Elle se présente parfois comme éveilleuse de consciences, parfois comme actrice de la transition pour un monde plus écologique et social. Camille Chaudron, a.k.a. Girl Go Green, multiplie les casquettes pour sensibiliser le plus grand nombre aux enjeux environnementaux et sociaux d’aujourd’hui et de demain. Pour Pioche!, elle revient sur son parcours et invite le plus grand nombre à faire « politique ensemble » pour changer les choses en s’affranchissant d’un système « à bout de souffle ».
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Vous parlez volontiers de votre parcours, des études en école de commerce aux premiers jobs en marketing dans de grandes entreprises d’agro-alimentaires. Quel a été le déclic qui vous a poussé à tout plaquer pour vous engager pleinement en faveur de la transition écologique ?
Camille : Il n’y a pas eu de déclic, ou plutôt il y en a eu des centaines. C’est une réflexion de fond, sur le long terme, sur nos modes de consommation. J’avais une double vision, celle de consommatrice et de professionnelle du marketing. Mon boulot, c’était de trouver des insights pour imaginer un produit qui va se vendre avec un coût rentable pour l’entreprise. Quand tu as ça en tête, tu comprends que les nouveautés ne servent en rien l’innovation mais ont plutôt pour objectif de renouveler une gamme.
Dans les rayons des supermarchés, on ne voit pas des produits mais des marques. Les logos sont toujours plus gros, le packaging toujours plus impactant. Aller au supermarché, c’est comme regarder la télévision. Dans ma tête, la dissonance cognitive était grandissante. Je travaillais là dedans et, dans le même temps, cette situation m’était de plus en plus insupportable.
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Certaines habitudes et certitudes sont tellement ancrées dans notre quotidien qu’il est parfois difficile de savoir par où commencer. Comment, individuellement, pouvons-nous amorcer une transition écologique ?
« Il faut détricoter la vision de ce qui est prétendument notre idéal de société. »
Me concernant, j’ai commencé par le vrac et le zéro déchet. C’est souvent une bonne porte d’entrée pour ceux qui veulent aborder la transition écologique. Les déchets, c’est quelque chose de visible. On les voit dans la rue, sur les plages. C’est quelque chose de palpable. Ensuite, c’est comme un fil que tu tires. Peu à peu, tu t’aperçois que le problème des déchets fait partie d’un enjeu plus global, lié à notre sur-production et à notre sur-consommation. Cet exercice ne se fait pas en six mois. C’est un apprentissage, une remise en question perpétuelle. Il faut détricoter la vision de ce qui est prétendument notre idéal de société. La question n’est même plus de remettre en question tel ou tel aspect de la société capitaliste. Elle est tellement à bout de souffle que tout est à réinventer.
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Mais ce fil qu’on tire sans trop savoir jusqu’où et jusqu’à quand ne peut pas en déprimer certains ?
N’importe qui commence à s’interroger sur les enjeux climatiques et sociaux passe forcément par un sentiment d’éco-anxiété ou de solastalgie. L’objectif est d’aller outre, trouver des solutions pour continuer à vivre et changer les choses.
Dans mon quotidien, ma vision n’est pas forcément optimiste ou joyeuse. En revanche, j’essaie de traiter certains sujets de façon créative, avec une forme de joie. Je prends le parti de l’humour, de la satire, du décalage, de l’autodérision pour dénoncer. Ce sont des outils forts, qui amènent à des révolutions joyeuses. Le but est d’engager un maximum de gens pour que, collectivement, nous puissions nous saisir de ce pouvoir de faire bouger les lignes.
Aujourd’hui, vous publiez quotidiennement du contenu sur un compte Instagram qui fédère plus de 45 000 abonnés, mais vous faites également du conseil, participez à des conférences… Quels sont les projets qui rythment votre quotidien ?
« C’est sur le terrain que je me rends vraiment compte que je ne suis pas toute seule. »
Je n’ai pas un mois qui ressemble à un autre, et heureusement. Actuellement, je travaille dans une ferme en permaculture. Le mois prochain, je ferai du conseil en entreprise et animerai des conférences. Pendant le confinement, j’ai sorti ma casquette de média activiste sur Instagram mais, dès que j’en ai l’occasion, je vais sur le terrain. C’est là bas que je me nourris, que je me rends vraiment compte que je ne suis pas toute seule.
Je suis dans des réseaux écolo et militants depuis des années. Les associations, les réseaux citoyens, il en existe des tas pour faire communauté et s’engager. Pour moi, Instagram est un outil qui doit être mis au service des luttes sur le terrain.
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Il y a un peu plus d’un an, vous avez assisté à plusieurs sessions de la Convention citoyenne pour le climat. Quel a été votre sentiment lorsque vous avez eu connaissance du projet de loi Climat et Résilience ?
« Le projet de loi climat et résilience est une insulte aux 150 citoyens de la Convention citoyenne. »
Le projet de loi Climat et Résilience est une insulte aux 150 citoyens qui ont bossé comme des dingues pour arriver à leurs propositions. Ce projet a été vidé de tout ce qui était audacieux et en rupture. Les mesures les plus importantes ont été enlevées ou appauvries par manque de volonté politique mais aussi par une forte influence des lobbies. C’est dramatique.
Personnellement, j’invite tout le monde à se mobiliser pour demander à ses députés d’amender au maximum cette loi afin qu’elle ressemble à ce que veulent tous les citoyens. Tout le monde est déçu de cette loi, sauf le gouvernement qui s’en félicite. La Convention citoyenne pour le climat était censée montrer l’ouverture du gouvernement et l’inclusion des citoyens dans la prise des décisions et, au final, le projet de loi révèle tout l’inverse. C’est complètement lunaire.
Cet aveu de faiblesse de la part du gouvernement peut-il encore plus encourager les citoyens à s’emparer eux-même de ces sujets liés à l’écologie ?
« Faisons politique, faisons corps social. »
C’est tout ce que j’espère. Il faut faire politique, faire corps social, se passer du gouvernement et des institutions. Les citoyens doivent s’organiser entre eux en faisant politique ensemble. Ça n’a rien d’utopique, il existe des modèles pour cela. Il suffit de regarder les nombreux lieux qui naissent un peu partout avec des gouvernances partagées, en auto-gestion et en autonomie. On vit tous à côté, ils ne demandent qu’à être découverts !
Début février, l’État a définitivement été condamné pour carence fautive dans la lutte contre le réchauffement climatique dans le cadre de l’Affaire du Siècle. Que vous inspire cette décision ?
C’est difficile de se prononcer sur un sujet qui n’est pas clos. Oui, il y a une reconnaissance de la faute de l’État mais, pour l’instant, il n’y a pas de prix à payer. Le but, c’est de déterminer de quelle manière l’État va réparer sa faute et nous doter d’outils légaux pour instaurer de nouvelles normes. C’est un sujet qu’il faut suivre de très près. Il y a des signaux positifs, mais il reste encore beaucoup à faire.