Avec près d’1,5 million de pratiquant·es et 4500 courses organisées chaque année en France, le trail est devenu un véritable phénomène de société. Les coureur·euses se hâtent toujours plus nombreux sur la ligne de départ des grandes courses, mettant en péril la durabilité de ces évènements. Face à l’urgence écologique, une réflexion est amorcée pour repenser les manières de courir en pleine nature.
Article en partenariat avec Ecotrail Paris.
« Malgré ma sensibilité écologique, j’ai été l’un des plus grands destructeurs de l’environnement ces dernières décennies. Mon mode de vie d’athlète professionnel a largement contribué au réchauffement climatique. » À l’occasion de la création de sa fondation dédiée à l’environnement en 2020, la star de l’ultra-trail Kilian Jornet soulevait une contradiction qui traverse le monde du trail.
Au plus près de la nature, les traileur·euses sont des témoins directs des conséquences du dérèglement climatique et sont de plus en plus nombreux·ses à s’interroger sur les évolutions récentes de leur discipline. Entre voyages en avion pour participer à une course mythique, achats réguliers de matériel et déchets au bord des sentiers, l’empreinte environnementale du trail, sport « nature » par excellence, s’alourdit en même temps qu’il se popularise.
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Face à cette inquiétude, les organisateur·ices de course tentent de concilier satisfaction des participant·es et démarches écoresponsables. Une tâche périlleuse pour un sport de masse qui se pratique dans des environnements naturels fragiles, mais toutefois indispensable pour renouer avec l’esprit originel du trail.
Les mobilités au cœur des préoccupations
Point noir du tableau : le transport des coureur·euses. Il ne représente pas moins des trois quarts de l’empreinte environnementale des évènements. « On aura beau trier nos déchets, tant qu’on ne réfléchit pas au nombre, à la provenance et aux modes de déplacements des participant·es, on ne sera pas alignés avec nos convictions » tranche Justine Birot, responsable de la transition écologique de l’Écotrail de Paris.
Dans les faits, les sentiers de trail ne sont que rarement accessibles en transports en commun. « Pour les petites courses, à part mettre en place un système de covoiturage, il n’y a pas beaucoup d’alternatives » explique Marianne Bernard, coordinatrice de l’association Trail Runner Foundation qui accompagne les organisateurs de courses dans leur démarche d’écoresponsabilité. « On a même vu une course qui offrait le dossard à celles et ceux qui viennent en vélo, mais en réalité la voiture individuelle reste très majoritaire ».
« Tant qu’on ne réfléchit pas aux modes de déplacements des participants, on ne sera pas alignés avec nos convictions »
Et que dire du circuit professionnel qui pousse les athlètes professionnel·les à participer à des courses aux quatre coins du globe ? Certaines courses dépendent d’ailleurs entièrement du trafic aérien. C’est le cas du Grand Raid de l’île de la Réunion qui accueille chaque année 3 000 participant·es de l’hexagone et de l’étranger, valant à l’évènement un impact carbone par personne neuf fois supérieur au Tour de France par exemple.
L’enjeu est alors d’inciter les traileur·euses à courir près de chez eux. Une approche portée par l’Écotrail de Paris qui décourage les participant·es venant de loin. « On se positionne comme un trail francilien, pour les Francilien·nes » explique Justine Birot. « On paye le billet de train aux élites pour qu’ils montrent l’exemple et on offre un ticket de métro et des navettes à tous les participant·es pour se rendre sur la ligne d’arrivée ».
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Les efforts des organisateurs de courses
Une enquête du média Outside relève une réelle prise de conscience chez la plupart des organisateur·ices de courses. Des mesures écoresponsables sont devenues banales dans la plupart des évènements : fin des gobelets plastiques, balises réutilisables, ramassage des déchets, sensibilisation des participant·es… Pour Marianne Robert, « cela s’explique en partie par la pression des préfectures et des mairies qui sont très attentives à l’empreinte des courses sur le territoire quand elles délivrent les autorisations ».
« Le problème se pose lorsqu’une course devient trop attractive, est-ce qu’elle peut rester durable et respectueuse de son environnement ? »
Les courses sont soucieuses de limiter l’impact de leurs participant·es sur la biodiversité. « L’Écotrail emprunte chaque année les mêmes sentiers et nous finançons la réhabilitation des écosystèmes à travers un partenariat avec l’Office National des Forêts » explique Justine Birot. De son côté, le Grand Raid de la Réunion installe des pédiluves en amont des forêts primaires, très efficaces pour éviter la propagation d’espèces invasives fixées sur les semelles des coureur·euses.
D’autres mesures peinent encore à être acceptées, comme la suppression du fameux T-shirt finisher. « On le voit de moins en moins, mais les organisateurs ont souvent peur de le retirer et de décevoir les participant·es » explique Marianne Bernard. De même, les aliments bio et locaux font lentement leur apparition sur les tables de ravitaillement, provoquant parfois la fronde des coureur·euses face à la disparition des produits ultra-transformés habituels.
Une réflexion plus large sur l’avenir des courses de trail
« Le problème se pose lorsqu’une course devient trop attractive : est-ce qu’elle peut rester durable et respectueuse de son environnement ? » s’interroge Olivier Bessy, sociologue spécialisé dans le sport et le tourisme durable. De plus en plus de traileur·eusees prennent conscience de l’empreinte environnementale de leurs pratiques, tournent le dos aux grands évènements, et tentent de renouer avec une pratique sportive plus durable.
« Le trail doit absolument être intégré dans la remise en cause de nos modes de vie quotidiens » conclut Olivier Bessy. « Au vu de l’urgence écologique, nous n’avons plus les moyens d’organiser des évènements avec la folie des grandeurs, et contraires à l’esprit originel du trail ».