Le traitement médiatique des activistes climat joue un grand rôle dans l’adhésion de l’opinion publique. En analysant le vocabulaire utilisé dans la presse écrite, une chercheuse allemande décrypte certains procédés rhétoriques visant à discréditer, ridiculiser, voire criminaliser les militant·es.
L’Institute for Strategic Dialogue (ISD) a recensé plus de 8 000 articles tirés de 200 médias français, anglo-saxons et allemands pour analyser la couverture médiatique des marches pour le climat et des actions de désobéissance civile. L’étude interroge les choix de vocabulaire et de rhétorique faits par les médias et leurs conséquences sur l’opinion publique.
À lire aussi : « Je n’arrive pas à lire un rapport du GIEC et juste continuer ma vie d’ado, c’est impossible »
À l’origine de l’étude, la chercheuse allemande Sara Bundtzen montre que près de 12% des articles dédiés à l’activisme climatique adoptent une narration qui discrédite voire ridiculise les militant·es. Un chiffre qui monte à 35% pour les médias qui se décrivent comme alternatifs, comprenant entre autres les tabloïds anglais et les médias d’extrême droite.
Trois manières de disqualifier les militants climatiques
L’imaginaire le plus utilisé dans les articles discréditant l’activisme écologiste est celui des « hystériques du climat ». Les militants y sont décrits comme des irresponsables, à travers le champ lexical de la folie ou de la bêtise. Sara Bundtzen prend l’exemple de BFMTV qui s’était fait le relais du politicien d’extrême-droite Andréa Kotarac, décrivant le mouvement Dernière rénovation comme une « explosion de crétins ».
Parfois, les militant·es sont aussi dépeint·es comme une « élite hypocrite globale » déconnectée des réalités. Une stratégie généralement utilisée pour soutenir des propos climatosceptiques. Cela passe par l’assimilation des activistes à une frange radicale d’extrême-gauche, des références négatives à la « cancel culture », ou l’accent mis sur les comportements individuels des militant·es. En décembre dernier, un voyage en jet privé de Meghan Markle avait permis aux tabloïds anglais de titrer sur l’« hypocrisie des militants écologistes ».
À lire aussi : Cinquante journaux signent une « Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique »
Enfin, l’étude pointe une montée de l’expression « terroriste climatique » dans les médias allemands, présente dans 9% des articles recensés. À travers des références plus ou moins directes, les journaux ravivent le spectre de la Fraction Armée Rouge, une organisation de guérilla urbaine qui sévissait en Allemagne de l’Ouest. Un procédé rhétorique diffamatoire associant les militants à de violents extrémistes.
Si la majorité des médias portent une approche relativement neutre, Sara Bundtzen s’inquiète de l’influence d’une poignée d’articles « qui décentrent l’ensemble du débat public à travers un angle émotionnel et incendiaire ». Elle déplore aussi le recours au « faux équilibre » (ou bothsidesism), un biais qui encourage les journalistes à toujours présenter les opinions « des deux côtés », entraînant une surmédiatisation injustifiée des réfractaires au consensus scientifique sur le changement climatique.