Le 17 janvier, à l’occasion des Biennales internationales du spectacle (BIS) de Nantes, 14 syndicats et réseaux du spectacle vivant ont dévoilé leur plan d’action commun pour une transformation écologique du secteur. Son ambition : porter des engagements de manière collective qui puissent être réellement mis en œuvre. Solweig Barbier, déléguée générale d’ARVIVA, revient sur le caractère inédit de ce travail.
« Nous, organisations professionnelles, fédérations et réseaux du spectacle vivant public et privé, […] avons décidé d’une coopération durable pour mettre en œuvre plus efficacement la transformation écologique et penser ensemble les évolutions systémiques nécessaires. » : c’est ainsi que s’ouvre le Plan d’action pour une transformation écologique du spectacle vivant.
Présenté à l’occasion des BIS de Nantes par les 14 structures – dont le Syndicat des musiques actuelles, France Festival, le Prodiss ou la Scène indépendante – qui y ont travaillé, il formule des engagements, des propositions et des préconisations dont peuvent s’emparer les professionnel·les du secteur. Mais loin de se concentrer sur ce seul document, les structures participantes ont insisté sur l’importance du travail commun qui a permis son élaboration.
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Car de ce groupe de travail émergent aussi un nouveau modèle de gouvernance et de nouveaux communs. Retour sur les dynamiques et les engagements portés dans le cadre de cette coopération avec Solweig Barbier, déléguée générale d’ARVIVA.
14 syndicats et réseaux du spectacle vivant, dont ARVIVA, ont dévoilé leur « Plan d’action pour une transformation écologique du spectacle vivant ». De quoi s’agit-il et quel est l’objet de ce document ?
Solweig Barbier : Cette feuille de route, c’est un plan d’action avec des propositions d’engagements et des préconisations. Elle propose des actions à mener en faveur de la transition écologique d’un point de vue structurel et systémique sur les prochaines années. Ce plan d’action se décline à travers des engagements, des échéances, des objectifs, des partenaires, etc. Et également des préconisations qui s’inscrivent, elles, dans une temporalité plus longue.
Et on a aussi dévoilé quelque chose d’un peu moins tangible ce matin, c’est notre méthodologie de travail. Un groupe de coopération s’est constitué et s’est présenté ce matin en tant que tel.
Comment s’est constitué ce groupe de travail et comment avez-vous travaillé ensemble ?
Fin 2022, on a sollicité un ensemble de 14 organisations avec au départ l’idée de discuter ensemble. Il ne s’agissait pas de produire immédiatement une feuille de route mais d’abord de parler, d’échanger, de débattre.
D’abord, on a décidé de se retrouver dans un espace neutre, dans un endroit qui n’était pas lié aux structures impliquées. On a aussi fait intervenir un facilitateur pour créer des ateliers avec un regard extérieur, pour éviter de se regarder en chiens de faïence entre nous.
L’idée au départ était de discuter ensemble : de parler, d’échanger, de débattre
Et puis on s’est posé beaucoup de questions. Les premiers mois de 2023, on s’est interrogé·es sur la gouvernance : comment marche ce cadre de travail ? Qui peut voter et comment ? Quelles sont les modalités d’organisation, comment on se réunit ?
Des sous-groupes de travail ont été organisés à la fois en plénière et par thématiques. Il y a eu des séances de travail très longues avec toutes les directions des structures pour définir comment on allait travailler et à quoi. L’objectif était de travailler à l’échelle du secteur en essayant d’engager les adhérent·es, les salarié·es des organisations signataires et les directions.
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Cinq axes structurent le plan d’action : la formation, les politiques culturelles et leurs financements, les informations et outils, le travail et emplois et les mobilités. Pourquoi avez-vous retenu ces axes-là ?
On ne peut pas traiter toute la question de la transition écologique en une fois, il a donc fallu prioriser ce sur quoi les structures participantes ont de l’impact direct et de la capacité à agir.
Pour certaines thématiques, comme la question des mobilités, l’impact des structures n’est pas direct mais le plaidoyer est très important. Pour d’autres, comme les politiques culturelles, on voulait que les organismes, les financeurs, à l’échelle des régions, puissent savoir ce qui se fait à d’autres endroits.
Il y avait donc un vrai enjeu de diffusion et de visibilisation, avec l’idée de mettre en évidence des informations, des outils qui existent déjà. Car beaucoup de choses sont déjà mises en place mais le travail de veille est difficile à effectuer du fait d’un manque de visibilité et de référencement des pratiques.
L’enjeu de l’outillage et de l’acculturation des professionnel·les, donc de la formation, occupe une place importante dans le plan d’action : en quoi est-il aussi central pour la transition du secteur culturel ?
Pour être cohérent·es dans nos actions, il faut monter en compétences et en esprit critique
En fait, on a tendance à considérer que la transition écologique est une compétence à part, qu’on peut même l’externaliser. Alors qu’en réalité, il faut se la réapproprier.
Ça relève d’ailleurs d’une décision démocratique à porter. Car il ne s’agit pas de se dire qu’on est tous·tes au même niveau et qu’on a les mêmes savoirs techniques mais de se poser la question de l’avenir que l’on veut pour le spectacle vivant. Qu’est-ce qu’on souhaite défendre en 2050 ?
Et sur cette question, tout le monde doit avoir voix au chapitre : le public, les technicien·nes, etc. Si on ne parle pas, il y a peu de chance qu’on monte en compétences et en esprit critique. Or c’est nécessaire pour être cohérent·es dans nos actions.
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Le plan d’action ne comporte pas d’objectifs contraignants. Alors comment réussir cette montée en compétences ?
L’un des engagements que nous formulons souligne notre souhait que, lorsqu’il y a un financement public au niveau étatique, via les Directions régionales des affaires culturelles (DRAC), les collectivités, le Centre national de la musique (CNM) ou toute autre instance, celle-ci soit conditionnée à une formation du/de la porteur·euse de projet ou de la personne en situation de direction, comme ce qui mis en place aujourd’hui contre les violences et harcèlements sexistes et sexuels (VHSS).
D’autant que ces formations existent, ce qui n’était pas le cas quand la formation contre les VHSS ont fait l’objet d’une obligation au CNM.
Comment vois-tu la suite de ce travail ensemble ?
L’action collective ne s’oppose pas à l’action individuelle
Cette méthodologie de travail donne envie de continuer. Ça donne beaucoup de force et ça crée un commun. On a pu clarifier le fait que l’action collective ne s’oppose pas à l’action individuelle. C’est-à-dire que ce n’est pas parce qu’on porte collectivement un projet qu’il faut pour autant circonscrire les questions de transition à ce projet-là.
L’objectif aujourd’hui, c’est que d’autres se saisissent de notre travail : organisations de salariés, tutelles publics, reprenez-le à vos endroits. C’est un appel à contribuer pour que l’on puisse mettre ces engagements en place et recevoir des retours de celles et ceux que ce travail intéressent.