Centre Chorégraphique National d’Orléans ou bien l’Orchestre national d’Île-de-France.
Marguerite Courtel, qui fait partie de ce groupe, a accepté de répondre à nos questions et de donner pistes et directions afin de rendre le monde de la culture plus vert. L’écologie et la culture seront des thèmes discutés à la Paris Electronic Week, qui aura lieu du 21 au 24 septembre 2022.
On perçoit souvent le monde de la culture comme en pointe lorsqu’il s’agit d’engagements. Est-ce aussi le cas pour ce qui est de la prise en compte de l’urgence écologique ?
Le monde de la culture a pris conscience de sa fragilité
Ces trois dernières années, le monde de la culture a pris conscience de sa fragilité. La pandémie de Covid-19 a profondément bouleversé le secteur, en exposant sa dépendance économique aux visiteurs qui ne pouvaient plus se déplacer. Ce moment a été vécu comme un coup de massue, mais a également accéléré la prise de conscience.
Désormais, l’idée est bien ancrée dans les esprits. Cela a également beaucoup à voir avec le renouvellement des équipes dirigeantes. Elles sont désormais plus jeunes et féminisées.
Les structures ont-elles tendance à décarboner leur activité à cause des demandes du public, ou l’impulsion vient-elle des équipes elles-mêmes ?
Le public est demandeur d’efforts sur ces questions, mais de nombreuses structures connaissent finalement assez mal leur public. Le plus souvent ce sont donc les artistes, les employé·es ou bien les dirigeant·es qui poussent au changement.
Pour faire sa transition écologique, le monde de la culture doit accepter de ralentir le rythme
Les pouvoirs publics pourraient participer à ce mouvement. Mais les subventions conditionnées au respect de normes environnementales sont encore très rares. On fait souvent face à des injonctions paradoxales dans ce domaine.
Les subventions promeuvent l’éco-conception des événements, mais ont aussi pour effet de multiplier les spectacles et les expositions. Elles incitent également au développement du numérique sans prendre la mesure de son impact. Mais pour faire sa transition écologique, le monde de la culture doit accepter de ralentir le rythme.
C’est un discours qui peut être difficile à entendre pour des festivals, des théâtre ou des musées…
Je n’en suis pas certaine. Les équipes de productions sont fatiguées par les multiples annulations et re-programmations. Les directions sont prêtes à entendre ce type de revendication. Ralentir, c’est une proposition qui peut sembler radicale, mais cela signifie travailler mieux. De plus, la rareté crée de la richesse pour les spectateur·ices. Pour son édition 2022, Le festival d’Automne, en Île-de-France, a par exemple fait le choix de présenter une sélection de ses spectacles créés durant les dix dernières éditions.
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Si ce ne sont pas les acteurs de la culture qui mettent en œuvre ce genre d’idées radicales, qui le fera ? La maison des arts de Malakoff projette par exemple de « couper les fluides » pendant quelques mois en 2023 dans le cadre d’un projet expérimental, en se posant la question de comment faire rayonner la culture sans électricité, gaz ou arrivée d’eau.
La transition est également un enjeu d’image pour le monde de la culture. Les structures communiquent énormément sur leurs actions, mais rien ne les obligent à faire preuve de bonne foi. Comment les spectateur·ices peuvent-ils/elles être certain·es de ne pas avoir affaire à une opération de greenwashing ?
Malheureusement, c’est très difficile d’avoir accès à des chiffres, pour les professionnels comme pour les spectateurs. Peu de structures ont les moyens de mesurer leur empreinte carbone, car les outils comme les bilans carbone sont chers. Même lorsque nous intervenons auprès de clients, récolter des données sur le sujet peut s’avérer compliqué car cela nécessite de mobiliser des équipes déjà surchargées.
La programmation complète de la Paris Electronic Week est à retrouver sur le site de l’événement.