Vous connaissez sans doute déjà le Nutri-score — voici le Resto-score. Lancé ce 18 avril, cet outil conçu par l’entreprise Ecotable veut mesurer l’impact environnemental du secteur de la restauration et offrir plus de transparence aux consommateur·ices. Gare aux cancres.
Tantôt rouge, tantôt verte, passant de A à E, la petite pastille du Nutri-score s’est discrètement fait une place dans les rayons des supermarchés depuis son lancement en 2015. Malgré un bilan en mi-teinte (la part des marques françaises refusant de l’afficher couvre près de deux tiers des volumes des ventes), la popularisation de cet étiquetage, qui mesure la qualité nutritionnelle des produits alimentaires, aura poussé certains industriels à améliorer leurs recettes, révélait le 12 avril dernier une nouvelle étude de l’UFC-Que Choisir.
Depuis le 18 avril, le « Resto-score » lancé par Ecotable élargit cette approche au secteur de la restauration. Pensé comme un outil de notation doublé d’un dispositif d’accompagnement, il permet d’évaluer l’impact environnemental des restaurateur·ices selon pas moins de 200 critères. De la part de bio du menu aux produits de ménage employés pour nettoyer les locaux, le Resto-score joue la carte de l’exhaustivité.
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Il se revendique ainsi d’une approche « One Health » — ou « Une seule santé » —, qui considère la santé humaine, la santé animale et les écosystèmes comme étant intrinsèquement liés. Pas question, donc, de parler de recyclage sans parler de bien-être au travail. Délivré à l’issue d’un audit minutieux mené par Ecotable, le Resto-score encourage les bon·nes élèves à afficher leur note (entre A et E) sur un macaron à l’attention des client·es ; pour les autres, c’est l’occasion d’identifier des axes d’amélioration en vue de rendre leurs activités plus soutenables.
Camille Delamar, cofondatrice d’Ecotable, détaille à Pioche! l’application et les enjeux de cet outil ambitieux.
Comment un·e restaurateur·ice s’y prend iel pour calculer son Resto-score ?
Cela se passe en trois étapes. D’abord, l’établissement remplit un autodiagnostic, où nous le sondons sur ses pratiques. Nos 200 critères d’analyse répondent au concept « One Health » de l’OMS, selon lequel il n’y a pas de santé humaine sans santé planétaire et sans santé animale. Il faut que ces trois piliers aillent bien pour que tout le monde aille bien.
Du coup, le diagnostic aborde des questions très différentes : le bio, les circuits courts, la viande rouge, les produits ultratransformés, l’usage du plastique, la gestion des déchets, ou encore la sensibilisation aux discriminations et aux violences en cuisine, les plannings des salarié·es, l’inclusivité des politiques de recrutement, les initiatives solidaires et associatives mises en place…
Tout ce qui est déclaré dans ce diagnostic doit ensuite être corroboré par des justificatifs — factures, menus, etc. — que nous analysons. À partir de ces informations, c’est là la deuxième étape, Ecotable calcule une note globale, le Resto-score. La dernière étape consiste à répondre aux côtés des restaurateur·ices à la question : « Qu’est-ce que je peux faire pour améliorer ma note ? ».
C’est tout un travail d’accompagnement, qui peut aller de l’identification de nouveaux fournisseurs à la formation des équipes. Notre ambition est de travailler avec suffisamment d’acteur·ices du secteur pour créer un effet de norme, afin qu’à un moment, les gens se disent qu’il vaut mieux montrer une note moyenne que de ne pas être transparent.
Le calcul du Resto-score s’avère donc assez complexe. Comment espérez-vous le démocratiser ?
Il est vrai que notre parti-pris est de dire que pour délivrer une note qui ait du sens, il faut faire des analyses poussées et multicritères. On pourrait imaginer un barème plus simple, mais cela ne permettrait pas aux acteur·ices de progresser. Pour cela, il faut avoir une compréhension fine de leur activité.
« Notre ambition est de travailler avec suffisamment d’acteur·ices du secteur pour créer un effet de norme »
Certes, cela prend du temps, mais derrière nous avons un outil de pilotage robuste qui permet de créer des plans d’action selon les objectifs et les ambitions de chacun·e, et d’échelonner les actions à mettre en place dans le temps. C’est ainsi que nous tentons d’initier une démarche de fond positive.
Nous allons aussi chercher les restaurateur·ices sur le terrain du business : réduire l’impact environnemental, c’est lutter contre le gaspillage, optimiser les consommations d’énergie, les process, et donc réduire certains coûts. Cela permet de se différencier de la concurrence, de remporter des appels d’offres, de décrocher des subventions…
Et comme le Resto-score prend en compte le bien-être au travail, il peut permettre d’attirer des talents dans son établissement. Enfin, la loi évolue et pousse de toute manière le secteur à revoir ses pratiques. Le Resto-score peut être une manière de communiquer sur ces évolutions.
L’Union européenne devrait justement adopter cette année un étiquetage nutritionnel harmonisé et obligatoire — le Nutri-score faisant figure de favori. Comment voyez-vous l’avenir du Resto-score ?
Contrairement au Nutri-score, qui peut s’appuyer sur l’open data — comme la base de données Open Food Facts — pour obtenir les informations nécessaires à son calcul, le Resto-score exige des documents confidentiels fournis par des restaurateur·ices volontaires. Je le vois donc mal devenir obligatoire, ce n’est pas notre objectif. En revanche, il est à peu près certain qu’un indicateur obligatoire fera son apparition dans les années à venir via la loi climat et résilience.
Nous pensons que le Resto-score englobe parmi ses 200 critères ceux qui seront retenus pour ce futur indicateur, lequel sera nécessairement moins complexe, mais aussi plus accessible. D’ici là, autant anticiper la législation et sensibiliser le secteur de la restauration aux normes de demain. En permettant à ses acteur·ices de se familiariser avec les concepts de transparence et de mesure d’impact, nous les incitons à mettre en place des pratiques positives dès aujourd’hui.