Le hip hop peut-il dire quelque chose de l’urgence environnementale ? C’est en tout cas le pari du chercheur français Alain-Philippe Durand, en élaborant Ecozon – Hip Hop Ecologies. Un travail universitaire international initié avec l’université de Konstanz en Allemagne qui débute tout juste.
Avant d’être nommé en 2010 doyen de l’Université d’Arizona, Alain-Philippe Durand n’était pas un professeur de français comme les autres. Il n’était pas rare d’entendre résonner les textes d’IAM ou de MC Solaar aux portes de son amphi. Une idée certes peu conventionnelle, mais tout à fait efficace pour intéresser l’étudiant dissipé, explique-t-il aujourd’hui, et pour aborder de multiples pans de la société tricolore.
Si les Hip Hop Studies, le courant universitaire dédié au hip hop, croise désormais la plupart des disciplines de recherche, peuvent-elles nourrir la réflexion sur l’urgence environnementale ? C’est en tout cas le pari d’Alain-Philippe Durand, avec l’élaboration d’Ecozon – Hip Hop Ecologies, un travail universitaire international initié avec l’université de Konstanz en Allemagne.
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Thèse, antithèse…
« Si on demandait aux gens dans la rue à quoi leur fait penser le hip hop, peu évoqueraient l’environnement », s’amuse Alain-Philippe Durand joint en visioconférence. Souvent perçu comme idolâtrant la réussite individuelle, l’urbanité, la surconsommation et les excès en tout genre, le hip hop en serait plutôt l’antithèse. « C’est ce qui m’a intéressé, justifie le chercheur, pour voir ce que pouvait produire la recherche internationale sur cette question, avec l’idée que via le hip hop la recherche peut aborder tous les sujets. »
D’autant qu’historiquement, ce courant musical est né comme médium d’expression et de contestation politique, souligne l’universitaire originaire de Marseille. « Un engagement du hip hop pour les enjeux environnementaux existe-t-il ? Est-ce seulement symbolique, avec des rappeurs qui viennent de la campagne, ou qui rappent sur la nature ? Y a-t-il des chanteurs, des danseurs ou des DJs qui expriment leurs préoccupations pour l’environnement, qui participent à des actions ? »
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Mic drop
Prévue pour début 2022 et destinée au milieu universitaire, la revue réunira les contributions de chercheurs et spécialistes du hip hop de plusieurs pays. La publication devrait notamment interroger les « représentations de la nature » et les « messages écologistes dans le hip-hop », le « hip hop rural », et les liens entre hip hop et sciences naturelles. « La thèse d’un de mes étudiants portait sur les associations qui utilisent le rap pour enseigner l’anglais aux jeunes des quartiers populaires de la région parisienne. Cette initiative existe-t-elle pour sensibiliser à l’écologie ? » s’interroge le chercheur.
Les sorties, ces derniers mois, du morceau parodique « Cleaner Organisé » du collectif marseillais écolo Clean My Calanques, et de « Greener » du groupe américain Arrested Development, viendront renforcer l’intuition d’Alain-Philippe Durand. Le classique « L’Ecologie : Sauvons la Planète ! », signé par le très engagé groupe Assassin sur l’album Le Futur, que nous réserve-t-il ? (1992) également. « Le hip hop sous toutes ses formes est très engagé au départ, avec une culture du clash. Si des artistes voulaient faire passer un message en faveur de l’écologie, ce serait la forme idéale. Et surtout, ça attirerait l’attention. » Mic drop.