Le collectif Réseau Action Climat a mené une grande enquête sur l’impact environnemental de la grande distribution. Résultat : sur les 8 enseignes évaluées, aucune n’obtient la moyenne. Le rapport conclut que « la grande distribution constitue aujourd’hui un frein à la transition vers une alimentation durable ».
6,9/20 pour Auchan, 9/20 pour Carrefour et 5,8/20 pour Leclerc. Les grandes enseignes de la distribution ont reçu les bulletins de notes qui évaluent leurs démarches de transition vers une alimentation durable. À l’origine de l’étude, l’association Réseau Action Climat conclut son rapport par une appréciation tranchée : « aucune enseigne n’est à la hauteur ».
Sur la base d’une quarantaine d’indicateurs, les pratiques des huit plus grosses enseignes de la grande distribution, qui représentent 88% du marché, ont été passées au crible. Les résultats ont été synthétisés en trois catégories : la transparence sur l’impact environnemental des produits vendus, l’engagement dans la démarche de transition, et la promotion d’une alimentation durable auprès des consommateur·ices.

Les auteur·ices du rapport ont étudié la grande distribution car ils estiment que le secteur dispose d’un « pouvoir d’influence considérable » dans la transition alimentaire. Les 8 enseignes étudiées agissent en effet sur tous les maillons de la chaîne : production agricole, transformation, distribution et consommation. Toutefois, elles restent encore « davantage un frein qu’un moteur à la transition alimentaire et à la lutte contre le changement climatique ».
La viande au cœur du problème
Les géants de la grande distribution sont accusés d’encourager la surconsommation de viande, à travers leurs campagnes de promotion et les choix de mise en rayon. L’étude montre notamment que 92% des plats préparés contiennent de la viande. « Les enseignes placent encore la production et la consommation de viande industrielle au cœur de leur modèle ».
« Les enseignes placent encore la production et la consommation de viande industrielle au cœur de leur modèle »
Pourtant, le réseau Action-Climat rappelle que la réduction de la consommation de produits d’origine animale (viande, produits laitiers, œufs) est indispensable pour rendre les systèmes alimentaires plus durables. Il s’agit même du levier principal selon l’ADEME, qui rappelle que ces produits représentent plus des trois quarts de l’empreinte environnementale de notre alimentation.
Le mot d’ordre de la transition alimentaire, « consommer moins mais mieux de viande », n’est pas pris en compte dans les stratégies des distributeurs. Un choix à rebours des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre qu’ils se sont eux-mêmes fixé.
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La transition alimentaire suppose aussi d’aller vers une alimentation plus riche en aliments végétaux. Et malgré quelques campagnes épisodiques de communication comme le « Lundi veggie » de Carrefour, le secteur de la grande distribution est présenté comme un obstacle au changement des habitudes alimentaires. « Aucune enseigne ne met en avant les légumes secs, bruts ou tout simplement cuits et conditionnés en boîte ou en bocal, qui ont pourtant l’avantage d’être à la fois sains et bon marché ».
Un manque de transparence sur l’empreinte environnemental des produits
« En l’absence de transparence, le risque est grand que les exemples de bonnes pratiques fassent lieu d’arbre qui cache la forêt »
Le rapport déplore aussi des « défaillances concernant l’information dont dispose le consommateur pour choisir des produits responsables ». Les systèmes d’étiquetage environnemental, tels que le Planet-Score ou l’Éco-Score, sont totalement absents des rayons. Basés sur le même principe que le Nutri-score, ils permettent de mettre en lumière les impacts des produits sur l’environnement et le bien-être animal.
Le manque de transparence sur les démarches de transition écologique est pointé du doigt. Il est impossible d’accéder aux données sur l’empreinte environnementale des enseignes, sur la part de produits durables et équitables dans leur vente, ou encore sur les ventes de soja issus de filières à risque de déforestation. En l’absence de telles informations, « le risque est grand que les exemples de bonnes pratiques fassent lieu d’arbre qui cache la forêt ».
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À l’heure où 80% des Français·es disent vouloir consommer plus responsable, le secteur de la grande distribution est face à une « responsabilité historique » dans le changement des habitudes alimentaires. À l’étranger, plusieurs enseignes de supermarchés se sont fixées des objectifs ambitieux. C’est notamment le cas de la chaîne néerlandaise Albert Heijn qui s’est engagée à réduire l’ensemble de ses émissions de gaz à effets de serre de 45% d’ici 2030.
Un manque d’engagement des pouvoirs publics
« Si les enseignes peuvent et doivent évidemment en faire davantage, il est étonnant de constater qu’elles en font déjà beaucoup plus que les pouvoirs publics ». Le réseau Action-Climat appelle le gouvernement à « prendre ses responsabilités » pour que la transition alimentaire ne repose pas uniquement sur la bonne volonté des groupes de la grande distribution.
« Si les enseignes peuvent et doivent évidemment en faire davantage, il est étonnant de constater qu’elles en font déjà beaucoup plus que les pouvoirs publics »
Des propositions destinées aux pouvoirs publics sont détaillées à la fin du rapport. On retrouve notamment l’interdiction de la publicité pour des produits d’origine animale non-biologiques ou l’obligation d’affichage de l’empreinte environnementale des produits.
Les auteur·ices de l’étude insistent aussi sur le rôle de l’État pour garantir l’accès de tous à des produits alimentaires sains et durables. Dans cette optique, il est demandé des mesures permettant de renforcer les capacités financières des ménages les plus modestes. La troisième proposition est d’encadrer les marges réalisées par les distributeurs sur les produits biologiques, qui sont en moyenne deux fois plus élevées que celles des produits conventionnels.
Une pétition a été lancée par le réseau Action-Climat pour plaider l’obligation d’affichage des impacts environnementaux sur les produits alimentaires. « Nous voulons aider les pouvoirs publics à avoir du courage pour accélérer la transition alimentaire en France » a déclaré Benoît Granier, co-auteur du rapport, au micro de France Info.