Depuis 2005, le Cabaret Vert conjugue ambitions écologiques et sociales avec une programmation faite de poids lourds du rap, du rock, du reggae et des musiques électroniques, aux côtés de rencontres autour des questions environnementales. Le tout à Charleville-Mézières, une ville moyenne où les besoins en culture sont forts, mais où la réduction de l’impact carbone peut s’avérer complexe.
Cette année, Calvin Harris, Cypress Hill, The Chemical Brothers et Damso nous donnent rendez-vous du 16 au 20 août dans les Ardennes. Comment ce festival pionnier réussit à faire évoluer son modèle ? Réponses de Jean Perrissin, responsable développement durable.
Quand le Cabaret Vert a-t-il commencé à s’intéresser au développement durable ?
Jean Perrissin : Cette question était inscrite dans l’ADN du projet au moment de sa conception. Dès 2005, on a créé une charte de l’environnement qui formalise une quarantaine d’actions et leur impact environnemental pour le festival. Pour la première année, on a monté notre propre filière de collecte et de tri et de recyclage des déchets, gérée par des bénévoles.
On a ensuite développé la question des circuits courts, en faisant appel à des fournisseurs locaux, notamment sur l’alimentation. Les 50 bières que nous proposons à la carte sont toutes locales ! Petit à petit, on a étendu cette réflexion à différents sujets. Elle s’est posée de façon encore plus accrue à partir de 2010, quand on a doublé la surface du festival.
Comment mesurer l’impact d’un festival comme le Cabaret Vert sur son territoire ?
« C’est fou de se dire qu’on fait venir Yungblud et Calvin Harris à Charleville- Mézières ! »
En 2010, on a commencé à réaliser des études sur les retombées socio-économiques de notre événement, avec la chambre socio-économique des Ardennes. En 2019, on a comptabilisé 5 millions d’euros de retombées économiques dans le secteur Ardennes métropoles, avec 23 000 heures d’emploi générées dans des commerces locaux.
Pour développer encore notre impact social, on a mis en place des job datings au sein du festival, et le financement de formations pour nos bénévoles. En faisant ça, on montre que la culture est un acteur essentiel du développement économique de la région. C’est aussi une question de rayonnement culturel : c’est fou de se dire qu’on fait venir Yungblud et Calvin Harris à Charleville-Mézières !
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En 2022, vous avez réalisé votre premier bilan carbone. Quels enseignements en avez-vous tiré ?
« Nous pensons que le Cabaret Vert peut avoir un rôle moteur dans ce département situé au beau milieu de la diagonale du vide »
Cela nous a appris à quel point il est primordial de travailler sur les transports, qui représentent entre 60 et 70% de nos émissions de gaz à effet de serre. C’est toute la problématique des gros festivals installés en milieu rural, dans des territoires où les transports en commun sont peu développés. À Charleville-Mézières, il n’y a plus de bus à partir de 21 heures. La grande majorité des visiteur·euses viennent de la région Grand Est, en voiture.
Cette année, nous avons pris de nombreux engagements, avec des lignes de bus créés spécialement pour cette semaine au départ des grandes villes, des navettes de nuit, des TER de retour à 1 €… Nous avons aussi enclenché un grand plan autour du vélo, avec un parking gratuit géré par une association et des pistes cyclables autour du festival.
Quelles sont les perspectives de développement du Cabaret Vert pour les années à venir ?
En 2022, nous avons accueilli 125 000 festivalier·es sur 5 jours, et nous avons encore des perspectives de croissance importantes, car il y a de fortes attentes dans ce département situé au beau milieu de la diagonale du vide. Nous pensons que le Cabaret Vert peut avoir un rôle moteur dans ce territoire, qui rencontre des difficultés tant en termes d’économie que de démographie. Nous projetons d’ouvrir un tiers lieu pour porter nos engagements toute l’année dans une friche industrielle de 10 000 km2. Nous tenons à nous développer en accord avec nos valeurs.
« On a pas le choix : le bas carbone sera l’enjeu majeur des années à venir, la culture n’y échappera pas »
Quels sont les principaux défis que vous rencontrez en termes d’adaptation aux enjeux environnementaux ?
Nous sommes en pleine période d’adaptation, c’est un moment dans lequel on cherche un juste équilibre. De toute façon, on a pas le choix : le bas carbone sera l’enjeu majeur des années à venir, la culture n’y échappera pas. Pour cela, nous faisons face à des contradictions.
Nous veillons à faire jouer des groupes locaux, mais nous avons aussi besoin des têtes d’affiche pour vendre des billets, même si la main stage représente 70% des émissions carbone du transport des artistes. L’idée, c’est aussi de créer des récits, avec des tables rondes donnant la parole à des acteurs de la transformation écologique, des moments d’échange et de sensibilisation sur le tri, l’alimentation… On reste un moment de fête, mais avec un pied dans le réel, on peut rendre la transformation écologique épanouissante, excitante. Ce qui se joue, c’est la pérennisation de la culture.
Pioche! accompagne le Cabaret Vert sur son programme de conférences, avec l’organisation et l’animation de quatre temps forts :
- Le 18 août, à 17h, une table ronde « OK Boomer, dépasser le conflit de génération », avec les militant·es Féris Barkat, Adélaïde Charlier et Amélie Deloche, ainsi que la journaliste Laure Noualhat et l’écrivaine Nelly Pons.
- Le 19 août à 17h, une conférence sur « La Musique, alliée essentielle de la parité », avec la DJ Olympe4000, la chanteuse Fishbach, la co-fondatrice d’Act Right Marion Delpech, et Chloé Thibaud, journaliste et autrice.
- Le 20 août, à 16h, une table ronde « Une culture numérique et écologique est-elle possible ? », avec Sylvain Baudoin du Shift Project, Louise Pastouret, créatrice du média Les Énovateurs, Gwendolenn Sharp, fondatrice de The Green Room, François Planquette, Strategic Partnerships Director chez VRrOOM, et Camille Pène, fondatrice du collectif Les Augures.
- Le 20 août, à 18h30, une écoute-rencontre avec le DJ Fakear, autour de son album Talisman.
Programmation complète, billetterie et informations pratiques sur le site du Cabaret Vert.