Quelle quantité de CO2 émet un festival réunissant 120 000 spectateur·ices et une centaine d’artistes autour de 5 scènes pendant cinq jours ? Dans le cadre de son projet Decarb-ON, le festival Cabaret Vert a réalisé son premier bilan carbone. Une démarche qui ouvre la voie à une transition écologique ambitieuse des grands festivals.
Alors que la saison des festivals touche à sa fin, l’équipe du Cabaret Vert nous donne des nouvelles de son projet Decarb-ON lancé en juillet 2022. L’initiative, soutenue par les fonds européens de Music Moves Europe et MusicAIRE, vise à diffuser une « culture bas carbone » dans le secteur des festivals en montrant l’exemple depuis Charleville-Mézières. Alors avant toute chose, le Cabaret Vert a réalisé son premier bilan carbone pour faire le point sur le chemin qu’il reste à parcourir.
À lire aussi : Cabaret Vert : « On peut rendre la transformation écologique épanouissante et excitante »
Les émissions de gaz à effet de serre générées par l’édition 2022 ont été scrutées jusqu’à obtenir un chiffre : 3 287 tonnes équivalent CO2. C’est-à-dire l’empreinte carbone annuelle de 357 Français·es moyen·nes ou 15 millions de kilomètres en voiture. Avec en moyenne 26 kg eqCO2 par festivalier·e, le Cabaret Vert se rapproche davantage du festival éco-responsable We Love Green (16 kg/festivalier·e) que du géant breton Les Vieilles Charrues (50kg/festivalier·e selon une estimation du think-tank The Shift Project).
Les mobilités, nerf de la guerre
Sans surprise, ce sont les mobilités qui occupent la plus grosse part du gâteau avec 55% des émissions. Le site du Cabaret Vert est en milieu rural et la voiture reste le moyen utilisé par plus des trois quarts des festivalier·es pour se rendre sur place. Conséquence logique : les trajets en voiture sont responsables de 83% des émissions liées au transport. Notons que le public local venu des Ardennes représente près de la moitié du public, mais ne génère que 12% des émissions. Un bel argument en faveur du « dansez près de chez vous ».
Du côté des artistes, l’avion fait gonfler le bilan. Il est responsable de 107 des 155 tonnes eqCO2 émises par le transport des artistes, quand les bus et les voitures n’en représentent que 32.
Le deuxième poste d’émissions concerne l’alimentation et la boisson. Les 65 tonnes de nourriture et 600 000 litres de boissons consommés sur le site ont émis 806 tonnes eqCO2, soit 24% du bilan carbone total. Et 21% des émissions des aliments sont liées aux 3% de viande de bœuf cuisinés. Viennent ensuite d’autres postes d’émissions comme le matériel des scènes (6%), le merchandising (4%), ou encore l’énergie (3%).
« Tracer une nouvelle trajectoire vers la décarbonation »
À partir de ce bilan, l’équipe du Cabaret Vert dresse des pistes de transformation pour les prochaines éditions. Elle commence par souligner les bons points, tel que la présence d’un public de proximité ou l’impact modéré du fret permis par le choix de fournisseurs locaux. Puis, elle s’interroge sur certaines pratiques qui apparaissent comme des leviers accessibles pour réduire le bilan carbone : le merchandising, la viande, ou l’hôtellerie des artistes.
À lire aussi : Samuel Valensi : « On veut montrer que la sobriété peut être synonyme de joie et de réussite »
Pour s’atteler au chantier des mobilités, l’organisation a mis en place cette année des lignes de bus qui relient le festival aux villes voisines, ainsi qu’une ligne de train nocturne pour ramener le public à Reims. Ces dispositifs ont permis de s’aligner avec une demande qui existait déjà côté public : près de la moitié des festivalier·es venu·es en voiture en 2022 se disaient prêt·es à prendre les transports en commun s’il y avait une meilleure offre.
Le Cabaret Vert affirme vouloir s’engager sur de « nouveaux chemins », en tentant d’emporter le secteur de la culture pour imaginer d’autres manières d’organiser des festivals. « Nous devons construire un nouveau récit qui devra dépasser les oppositions souvent stériles entre responsabilité et liberté, ancrage territorial et rayonnement international et initier des pas de côté vers davantage de sobriété et de solidarité, sans renoncer à l’imaginaire créatif du Cabaret Vert » conclut l’équipe du festival.