Peut-on être un DJ superstar et s’engager pour le climat ? Si la question est difficile – et fera l’objet d’un débat animé par Pioche! ce 22 avril à Paris – le musicien Kévin Rodrigues, alias Worakls, a décidé de répondre par l’affirmative. Quitte à désarçonner une partie de ses fans, et à essuyer des volées de critiques.
Il remplit les salles et les festivals sur son seul nom depuis près de 10 ans. On le retrouve désormais derrière les bande originales des documentaires d’Hugo Clément, et d’une performance contre le pipeline EACOP, devant le siège de TotalEnergies. Mieux, quand Emmanuel Macron l’invite à jouer pendant sa campagne en 2020, Worakls n’accepte qu’à la condition d’une conversation directe avec le président, pour lui parler urgences climatiques et de l’inaction de la France.
« L’écologie, c’est un sujet qui me passionne » nous dit Kévin Rodrigues, alias Worakls. Rien d’étonnant donc de le voir à l’organisation de l’Ocean Fest, à Biarritz, aux côtés d’Hugo Clément. « Avec Hugo, on faisait le constat que ce sont surtout des mauvaises nouvelles, c’est souvent barbant, morose ou anxiogène. On s’est demandé comment faire de l’écologie en étant dans une bonne vibe. »
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Résultat : un festival qui convie les superstars des musiques électroniques (Vitalic, Polo & Pan, The Avener, Synapson et bien sûr Worakls), 4500 places vendues en 24h, et toutes les recettes reversés à l’association Sea Shepherd, « qui est sur le front et qui se bat pour protéger nos océans ». Et un musicien qui se sent au bon endroit : « je ne me considère pas comme activiste, mais si je peux aider des amis activistes avec ma musique, je le fais ». Ou comment, ici aussi, « faire sa part ».
Comment s’est passé ton engagement écolo en tant qu’artiste et musicien déjà reconnu ?
Worakls : La transition d’artiste « plat », qui ne défend pas ses idées, à artiste engagé, c’est difficile. Le but d’un artiste, c’est censé être de promouvoir son art. Alors forcément, dès que tu prends une décision engagée, tu divises ton auditoire. Prendre un virage politique, ce n’est pas évident. Mais avec l’Ocean Fest, on offre cette opportunité aux artistes de participer à leur manière, en apporter leur pierre à l’édifice sans devoir prendre ce virage.
Parce que j’aime cette planète, et que j’ai envie que ma fille vive dans un monde vivable
Quels effets cela a-t-il eu sur ton public ? Penses-tu avoir perdu une partie de ton auditoire ?
Worakls : J’ai vraiment senti les réactions du public à deux reprises. D’abord lors de cette action avec l’activiste Camille Etienne, qui dénonce le projet EACOP de création de pipelines en Ouganda. Camille m’avait demandé une musique pour accompagner la danse du collectif Minuit 12 devant le siège de Total. J’ai fait le morceau en deux jours, et j’ai voulu aller plus loin. Je l’ai sorti pour que chacun comprenne pourquoi ce morceau et les enjeux. Dans les commentaires de la vidéo, je me suis rendu compte que beaucoup ne comprenaient pas, et me disaient « fais de la musique, pas de la politique ».
La seconde, c’est lors de ma tournée Worakls Orchestra en Europe. On avait un merchandising qui était écolo, c’était important pour moi. Je me suis associé avec la marque Ubac pour imaginer des chaussures en matières recyclées, bio. Et le fait de le mentionner, ça a fait réagir. Ces commentaires négatifs, ça fait toujours mal, mais il faut être prêt à les assumer.
Donc quand j’organise cet évènement, je sais que ça ne supprimera pas les tonnes de CO2 que j’émets avec mes tournées, mais j’ai quand même envie de le faire et d’y participer. Parce que j’aime cette planète, et j’ai envie que ma fille vive dans un monde cool, vivable, où il y a des animaux, des poissons.
Tu as pu discuter écologie avec Emmanuel Macron. Comment cela s’est-il passé, et qu’as-tu pu lui dire ?
Worakls : Son équipe de campagne m’a proposé de jouer à l’un de ses meetings, et j’ai directement refusé, car je ne veux pas servir à la promotion de personnalités politiques. Mais en y réfléchissant, je me suis dit qu’il y avait peut-être une carte à jouer pour porter le message écolo.
Il faut se battre pour ce en quoi on croit, tout simplement
Je n’avais pas grand chose à perdre, donc j’ai accepté à condition qu’on parle d’écologie ensemble. Peut-être que ça aura une résonance particulière, s’il aime ma musique. On s’est donc appelé pendant une demi-heure. J’ai essayé de lui dire ce qui comptait pour moi et pour beaucoup de jeunes. Lui, il m’a surtout dit ce qu’il avait envie de me dire.
Te revendiques-tu comme « artiviste », à la croisée de l’activisme et de l’art ?
Worakls : Je pense qu’il faut se battre pour ce en quoi on croit, tout simplement. Et l’écologie, c’est un des combats que j’ai envie de mener. Je ne me considère pas comme activiste. Je suis musicien, et parfois j’ai le choix de donner de mon temps et mon art pour aider des gens qui sont vraiment des activistes, comme Hugo Clément, Camille Etienne, Salomé Saqué, Bon Pote…
Tous ces gens-là, que j’admire, sont aussi des amis. Si je peux les aider à faire passer des messages avec ma musique, à susciter des émotions, par exemple pour un documentaire d’Hugo, je le fais. Parce que mon domaine, c’est la musique, et j’aime rester à ma place de musicien.