Cet été, le gouvernement présentera les orientations de la politique alimentaire de la France pour les 10 prochaines années. En amont, la société civile se mobilise pour contrer l’influence des lobbies agroalimentaires et encourager une « stratégie à la hauteur des enjeux écologiques, de justice sociale et de santé publique ».
Si le sigle n’est pas encore connu du grand public, tous les acteurs de l’agriculture et de l’alimentation de France se mobilisent depuis plusieurs mois autour de la SNANC, la stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat. Avant le 1er juillet 2023, le gouvernement présentera les grands objectifs à horizon 2030 qui détermineront le contenu de notre assiette pour les dix prochaines années. Dans un tel contexte, 70 associations adressent une lettre ouverte à la Première ministre pour lui demander de « résister à la pression de certains lobbies agricoles et agroalimentaires » et d’élaborer une stratégie ambitieuse.
La Société française du cancer, Alternatiba, la Fédération nationale d’agriculture biologique, l’UFC-Que Choisir, Action Contre la Faim… La diversité des associations signataires du texte témoigne du rôle crucial joué par l’alimentation, à la croisée des enjeux de santé publique, de pauvreté, d’écologie et d’agriculture. Elle représente en effet un quart de l’empreinte carbone de la France, contribue à la progression des maladies chroniques (diabète, obésité, cancer, maladies cardiovasculaires…) et joue un rôle majeur dans l’effondrement de la biodiversité.
« Il est urgent que l’État régule plus strictement le secteur agroalimentaire pour assurer une alimentation saine et durable à toutes et tous »
La plupart de ces associations sont réunies au sein du Conseil national de l’Alimentation (CNA), aux côtés de représentants de l’agroalimentaire, du monde agricole (FNSEA) et de la grande distribution. Ces derniers mois, cette instance consultative a été le lieu de débats vifs au sujet de l’utilisation de l’expression « élevage intensif », des réglementations sur l’usage de produits phytosanitaires, ou encore sur l’interdiction de la publicité sur les produits nocifs pour la santé. Finalement, aucun consensus n’a été arrêté, et les lobbies s’opposent publiquement à la moitié des 39 recommandations de l’avis du CNA remis le mois dernier au gouvernement.
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La lettre ouverte appelle le gouvernement à écouter les « recommandations partagées par les scientifiques et la société civile » en fixant des « objectifs ambitieux » pour la transition alimentaire : hausse de la consommation de fruits et légumes et des produits issus de l’agroécologie, accompagnée d’une baisse de la consommation de viande, des produits laitiers et des produits ultra-transformés. Pour cela, les signataires estiment qu’il ne faut ni compter sur les « engagements volontaires » du secteur privé, ni s’appuyer sur le « mythe du consommateur responsable » qui serait capable de faire évoluer les pratiques des géants de l’agroalimentaire.
Jusqu’à cet été, les regards se tournent désormais vers le gouvernement qui devra arbitrer entre les voix discordantes mobilisées sur le sujet. « Il ne faut pas que ce soit un énième plan, mais une stratégie structurante, qui fixe des objectifs, mais aussi des outils concrets pour les atteindre, qui puissent ensuite être déclinés réglementairement ou par la loi » défend Benoît Granier du Réseau Action Climat dans Le Monde. Une ambition nécessaire pour que la SNANC n’aboutisse pas à « une nouvelle occasion manquée ».