À l’approche des Jeux olympiques de Paris, le sujet de l’empreinte environnementale des événements apparaît dans le débat public, ravivant les sujets d’éco-responsabilité qui traversent de longue date les mondes de la culture et du sport. Comment organiser des événements autrement ? Les mesures d’adaptation suffisent-elles ? Peut-on mettre le frisson collectif des événements au service de l’écologie ? On en discute à l’occasion des Journées de l’événementiel éco-responsable, organisées cet automne à Lyon.
L’ambiance est chaleureuse ce matin dans la Salle du Conseil de la Métropole de Lyon. Des dizaines d’organisateur·ices d’événements culturels et sportifs prennent place dans les confortables sièges d’élu·es, saluant de loin les visages connus. L’hémicycle accueille aussi des associations, des entreprises, des fonctionnaires, des élu·es, et chacun·e semble heureux·se de se retrouver après une saison estivale chargée en évènements.
« Les événements ne peuvent plus faire semblant de ne pas savoir »
Debout devant l’hémicycle, micro en main, Paul Berthet, président de l’association AREMACS ouvre la sixième édition des Journées de l’événementiel éco-responsable (JEER). « Nous avons une responsabilité. Un festival ce n’est pas qu’une boîte à musique, un événement sportif, ce n’est pas qu’un score. Ce sont surtout des occasions de se rencontrer et de se transformer tous ensemble ». La grande table en bois centrale, la hauteur sous plafond et la longue tribune rendent le moment presque solennel.
Concilier événementiel et limites planétaires
Depuis bientôt 20 ans, AREMACS mobilise des centaines de bénévoles sur des évènements partout en France pour gérer les déchets et sensibiliser les publics aux enjeux environnementaux. Un travail de terrain concret accompagné d’un discours clair : trier les déchets ne suffit pas, mais c’est un premier pas indispensable vers l’éco-responsabilité et la transformation profonde des évènements.
À lire aussi : Transition écologique : jusqu’où peut-on demander à la culture de faire le job ?
Viennent ensuite les mobilités, l’énergie, l’alimentation, la communication, et tout ce qui fait l’empreinte des événements sur leurs territoires. « Quand on ouvre le camping du Cabaret Vert avec 12 000 campeur·euses, on crée la troisième ville du département » illustre Jean Perrissin, responsable transition écologique du festival ardennais. C’est à cette empreinte que s’attaquent désormais les filières de l’évènementiel, à coups de bilans carbone et d’expérimentations pratiques.
Sur la question des mobilités, qui représentent la grande majorité de l’impact carbone des événements, la chasse à l’avion et à la voiture individuelle a commencé. Dans le monde du jazz, le projet Better Live réunit ainsi des salles de concert partout en Europe pour optimiser la tournée des artistes, relançant au passage un vif débat autour des clauses d’exclusivité qui empêchent un même spectacle de se produire plusieurs fois sur le même territoire dans un temps donné.
« L’urgence écologique nous oblige à penser l’économie autrement »
Mais les événements se heurtent bien souvent au manque d’infrastructures de transport, particulièrement en milieu rural. Jean Perrissin détaille ainsi avec humour le long parcours semé d’embûches qui a mené à la mise en place de trains spéciaux après-concert sur l’édition 2023 du Cabaret Vert. « Ce n’est pas impossible, il faut simplement du temps, des moyens et des compétences techniques précises », constate-t-il.
« Les événements ne peuvent plus faire semblant de ne pas savoir, la société civile monte au créneau sur les sujets d’éco-responsabilité », s’enthousiasme Marie Gaillard, chargée de projet pour l’association Match For Green qui accompagne la transformation des clubs de sport et répond au déficit de formation des professionel·les du secteur. Vent dans le dos, le mouvement touche également les pouvoirs publics qui conditionnent de plus en plus les subventions au respect de critères sociaux et environnementaux.
En profiter pour tout changer
Toutefois, dans des filières reposant en grande partie sur le bénévolat, heurtées de plein fouet par la crise de l’énergie, les réalités économiques amenuisent les bonnes volontés écologiques. En 2023, 46 % des festivals affichaient un déficit malgré une fréquentation générale en hausse, selon le réseau France Festivals. La fin des bouteilles en plastique, la vaisselle lavable ou les navettes pour spectateur·ices représentent bien souvent des coûts inaccessibles pour les structures fragiles. La question devient alors : comment inventer de nouveaux modèles évènementiels pour demain ?
« L’urgence écologique nous oblige à penser l’économie autrement » tranche Hichem El-Garrach Balandin, chargé de projet chez Cagibig, une association proposant aux acteur·rices culturels de mutualiser leurs ressources, humaines comme matérielles. À partir de cette expérimentation pragmatique, ce dernier défend la généralisation d’une « économie de la fonctionnalité », favorisant l’usage à la propriété, l’entraide et la mutualisation aux logiques de concurrence.
« Le but ce n’est pas d’être invisible mais de choisir ce qu’on veut laisser entre les éditions »
De son côté, le think-tank The Shift Project suggère de diviser de grands évènements comme le festival des Vieilles charrues en une dizaine de petits. Ce levier efficace pour réduire le bilan carbone est à l’origine de vifs débats parmi les professionnel·les, certains lui reprochant de ne pas prendre en compte l’empreinte sociale et territoriale des évènements.
Leave no trace ?
Car du virage d’un stade à la mainstage d’un festival, en passant par les chaises pliantes d’un petit concert de jazz, le frisson collectif fabriqué par les évènements peut être un puissant vecteur de sensibilisation écologique auprès de publics éloignés de ces enjeux.
À lire aussi : Sensibiliser le public à l’écologie pendant les festivals, ça marche vraiment ?
Tout comme les grands évènements peuvent être mis au service des territoires. À l’image du tiers-lieux la Macérienne, ouvert dans une friche industrielle de Charleville-Mézières par l’équipe du Cabaret Vert pour prolonger toute l’année son engagement social, culturel et écologique. « Le but ce n’est pas d’être invisible mais de choisir ce qu’on veut laisser entre les éditions » résume Florestan Groult, vice-président de la Métropole de Lyon, chargé des sports et de la vie associative.
Et c’est peut-être ici que se situe la conviction commune des dizaines de participant·es réuni·es à Lyon pour ces Journées de l’événementiel éco-responsable. Dans la confiance en la puissance de la culture et du sport pour rassembler les citoyen·nes autour d’autres manières de faire ensemble, de s’intéresser à où l’on habite, de s’engager collectivement face aux défis de notre époque.