On la retrouve sur les chars de manif et dans les scènes ouvertes militantes sous le nom de Koclico, et en journaliste réac’ sur le compte Instagram GNews – satire écolo des chaines d’info. Hélène Martinelli fait partie de cette génération qui ne veut plus choisir entre activisme et carrière artistique. Portrait de cette joyeuse artiviste touche-à-tout, à l’occasion de la sortie de son premier EP, Humeurs boréales.
« Quand je suis montée à Paris, je me disais que la prochaine étape devait être Los Angeles. » Lorsqu’Hélène Martinelli raconte ses ambitions d’adolescence, on comprend le chemin parcouru. Elle qui rêvait de projecteurs et de tapis rouge devient artiviste, décidant ainsi d’allier la ferveur de la création artistique avec la détermination de ses convictions écologiques et sociales. Son engagement, Hélène le construit avec la force du collectif.
On l’a vue animer micro en main les Marches climat et les manifs contre la réforme des retraites avec des slogans explosifs et son single #OHRAGE, enregistré sous son nom de scène Koclico. Et puis on a adoré son personnage de Juliette, journaliste cinglante sur le compte Instagram satirique GNews qui parodie une certaine couverture médiatique tendancieuse où les mobilisations écolos sont traitées sous des titres aussi impartiaux que « La jalousie est-elle la principale motivation des activistes » ou « Écolos : les nouveaux vandales ? ».
Une histoire de rencontres
Mais l’énergie débordante de la trentenaire franco-italienne ne date pas d’hier, comme en témoignent quelques anecdotes qu’elle partage sur son parcours. Une école de cinéma où « les copines étaient présentées comme des rivales », une chaîne YouTube aujourd’hui abandonnée suivie par plusieurs dizaines de milliers de personnes, ou encore un bref passage dans l’émission The Voice dans laquelle elle a interprété une reprise de Lazy Song de Bruno Mars, mêlé à du rap italien. Avec en fil rouge, cette même envie de créer, de fédérer.
Son engagement écolo trouve ses racines dans le 10e arrondissement de Paris. En 2019, La Base, le QG de mobilisation écolo animé par plusieurs collectifs dont Alternatiba Paris, s’ouvre à quelques mètres de son ancien appartement. C’est là-bas qu’elle organise ses premières jam sessions, qu’elle rencontre des militant·es qui deviendront ses ami·es et qu’elle commence à s’intéresser aux enjeux écologiques et sociaux.
Tout ça résonne avec le documentaire En quête de sens de Marc de la Ménardière et Nathanaël Coste qui l’a beaucoup touchée. Et comme l’époque est aux Marches climat, elle rejoint les dizaines de milliers de citoyen·nes qui défilent dans les rues, avant de participer à la création du collectif Planète Boum Boum qui anime les cortèges.
« Ces rencontres sont arrivées au bon moment, je peinais à trouver du sens dans ce que je faisais. J’étais à fond dans un modèle hyper compétitif, avec des castings, tout tournait autour de mon individualité, j’étais vraiment malheureuse » raconte-t-elle.
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Guillaume Meurice x la Connasse de Camille Cottin
À La Base, elle rencontre également la cheffe opératrice et militante Margaux Magis, son binôme derrière GNews. Après avoir vu le film Don’t Look Up dans lequel Leonardo Dicaprio et Jennifer Lawrence interprètent deux scientifiques maltraités par le système médiatique et politique, annonçant une catastrophe certaine, les deux militantes imaginent ensemble l’humour grinçant et diablement efficace du compte Instagram parodique.
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À travers le personnage de Juliette, « un mélange entre Guillaume Meurice et la Connasse de Camille Cottin », elles mettent en scène les lacunes et la partialité du traitement médiatique de l’écologie. Une nécessité quand on sait que l’écologie occupe moins de 3% du temps de parole pendant l’élection présidentielle de 2022.
« L’humour permet de toucher beaucoup de monde, de jouer le jeu des réseaux sociaux. La grande force du personnage de Juliette, c’est de souligner l’absurdité du positionnement de certains journalistes, ou des propos recueillis, et de les tourner en ridicule tout en restant subtile », avant d’ajouter, amusée : « On l’est d’ailleurs parfois trop peut-être. Il y a des gens de droite qui ne comprennent pas la satire, qui nous suivent parce qu’ils pensent qu’on les défend ».
À sa place
Même si les situations ne sont pas toujours drôles. Comme lorsqu’elle est insultée par des actionnaires de TotalÉnergies en mai 2022, pendant le blocage de l’Assemblée générale du géant pétrolier français. Ou l’année suivante, toujours pendant une mobilisation contre TotalÉnergies, lorsqu’elle est poussée, gazée à bout portant et blessée au genou par les forces de l’ordre, faits pour lesquels elle a déposé plainte à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN).
Mais malgré les risques pris et les périodes de doutes profonds, Hélène insiste toujours sur la force que lui apporte ce croisement entre art et engagement, nourrie par une pratique bouddhiste de la méditation. « Tous mes projets, même quand ils n’ont parfois rien à voir les uns avec les autres, sont cousus dans une cohérence harmonieuse » sourit-elle.
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« On peut aussi voir l’artivisme comme une belle manière de s’engager, de trouver de nouveaux rêves tournés vers le collectif, de se sentir à sa place. Lorsque j’écris des chansons ou que j’entre dans le personnage de Juliette, je m’appuie sur la vulnérabilité, l’impuissance, la détresse presque, que fait naître en moi l’urgence écologique. Créer permet de transformer ces sentiments individuels en énergie collective, en se mettant au service d’une lutte qui me semble profondément juste. »
Humeurs boréales
Comme un accomplissement pour celle qui a « grandi dans les chansons de (s)on père », son premier EP pop Humeur boréales, sorti le 15 mars reflète ce cheminement, ces aspérités et cette énergie qui la caractérisent. Elle chante l’esprit de rébellion et la résistance dans Comète ou dans l’électrique #OHRAGE, slogan devenu single, clipé avec une performance esthétique née de l’énergie collective d’une dizaine d’artivistes.
Elle s’aventure aussi du côté de l’introspection, en abordant ses transformations intérieures et sa spiritualité dans le morceau aux accents hyperpop Humeurs boréales ou en berçant ses doutes de polyphonies avec Me Barrer.
Lestée de ses ambitions de « devenir une méga-star », Hélène navigue désormais entre ses projets avec le sentiment d’avoir retrouvé du sens, en faisant de la place à l’émotion et à la vulnérabilité, dans la musique, dans la comédie comme dans les luttes. « Pendant les mobilisations contre la réforme des retraites, j’étais toutes les semaines sur le camion à chanter ma chanson #OHRAGE. C’est magnifique de performer devant toutes ces personnes motivées et engagées pour des causes que je trouve profondément justes. Il n’y a pas de doute, c’est mieux que Bercy. »