À 22 ans, Camille Etienne est sur tous les fronts. Des plateaux TV aux réseaux sociaux en passant par les marches pour le climat et les conférences aux quatre coins de la France, la militante écologiste multiplie les apparitions et n’hésite pas à porter haut et fort ses engagements en faveur d’une justice sociale et climatique. Pour répondre à l’urgence, Camille Etienne croit notamment au pouvoir des récits. Pour Pioche!, elle revient sur la nécessité d’emmener toute la société vers un nouvel imaginaire en faisant collaborer experts, faiseurs et créateurs.
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Camille Etienne fait partie de ces personnalités montantes qui donnent de la voix à ce que certains appellent « la génération climat ». À 22 ans, la Savoyarde profite d’une césure dans ses études à Sciences Po Paris pour se consacrer pleinement à la justice sociale et environnementale. Que ce soit sur YouTube, devant le Parlement européen ou sur différents plateaux TV, l’activiste donne de la voix et appelle la jeunesse à « se réveiller » pour répondre à l’urgence climatique. « Nous sommes la première génération a vivre les conséquences du réchauffement climatique et la dernière à pouvoir y faire quelque chose », dit-elle dans sa vidéo-phare Réveillons-Nous.
Camille Etienne est porte-parole de On est Prêt, collectif rassemblant des créateurs web, acteurs, musiciens et militants pour créer et diffuser de nouveaux imaginaires, un futur désirable en phase avec les défis écologiques et sociétaux, le tout à travers des campagnes, événements et programmes vidéos. « On a besoin de raconteurs d’histoires pour inventer le monde de demain et nous inspirer à agir et réfléchir dès maintenant. » On est Prêt participe également à différentes actions comme l’Affaire du Siècle ou le Procès 5G.
Le collectif On est Prêt, dont vous êtes la porte-parole, se définit comme une Fabrique des récits et des imaginaires. Quelles missions vous fixez-vous ?
Camille Etienne : Depuis sa création en 2018, On est Prêt est ancré dans cette idée de changer les imaginaires. Au Festival de Cannes, en 2019, nous avons porté une tribune avec Cyril Dion pour demander aux raconteurs d’histoires d’inventer de nouveaux récits. Les films sont un moyen puissant de raconter des histoires. Ces mêmes histoires qui construisent notre imaginaire et nous permettent d’appréhender le monde.
Notre objectif est de diffuser massivement des imaginaires à impact positif et mobiliser des citoyens sur les questions de société et d’environnement. Nous faisons collaborer des experts, des faiseurs et des créateurs pour construire cela. En fait, nous connectons ceux qui savent et ceux qui font. Récemment, nous avons travaillé avec Glénat Jeunesse sur une nouvelle collection de romans pour adolescents qui aborde l’urgence climatique à travers des récits inspirants et positifs.
Vous parlez largement de ce pouvoir des récits. À quoi cela renvoie-t-il ?
C’est le combat de notre ère : déconstruire des mythes que nous prenons pour du réel.
Aujourd’hui, ce qu’on prend pour acquis, ce sont les histoires. Le capitalisme, les politiques actuelles, l’économie… On nous vend tout cela comme quelque chose qu’on ne peut pas changer. Mon billet de 10 euros, on me dit qu’il vaut 10 euros mais, dans les faits, ça reste un bout de papier. Tout cela ne sont que des outils, mais pas une fin en soit. Et si ça ne marche pas, nous devons avoir toute liberté pour changer les règles. C’est le combat de notre ère : déconstruire des mythes que nous prenons pour réels.
L’humain a besoin de se raconter des histoires. Ce sont des récits collectifs qui forgent les sociétés, qui fédèrent. Aujourd’hui, il est plus que temps de proposer quelque chose de nouveau, bien plus en phase avec les réalités que le monde connaît, avec les enjeux environnementaux et sociaux auxquels nous sommes confrontés. Le pouvoir des récits, c’est à la fois quelque chose de doux et de très puissant.
Pour imaginer ces nouveaux récits, les acteurs de la culture ont un rôle important à jouer. Toutes les disciplines artistiques ont-elles le même impact pour répondre à ce défi ?
L’activisme est un éco-système en lui-même, dans lequel chacun peut trouver sa place. Dans ce monde, nous avons besoin de tous les créatifs qui nous font rêver, nous interrogent, nous rassemblent. Certains font des films, d’autres de la musique, de la danse ou de la peinture… Tous sont essentiels à ces nouveaux récits.
Plus largement, chacun doit se poser la question du sens. Du sens de son travail, de ses engagements personnels, de sa contribution à un monde que l’on souhaite tous meilleur. Le souci, aujourd’hui, c’est qu’il y a pas mal de personnes qui ne sont pas alignées avec eux-mêmes, enfermés dans une routine, dans un bullshit job. Le non-sens externe ne les choque plus, car leur vie tourne à l’envers.
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Concrètement, comment s’y prendre pour faire passer ces nouveaux récits ?
Évidemment, on ne peut pas dire à un scénariste de filmer pendant une heure un éco-village ou bien attendre d’un musicien une chanson répétant de sauver les pingouins sur la banquise. Mais on peut tout à fait imaginer un monde différent et s’appuyer dessus. Dans d’autres situations, sur d’autres thématiques, c’est tout à fait possible. De toute manière, nous n’avons pas le choix.
Vous parlez également des réseaux sociaux comme puissant relai pour véhiculer ce nouvel imaginaire…
De nombreuses personnes existent dans le regard des autres, surtout avec ces réseaux sociaux. Ils racontent le XXIe siècle, la vie que chacun a envie de montrer, qu’on met en scène. Si on arrive à décider collectivement que rouler en SUV ou partir en vacances à Bali n’a rien de stylé, on inverse la tendance. De fait, les réseaux sociaux deviennent des médiums qui nous permettent d’aller beaucoup plus vite.
Aujourd’hui, nous faisons face à une réalité climatique, appuyée par des faits, des chiffres, des rapports. Pourtant, cette réalité se heurte à une forme de défiance. Certains n’y croient pas. Comment expliquer cela ?
Je ne cherche pas à convaincre, j’énonce des faits.
Je ne demande pas de croire ou de ne pas croire. Au fond, je m’en fiche. Mais il existe des réalités physiques, biologiques. Quand je m’exprime, je ne cherche pas à convaincre, j’énonce des faits. Alors oui, cela fait peur d’ouvrir les yeux, on préfère faire comme si ça n’existait pas. C’est comme les sans-abris. On finit par ne plus voir la misère humaine, qui est pourtant une réalité.
Notre génération a sa propre histoire : d’un côté, nous avons une petite vie individuelle et, de l’autre, une immense histoire collective à mener. Autour de nous, le monde appelle à ce que l’on pense un peu plus grand que nous même. Alors oui, c’est flippant et on peut avoir la flemme, mais c’est vital. Quand on parle de 2030, de 2050, on ne parle pas uniquement de nos enfants, des générations futures, mais aussi de notre vie. Moi, en 2050, j’aurais 52 ans !
Comment surmonter la complexité d’embarquer le plus grand nombre dans la définition de ce futur commun ?
Il y a des gens largués sur le sujet, ça en devient carrément flippant.
C’est sûr, nous ne sommes pas tous au même stade dans notre prise de conscience. Il y a des gens qui ne sont pas au courant. Ils sont largués sur le sujet, ça en devient carrément flippant. Pour contrer cela, il faut multiplier les prises de parole, continuer à informer. D’autres considèrent que, finalement, leur quotidien est très bien comme cela. Il faut les pousser à voir plus loin, leur ouvrir les yeux sur ce qui nous attend. Dans ces situations, les récits d’anticipations peuvent avoir beaucoup d’impact. Canal+ a diffusé une série très efficace, L’Effondrement. Pendant plusieurs épisodes, on suit plusieurs individus qui tentent de survivre dans un monde qui ne tourne plus rond, en manque de ressources. La encore, on en revient au pouvoir des récits.

La culture est donc plus essentielle que certains nous la présentent…
Totalement ! J’ai plein d’amis artistes, chanteurs, comédiens qui sont dans une misère incroyable alors que, pendant le confinement, ce sont eux qui nous ont fait tenir. Sans musique, sans film, notre confinement n’aurait pas été le même. C’est fou de devoir encore se battre pour montrer l’importance vitale que joue la culture dans notre société.
À titre personnel, vous êtes également à l’origine du collectif Pensée Sauvage. Comment est née cette initiative ?
Justement au moment du confinement. Avec mon meilleur ami, également réalisateur, nous avons souhaité rapprocher à notre manière l’art et l’écologie. Nous nous sommes rapprochés d’une danseuse et d’un compositeur et avons créé une vidéo à quatre mains. C’est une sorte d’appel d’une dizaine de minutes à notre génération pour réfléchir collectivement au monde que nous voulons pour demain. Cette vidéo a beaucoup tournée, elle a été vue des millions de fois, au-delà de nos espérances.
Nous venons de recevoir le soutien du CNC Talents pour nos cinq prochaines vidéos. Nous souhaitons sensibiliser sur différents sujets comme la désobéissance ou la fonte des glaces.