En mai 2020, 500 citoyens assignaient en justice les quatre opérateurs français de téléphonie mobile, afin de vérifier que toutes les précautions étaient bien prises avant le déploiement de la 5G. Alors que le procès s’est tenu le 16 décembre dernier, Côme Girschig, 25 ans et porte-parole du collectif, revient pour Pioche! sur cette démarche citoyenne.
En mai dernier, 500 citoyens se rassemblaient en collectif pour assigner les quatre opérateurs français de téléphonie mobile en référé expertise devant le TGI de Paris. Concrètement, ils demandent la nomination d’un expert pour vérifier que toutes les précautions ont bien été prises pour le déploiement de ce nouveau réseau. Une assignation qui exprime l’inquiétude de nombreux citoyens envers l’impact écologique, énergétique et sanitaire induit par le déploiement de la 5G en France.
Après plusieurs échanges, aller-retour administratifs et refus de médiation de la part des opérateurs, un procès s’est tenu le 16 décembre dernier. Désormais, la balle est dans le camp des juges qui rendront leur décision le 16 mars prochain. Côme Girschig, 25 ans, a représenté la France au premier Sommet de la jeunesse pour le Climat organisé par l’ONU en 2019. Aujourd’hui porte-parole du collectif, il revient pour Pioche! sur cette démarche citoyenne.
Avec 500 citoyens, vous avez décidé d’assigner Free, SFR, Orange et Bouygues Télécom en justice en mai dernier. Quel est le but de votre démarche ?
Côme Girschig : Nous avons formulé une assignation en référé expertise, c’est-à-dire que nous avons voulu qu’un expert vérifie certains éléments relatifs au déploiement de la 5G chez les opérateurs. Nous souhaitons savoir si Free, Orange, Bouygues Télécom et SFR ont pris toutes les mesures de précaution en matière d’environnement, de santé, de libertés individuelles et de sécurité. Bref, nous souhaitons qu’ils fassent preuve de transparence, ce qui n’est pas du tout le cas actuellement.
Le procès s’est tenu le 16 décembre. Que retenez-vous des échanges ?
Ils montrent les muscles, cherchent à nous casser
L’audience a duré quatre heures, ce qui est très long pour un référé. J’ai été marqué par le dénigrement de certains opérateurs vis-à-vis de notre démarche, mais aussi par l’acharnement sur des questions de procédures. Ils montrent les muscles, cherchent à nous casser. Désormais, nous attendons le verdict, qui sera rendu le 16 mars. D’ici là, nous comptons organiser une importante mobilisation citoyenne autour de ce sujet.
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Quelles sont vos principales inquiétudes vis-à-vis de la 5G ?
Aujourd’hui, on s’y prend à l’envers. On déploie une technologie avant même d’avoir évalué ses impacts. L’évaluation sanitaire est encore en cours de réalisation alors que, pour l’évaluation environnementale, rien n’a été lancé. Mais ma plus grande inquiétude vis-à-vis de la 5G n’est pas tant sur la technologie en elle-même mais plus pour ce qu’elle représente. Cette infrastructure va accélérer les flux, tout optimiser. On va s’habituer à consommer plus, plus vite, sans même s’en apercevoir.
On déploie une technologie avant même d’avoir évalué ses impacts
J’ai une formation d’ingénieur et c’est vrai qu’à première vue, cette innovation est un beau concentré de science. C’est comme le smartphone. C’est un bel objet dont on peut être fier. Mais ce n’est pas pour autant qu’on doit en faire une norme et générer de la surconsommation. La 5G est un outil technologique qui va démultiplier le potentiel de consommation de chacun. L’accoutumance à des normes d’automatisation, de rapidité d’exécution et d’abondance a un coût économique, environnemental et social monstrueux. Aujourd’hui, quand on parle de 5G, on parle de progrès. C’est une progression, mais pas un progrès et, surtout, cela ne veut pas dire que c’est bénéfique.
C’est-à-dire ?
La fascination ne doit pas prendre le pas sur notre esprit critique
Pour moi, le seul progrès qu’on reconnaît aujourd’hui, c’est cette capacité à concentrer autant de métaux rares dans une coque de plastique. Mais il faut bien comprendre que ce progrès se fait au détriment d’enfants dans des pays comme la République démocratique du Congo. Il faut que les gens prennent conscience de cela et, ensuite, redescendent de leur petit paradis. Ce serait mentir que de dire qu’on est pas tous un peu fascinés par le téléphone, par Internet, par les avions. Pour autant, il ne faut pas que cette fascination prenne le pas sur notre conscience, notre esprit critique.
À 25 ans, vous prenez part à plusieurs combats en faveur de l’écologie et de la justice sociale. Au regard des différentes actualités relatives à ces sujets, êtes-vous optimiste ?
Disons que je compte sur les bouleversements, comme la crise sanitaire que nous traversons, pour faire avancer la société. Selon moi, Greta Thunberg seule ne fera pas changer les choses. Elle a un fort potentiel médiatique, mais ce n’est pas suffisant. Je crois au potentiel de déstabilisation fort, ponctuel, qui ouvre des brèches pour faire émerger de nouveaux modèles de société. En France, de part notre histoire et notre tempérament critique, nous sommes bien armés pour prendre part à ce changement.