Si son nom ne vous dit rien, vous avez pourtant sûrement déjà croisé les photos d’Anne-Claire Héraud dans des magazines comme Omnivore, 180°, Milk ou le magazine de La Ruche qui dit Oui. Depuis 2018, la jeune photographe enchaîne les reportages chez toutes celles et ceux qui œuvrent en faveur d’une alimentation durable, juste et savoureuse. Rencontre.
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Quand on demande à Anne-Claire Héraud de définir son travail, elle répond sans détour être « une photo-reporter engagée ». Que ce soit auprès des restaurateurs ou des producteurs, la photographe met un point d’honneur à retranscrire le plus fidèlement possible la passion qui anime ses sujets. Celle d’être acteurs d’une alimentation juste, durable et bonne pour nos papilles. « J’ai la chance de rencontrer des personnes incroyables, très investies dans leurs métiers », dit-elle. Appareil photo à la main, elle capture puis partage le quotidien de ces femmes et hommes passionnés, protagonistes du mieux manger, qui œuvrent pour « une alimentation nourrie de convictions ».
Les photos d’Anne-Claire Héraud sont le reflet de toutes ces bonnes pratiques que l’on trouve aux quatre coins de la France. En les épluchant, on se perd entre une exploitation familiale de vaches Salers à Cussac, dans le Cantal puis dans les cuisines du chef trois étoiles Michel Guérard, aux Prés d’Eugénie dans les Landes, avant de revenir chez Luc et Magali Falcot, producteurs de fromage de chèvre fermier et de brousse du Rove à Cuges les Pins. Avec Anne-Claire Héraud, on ne pose pas. Les décors varient, mais les corps restent concentrés, se plient, travaillent. Les regards, eux, offrent un ailleurs, des perspectives nouvelles.
La cuisine conviviale
En sortant de l’école Duperré en 2015 avec, dans sa poche, une licence en design culinaire, Anne-Claire enchaîne quelques expériences en photographie culinaire avant de s’initier au photo-reportage. « J’avais envie d’être dehors, bouger, rencontrer des gens tout le temps. » Le tout, bien évidemment, sans abandonner la gastronomie. « J’ai toujours adoré cette convivialité que génère la cuisine », avoue-t-elle en souriant.
Très vite, la photographe fait le choix d’accorder ses valeurs à son travail. Ses objectifs, elle les met au service de celles et ceux qui défendent, de la fourche à l’assiette, les bonnes pratiques alimentaires. Ces personnes pour qui une bonne bouffe se doit d’être locale, saisonnière et éthique. « Je veux travailler avec des gens qui se donnent la peine de bien faire les choses. »
Photo sans filtre
En cuisine, Anne-Claire admire des chefs comme Florent Ladeyn ou Nadia Sammut. Le premier est à la tête de trois restaurants dans le Nord de la France et défend bec et ongles une cuisine ultra locale dans laquelle il est « un intermédiaire » qui facilite la rencontre entre ses clients et les producteurs. La seconde, cheffe étoilée de l’Auberge La Fenière dans le Luberon, s’emploie « à construire un monde au goût meilleur, un présent agricole et nourricier relocalisé, durable et plein d’avenir au sein de son terroir ».
Comme le répète Florent Ladeyn, manger, c’est voter trois fois par jour.
Quand elle ne s’immisce pas dans les cuisines, Anne-Claire traverse la France et rencontre des artisans, producteurs et paysans. « J’ai le bon rôle, lâche-t-elle. Je viens, je prends des photos, je repars. Eux font un métier très difficile, travaillent dur. » Raison de plus pour faire des photos pleines de sens et sans artifice pour inviter chacun à regarder un peu plus loin que le rebord de son assiette. Comme le répète Florent Ladeyn : « manger, c’est voter trois fois par jour, parce que ça a un impact concret et immédiat sur une économie, sur une campagne ».
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De reportage en reportage, Anne-Claire multiplie les rencontres. Jusqu’à, parfois, se lier d’amitié avec ses sujets et initier des collaborations plus pérennes. « C’est ça que j’aime dans ce boulot. On rencontre souvent des belles personnes. Le côté humain, c’est le plus important », explique-t-elle. Elle cite par exemple cette rencontre avec Claire Desmares-Poirrier, paysanne et activiste qui a co-fondé l’Amante Verte, une ferme bretonne qui confectionne des tisanes aromatiques bio. « La première fois que j’ai rencontré Claire, c’était avec Camille Labro, journaliste culinaire au Monde. On s’est organisé une petite virée en Bretagne, c’était top ! Claire a aimé mes photos et a souhaité qu’on travaille ensemble. C’est devenue une amie. Elle a même repris certaines de mes photos pour son livre, L’Exode Urbain. »
Tournée générale
Si elle connaît bien la Bretagne, le Nord et le Sud-Est, la photographe espère profiter de ses prochains reportages pour mieux défricher l’âme nourricière de l’Est de la France ou encore des régions montagneuses comme le Massif Central. « En France, on a la chance d’avoir un territoire multiple, très riche. Faire un reportage à Marseille et dans les Flandres, c’est tellement différent. »
Malheureusement, depuis plusieurs mois, les portes des restaurants restent closes. « Ça fait quelque temps que je n’ai pas vu de restaurateurs, avoue-t-elle. J’ai des échos comme quoi la période est super compliquée. La restauration, c’est un métier de passion, un métier très prenant qu’on fait pour accueillir des gens. » Gageons que, comme Anne-Claire, les Français n’aient qu’une hâte : s’assoir à deux, quatre ou dix autour d’une table pour se retrouver, rire, discuter. Et (bien) manger.
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