À quoi sert et comment fonctionne le Nutri-Score, ces cinq lettres et autant de couleurs que l’on trouve de plus en plus sur les emballages de nos produits ? Nous avons posé la question au Dr Mélanie Deschasaux, spécialiste des questions nutritionnelles à l’Institut de la santé et de la recherche médicale (Inserm).
Depuis son introduction en 2017, le Nutri-Score se fraye un chemin dans les rayons de nos supermarchés. L’idée est simple : traduire le tableau nutritionnel des produits alimentaires (présent sur les emballages, celui-ci précise par exemple les taux de sucres ou de graisses saturées contenus) en une note plus compréhensible allant de A à E, du vert au orange foncé. Présentation de ce petit pictogramme qui en intrigue plus d’un avec le Dr Mélanie Deschasaux, chargée de recherche dans l’équipe de Recherche en épidémiologie nutritionnelle (EREN) et spécialiste des questions nutritionnelles à l’Institut de la santé et de la recherche médicale (Inserm).
Après de longues discussions, et malgré une farouche opposition d’une partie de l’industrie agro-alimentaire, le Nutri-Score a finalement fait son apparition dans les rayons des supermarchés français en 2017. Quelles sont ses spécificités ?
Mélanie Deschasaux : L’objectif du Nutri-Score est de faciliter la compréhension du consommateur sur la qualité nutritionnelle d’un produit alimentaire, mais aussi d’encourager les entreprises à améliorer la qualité de leurs produits. Concrètement, le Nutri-Score traduit le tableau nutritionnel en une note, de A à E, et un code couleur, du vert au orange foncé.
Le Nutri-Score n’invente rien. Il est basé sur sept éléments, les teneurs pour 100 grammes de produit, qu’on retrouve déjà sur le tableau nutritionnel. Quatre éléments sont considérés défavorables ou à limiter : l’apport calorique, la teneur en sucre, la teneur en graisses saturées et la teneur en sel. Les trois autres sont considérés comme favorable ou à encourager : la teneur en fruits, légumes, légumineuses et oléagineux, la teneur en fibres et la teneur en protéines.
Précision importante : le Nutri-Score n’est pas obligatoire, du fait des réglementations européennes. Par ailleurs, les marques qui acceptent d’afficher le Nutri-Score doivent signer une charte auprès de Santé Publique France et apposer ce logo sur tous leurs produits.
Doit-on conclure que les produits alimentaires qui n’affichent pas leur Nutri-Score sont les plus mauvais pour la santé ?
Il ne faut pas trop vite généraliser. Aujourd’hui, on compte plus de 350 marques engagées. Cela évolue très vite même si, globalement, on retrouve plus de Nutri-Score dans les rayons traiteurs qu’en confiserie.
Les produits bio ou végétariens ont-ils systématiquement un meilleur Nutri-Score que les autres ?
Évidemment, un produit composé de fruits et légumes et pauvre en acides gras saturés aura un bon score. Mais le lien avec le bio n’est pas systématique. Par exemple, un palet breton aura beau être bio et local, il reste très riche en acides gras saturés et en sucre. De fait, son Nutri-Score a de fortes chances d’être mauvais.
Vous avez participé à une étude qui révèle que les aliments ayant les moins bons Nutri-Score augmentent la mortalité. Doit-on définitivement bannir les produits notés D ou E de nos placards ?
Le plus important, c’est l’équilibre nutritionnel
Le Nutri-Score est un outil parmi d’autres, et il ne se substitue pas aux recommandations nutritionnelles sur le régime alimentaire global. Une viande rouge avec un Nutri-Score B ne veut pas dire : mangez de la viande tous les jours. À l’inverse, les produits notés D ou E doivent nous alerter et rester occasionnel. La chose la plus importante à garder en tête, c’est l’équilibre nutritionnel du régime alimentaire au global.
Au quotidien, le principal intérêt du Nutri-Score est de nous aider à choisir entre différents produits. Par exemple, si j’ai envie de manger une pizza, je peux facilement comparer les marques et choisir celle qui a la meilleure note nutritionnelle.
Que répondez-vous à ceux qui soutiennent le fait que, pour bien se nourrir, il faut mettre le prix ?
Plusieurs études ont été réalisées sur le sujet. Je pense notamment à celle de Nicole Darmon, directrice de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, qui montre qu’il est possible de manger sainement avec un budget limité, même si l’exercice est plus difficile.
Prenons-nous toujours le temps de cuisiner ?
Derrière cette affirmation, la véritable question est : prenons-nous toujours le temps de cuisiner ? La société a évolué de telle manière qu’aujourd’hui, les plats préparés prennent de plus en plus de place dans les rayons et les enseignes de restauration rapide sont de plus en plus nombreuses. Selon moi, le principal enjeu est de réapprendre aux gens à cuisiner, montrer que ce n’est pas difficile et bon ! Cela passe peut-être par des interventions dans des écoles, promouvoir des recettes simples et rapides avec de bons produits. Soyons honnête : acheter un légume, le couper et le faire cuire ne coûte pas plus cher et ne prend pas forcément plus de temps que de réchauffer un produit préparé. Il faut revoir notre mode de vie et notre façon de voir les choses vis-à-vis de notre alimentation.