Des DJ aux fourneaux, des chef·fes en têtes d’affiche et des balades en montagne pour constater, et se ressourcer. À Chamonix fin octobre, le nouveau festival Casse-croûte alliera gastronomie, culture et réflexions écologiques pour repenser l’avenir du tourisme en montagne.
Article réalisé en partenariat avec Casse-croûte.
Cinq jours de gastronomie, de musique, de conférences aux pieds du Mont Blanc : c’est le programme du festival Casse-croûte, organisé à Chamonix du 28 octobre au 1er novembre par l’association Arty Farty, déjà derrière le festival Nuits sonores à Lyon. Entre autres surprises : des chefs de haute vallée comme le vénitien Giuliano Baldessari, des sets enflammés avec la Lyonnaise Perrine ou la Grenobloise Gioya, et même le DJ Laurent Garnier en commis de cuisine de luxe pour deux repas.
À travers tout ce beau programme, un objectif : penser la transition écologique dans ce territoire aux avant-postes du réchauffement climatique. Alors, comment conçoit-on un festival engagé au cœur des Alpes ? Vincent Carry, directeur général d’Arty Farty, et Anne-Caroline Jambaud, directrice du pôle idées, nous racontent leur cheminement.
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Après Nuits Sonores et l’European Lab, comment est né ce projet de festival culinaire Haute-Savoie ?
Vincent Carry : Il y a deux ans, nous avons rencontré des acteurs locaux de Chamonix, qui nous ont proposé d’y installer un festival. Nous voulions depuis un moment développer un événement autour de la cuisine, et nous exporter en dehors des grandes villes. Cela correspond aussi au moment où nous avons entamé une grande réflexion sur l’impact environnemental de nos événements, en pleine crise du Covid. Dès le début, on a donc voulu inscrire ce questionnement au cœur du projet Casse-croûte.
Quels sont les débats et les réflexions que vous souhaitez initier à travers la programmation de ce festival ?
Vincent Carry : Nous voulons partir des enjeux qui touchent ce territoire. Les habitant·es de Chamonix sont dans une situation complexe, parce qu’ils sont nombreux à dépendre du tourisme de montagne, qui peut être assez brutal envers l’environnement. En organisant Casse-croûte en pleine saison creuse, on s’inscrit dans une réflexion pour imaginer des alternatives au tourisme saisonnier lié aux sports d’hiver.
« On se réfère souvent à une citation d’Hölderlin, qu’on aime beaucoup : « Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve ». »
Anne-Caroline Jambaud : Notre programmation tourne beaucoup autour de la question du rôle de la culture dans la transition du tourisme de montagne. Ce sera le thème du hackathon qui ouvre le festival, le vendredi. Mais on cherche aussi à parler de transitions plus personnelles : le même jour, Tanguy Descamps et Maxime Ollivier viendront présenter leur livre Basculons !, sur des jeunes racontant leur bifurcation vers un mode de vie engagé.
Pour raconter l’impact de l’évolution climatique directement sur la vallée, deux jeunes de la région viendront présenter leur podcast « À la recherche du fromage disparu », sur la disparition du Vacherin d’Abondance. Le dimanche, le chercheur Nicolas Nova viendra présenter son jeu de rôle pour anticiper les crises environnementales via l’étude de la vallée de Chamonix.
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Au-delà de la programmation, comment peut-on prendre en compte les enjeux environnementaux dans l’organisation d’un festival ?
Vincent Carry : Nous nous adressons en premier lieu au public de la région, ce qui réduit l’impact des transports des festivalier·es. Il n’y aura pas non plus de grosses infrastructures à transporter et à installer sur place : les événements sont organisés dans des lieux culturels et festifs déjà présents à Chamonix. Les chef·es, intervenant·es et artistes programmé·es viennent en priorité de l’arc alpin européen, et se rendent presque tous au festival sans prendre l’avion.
Ces valeurs écologiques s’incarnent aussi dans la cuisine proposée par les chef·es, qui sont toutes et tous très engagé·es pour l’utilisation de produits locaux, en circuit court, et pour la limitation des déchets. Pour le banquet de clôture du festival, le chef Guillaume Monjuré utilisera tous les produits non utilisés au cours du week-end.
Pour vous, quel est le rôle d’un acteur culturel comme Arty Farty dans la prise de conscience écologique ?
Vincent Carry : Nous arrivons dans ce projet avec une certaine humilité, nous savons qu’en tant qu’acteurs culturels, nous ne pourrons rien sauver. Mais notre but, c’est d’engager une réflexion.
Anne-Caroline Jambaud : Nous voulons sensibiliser aux enjeux climatiques en ayant recours à l’émotion, avec des balades pour cheminer dans la vallée, des prises de parole d’artistes, des débats. La ville et ses habitants sont en avant-poste pour constater les conséquences du réchauffement climatique. À Chamonix, on observe de façon flagrante la fonte du glacier des Bossons.
Cet été, tous ceux qui sont passés par là ont ressenti cette chaleur anormale, et la prise de conscience semble être montée d’un cran. On sait que cette émotion peut pousser, plus qu’ailleurs, à agir. C’est à partir de ça qu’on peut prendre cet enjeu à bras le corps, et engager une réflexion sur l’avenir. On se réfère souvent à une citation d’Hölderlin, qu’on aime beaucoup : « Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve ».
Retrouver toute la programmation de Casse-croûte, et réserver sa place, sur le site du festival.