C’est un nouveau concept que l’on voit tout juste essaimer en France, une bibliothèque pour emprunter des objets que l’on n’utilise qu’occasionnellement, et éviter d’acheter. S’ouvre ainsi dès ce week-end la Bibliothèque d’objets de Montreuil, 3000 objets à terme, des ateliers d’initiation à la réparation et au réemploi, et des studios de répèt’. Derrière un même slogan : réparation, réemploi, partage. Bienvenue à la BOM.
Sur la façade du bâtiment, une épaisse croix rouge indique le récent passé médical du lieu, confirmé par un fronton où l’on déchiffre encore « dispensaire municipal ». Ce qui fut l’un des centres de santé du cœur de ville de Montreuil, au croisement des rues Kléber et Girard, a fermé ses portes il y a deux ans. Déménagement. Depuis, les rideaux de cette belle bâtisse de 600m2, deux étages dont une grande verrière au premier, restaient obstinément fermés. Jusqu’à ce que Sylvain Mustaki vienne y installer son étrange idée de bibliothèque d’objets, à l’automne dernier.
Sylvain Mustaki fait partie de ceux que l’on se met à tutoyer tout de suite. Jovial et énergique, on l’imagine sans peine dans ses anciennes baskets de producteur musical, quand il organisait les tournées de Johnny Clegg ou AC/DC, la fête pour le Temps libre en 1981, ou pour SOS Racisme en 1985. Il nous fait visiter les lieux comme s’il ouvrait un théâtre. « Là au premier étage, on a ce grand espace à vivre avec une belle fresque du collectif La Graffiterie. Plus loin, c’est la cuisine zéro déchet, et au fond, des ateliers. Regarde, on a cassé les murs pour pouvoir y accueillir des scolaires. »
La BOM, Bibliothèque d’objets de Montreuil
On passe rapidement au sous-sol, où finissent de s’installer deux studios de répétition – « le premier sera terminé ce week-end » – avant de remonter au rez-de-chaussée. Dans le hall d’entrée, deux bornes « Regenbox » permettent de tester ses vieilles piles, et éventuellement de les recharger. « Ça n’existe nulle part ailleurs » souligne, pas peu fier, notre guide. On passe enfin une porte pour pénétrer dans l’espace qui donne son nom au lieu, la bibliothèque d’objets.
« Au fond, je n’ai pas besoin d’une perceuse, j’ai besoin d’un trou dans le mur. »
Ici, plusieurs pièces de stockage se destinent à accueillir tous types d’objets : outils, cuisine, sport, jardinage, enfants, fête… « On essaie de couvrir tous les domaines de la vie quotidienne », précise notre hôte. À terme, plus de 3000 références, pour la plupart issues de dons, seront disponibles à la location à la BOM, contre un tarif modique allant de 1€ à 10€. Dans les espaces restants, un atelier bois, la maintenance, et un espace de réparation collective – « on démonte avec vous et on vous montre comment réparer » – façon Repair café.
Ce concept de bibliothèque de choses, né outre-Atlantique, est parti d’un constat simple : peut-on partager ces objets que l’on utilise rarement plutôt que d’acheter chacun les siens. Une évidence, pour Sylvain Mustaki, afin de réduire la production en utilisant l’existant. « Une statistique, un peu déprimante, montre qu’une perceuse est en moyenne utilisée 12 minutes dans toute sa vie. Est-ce vraiment la peine que chacun.e en ait une chez soi ? Au fond, je n’ai pas besoin d’une perceuse, j’ai besoin d’un trou dans le mur. »
Un été pour s’installer
À la BOM, l’heure est pour l’instant à la récolte en sollicitant les dons. « Le premier truc, c’est videz vos placards de ces choses qui ne vous servent pas », appelle Sylvain Mustaki. Chaque objet est ensuite testé et rentré dans une base de données – avec photo et notice – où l’on peut le réserver en ligne avant de venir le chercher. « Au fur et à mesure, j’espère que l’on pourra avoir des objets assez chers, comme des vidéoprojecteurs ou un kit sono pour un mariage, pour les rendre accessibles à tous. »
« C’est un lieu pour que les gens se rencontrent et créent du lien »
Si l’équipe compte sur l’été pour étoffer la bibliothèque, elle prend le pari d’ouvrir les portes dès aujourd’hui pour laisser le public découvrir les différents espaces, profiter des ateliers, et que le bouche-à-oreille se fasse. « La Ville nous a octroyé un bail temporaire de 3 ans, souligne le Montreuillois, on voulait vraiment profiter de ce premier été. » Les portes s’ouvrent dès ces jours-ci au public, avec plusieurs animations et concerts au programme. Avant la grande inauguration officielle prévue pour septembre.
Après deux ans de silence, l’ancien centre de santé du métro Croix-de-Chavaux reprend donc vie. Et dans un bel esprit de fête et de générosité de surcroît. Rien de surprenant quand on sait que l’équipe avait dès 2019 initié les Routes du partage, un grand événement à Montreuil rassemblant 110 assos autour du don et du partage. Sur le perron, Sylvain Mustaki nous le confirme : « on n’a pas envie d’être un endroit triste, où l’on pose et dépose. Ce lieu, c’est pour que les gens se rencontrent, créent de l’entraide, de la solidarité, du lien ». L’aventure commence dès ce week-end.
Retrouver plus d’informations et la programmation de l’ouverture sur le site de la BOM.