À l’invitation du festival roumain Rokolectiv, huit artistes de l’avant-garde électronique expriment leur vision du vivant non-humain et interrogent les errements de nos sociétés contemporaines.
Cet article est réalisé en partenariat avec Trax, le magazine des musiques électroniques et des cultures en mouvement.
Le temps de pause imposé à la culture peut générer des œuvres inédites, interrogeant la relation de l’homme à son environnement. Lors du premier confinement, le musicien français Molécule invitait ainsi une trentaine d’artistes à réaliser une pièce d’ambient, publiée sur la compilation Music For Containment. Aujourd’hui, c’est au tour du festival d’arts et de musiques numériques roumain Rokolectiv.
« Créer une symbiose audiovisuelle éphémère »
Avec la collection audiovisuelle Earthly Soundtracks For The Non-Human, l’équipe basée à Bucarest fait le pari d’inviter huit artistes de l’avant-garde électronique contemporaine à exprimer, par l’image et le son, diverses facettes des formes de vie non-humaines. Bactéries microscopiques, fourmis géantes, parasites cyberpunk et autres insectes deviennent ainsi les protagonistes de huit objets audiovisuels uniques, à la bande-son futuriste, venus d’Iran, d’Italie, de France ou de Belgique.
Méditatif et expérimental
« Nous nous intéressons depuis longtemps aux approches artistiques non-anthropocentriques et en dialogue avec notre environnement », explique Mihaela Vasile, co-organisatrice de Rokolectiv. « Or, si la complexité de la nature dépasse la pensée et le langage rationnels, c’est aussi le cas de la musique ». C’est pourquoi, selon elle, ce sont aussi aux artistes d’interroger par leurs travaux le regard de l’homme sur la nature, avec l’objectif de « créer une symbiose audiovisuelle éphémère ».
L’occasion, aussi, de mettre en lumière les errements de nos sociétés modernes, comme le pointe l’artiste féministe française Moesha 13, qui a travaillé autour de la question de l’altérité dans un monde post-colonial. Ou encore de la Belge Céline Gillain, qui explique en commentaire de son projet qu’au cours de l’Histoire, « les humains (en particulier ceux à la peau blanche avec des appareils génitaux masculins) ont organisé le vivant et le non-vivant en catégories strictes, se plaçant au sommet d’une pyramide qu’ils ont inventée, et faisant de toute créature un élément de compétition, un prisonnier d’une histoire soi-disant universelle. »
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Pour ce projet méditatif et expérimental, le festival Rokolectiv a pu s’appuyer sur Shape, une plateforme européenne promouvant chaque année une sélection d’artistes d’avant-garde, dont sont issues les huit musiciennes (un seul homme est compté, au sein du duo néérlandais Animistic Beliefs). Chacune a quitté un temps machines et ordinateurs pour mettre en musique des archives du domaine public, de petits films personnels ou des animations graphiques d’autres artistes plasticiens. « L’idée était aussi d’initier de nouvelles voies pour ces artistes malgré les annulations de concerts. C’était un joli challenge de les aider à essayer quelque chose de différent » conclut Mihaela Vasile.
Le résultat est visible sans limite de durée sur le site de Rokolectiv.