En Vendée, une dizaine de petits producteurs se sont associés pour monter leur propre magasin, Le Cabas Fermier, où ils vendent directement leurs produits bio aux consommateurs. Un circuit ultra-court qui redonne vie à ce petit bourg vidé de ses petits commerces par les centres commerciaux.
Aux Herbiers, tout le monde se souvient du 8 mai 2018. Ce jour-là, la plupart des 15 000 habitants de cette commune du bocage vendéen étaient devant sa télévision, sous l’imposante réplique de la tour Eiffel installée près du stade Massabielle, ou, pour les plus chanceux, sur les gradins du majestueux Stade de France. Finalement vaincue 2-0 par un Paris Saint-Germain sans état d’âme, l’équipe de football locale, alors classée en National (3e division), faisait découvrir la cinquième ville de Vendée à des millions de Français, le temps d’une finale de Coupe de France.
« Au moins, ici, on sait ce qu’on achète et où va notre argent »
Cela fait maintenant plus de deux ans qu’aucune Tour Eiffel n’accueille plus le nouvel arrivant herbretais à l’entrée de la ville. Défilent à la place, au bord de la rocade encerclant le bourg, de célèbres enseignes de restaurants et supermarchés. Une trentaine, à la louche, drainant l’imposante classe moyenne du Pays des Herbiers. C’est dans ce fief historiquement ancré à droite, au taux de chômage sous les 5%, qu’a ouvert en septembre dernier Le Cabas Fermier, un magasin de produits bio et ultra-locaux, créé et tenu six jours par semaine par les producteurs eux-mêmes.
Le boulanger vend du fromage
Pour rejoindre la boutique, il faut quitter la rocade en direction du village du Boupère, et se garer près du vieux château du quartier d’Ardelay, dont les alentours sont en cours de valorisation. C’est sur cette ancienne place commerçante, aujourd’hui déserte de toute activité – si ce n’est l’illustre bar Le Donjon, qui a arrosé bien des victoires au PMU – qu’une dizaine de petits producteurs de la région ont ouvert leur nouvelle boutique : une surface de 60m2, qui abritait autrefois le café de l’hôtel-restaurant Chez Camille. « Depuis que l’église et les commerces sont fermés, c’est un quartier qui devient tristounet », s’inquiétait le conseiller municipal Thierry Cousseau, lors d’un conseil municipal en septembre 2019.
Moins d’un an plus tard, l’ouverture du Cabas Fermier était pour beaucoup vécue comme une renaissance. D’autant qu’avec le confinement, les déplacements sont devenus plus difficiles. Passant la porte du magasin les bras emplis de provisions, cette cinquantenaire ne dit pas autre chose. Elle habite Ardelay depuis longtemps et se dit ravie de pouvoir faire ses courses ici, à pied, plutôt qu’au E.Leclerc, pourtant à moins d’un kilomètre. « Au moins, ici, on sait ce qu’on achète et où va notre argent » lance-t-elle en partant. Car au Cabas Fermier, il n’y a aucun intermédiaire entre le producteur et le consommateur : le fruit des ventes contribue directement au revenu des agriculteurs, éleveurs et autres apiculteurs.
« Moins cher qu’en grande surface »
« On voulait que les gens fassent toutes leurs courses au même endroit »
Ce sont aussi ces derniers qui jouent les vendeurs, au gré de permanences que chacun s’astreint à tenir, malgré la charge de travail imposée par leurs exploitations. Ainsi, le boulanger vend du fromage de chèvre, l’éleveur de la confiture, le maraîcher des fines herbes ou des tisanes. Des journées formation-dégustation devraient bientôt voir le jour pour initier les uns aux produits des autres, afin de mieux répondre à la demande des clients. L’activité s’améliore ainsi pas à pas, depuis l’ouverture du premier magasin en 2014, un peu plus loin dans les terres.
« Au départ, on avait tous nos magasins à la ferme, se souvient Jean-Marie Sorin, producteur de porc bio et président de l’association, mais on ne vendait que nos produits. On s’est donc réunis pour que les gens puissent faire toutes leurs courses au même endroit, et vendre nos produits en circuit-court. » La dizaine de producteurs associés (auxquels s’ajoutent une quinzaine de fournisseurs bio des environs) ont peu à peu appris à faire connaissance, et chacun organise sa semaine pour assurer sa part de permanence, règle d’or du Cabas Fermier.
Un quartier qui reprend vie
Ouvert le 4 septembre dernier, le nouveau magasin présente désormais une abondante variété de produits vendéens : bières, miel en casier, volailles, boudins et charcuteries, fromages, spiruline, ou fruits et légumes oubliés. Le tout à bon prix. « Pour le même rapport qualité-prix, c’est même souvent moins cher qu’en grande surface, assure M. Sorin, parce qu’on produit, on transforme et on vend sans intermédiaire. » Les consommateurs, en tout cas, ne s’y trompent pas. Depuis l’ouverture au cœur du bourg, les ventes ont doublé de volume, expose l’éleveur, pour qui la vente directe représente désormais 10 à 20% de son chiffre d’affaires.
Un revenu bienvenu, toutefois insuffisant pour remettre à neuf leurs vitrines de frais, pas très économes en énergie. Le collectif s’est donc tourné vers le financement participatif, via la plateforme locale Vendée Up. Nul doute que les habitants d’Ardelay, ravis d’avoir retrouvé dans le quartier un peu de la vie d’antan, devraient les aider à atteindre leur objectif. Ce petit succès semble être accueilli avec bienveillance par les mastodontes Hyper U et E.Leclerc tout proches, qui continuent à se fournir en bio chez les producteurs. « On travaille aussi avec Biocoop, l’épicerie bio Le Drive des Collines, ou La Louette tenue par une association de consommateurs, énumère M. Sorin. Les propositions pour manger bio et local se multiplient aux Herbiers. » Souhaitons-leur une aussi belle aventure qu’en football.
Pour participer à l’achat des vitrines de frais du Cabas Fermier, c’est ici.