Le cabinet BL évolution a mis en récit le quotidien en France avec un dérèglement climatique de +2°C. Six nouvelles adossées à des études scientifiques qui nous emmènent à la rencontre des bouleversements bien concrets induits par la crise écologique. De quoi permettre de se « projeter émotionnellement » et de se mobiliser pour un futur différent.
À quoi ressemblera la vie en France avec un dérèglement climatique mondial de +2°C ? Des dizaines d’études répondent à cette question à l’aide de données scientifiques qui détaillent les conséquences sur l’agriculture, la santé, les transports, la biodiversité… Mais ces études, aussi indispensables soient-elles pour favoriser l’adaptation et la résilience, restent souvent confinées aux sphères des expert·es du sujet.
Pour s’adresser au grand public, BL évolution, société coopérative de conseil en transition écologique, a écrit six nouvelles qui racontent la vie quotidienne dans un monde à + 2°C. Elles nous racontent le périple de Richard entre Paris et Carcassonne perturbé par les éléments, le week-end de Mia marqué par le retour de la neige en moyenne montagne ou encore l’arrivée de Soan sur l’île de Tahiti, menacée par la montée des eaux.
« Lorsque je me réveille, il fait déjà presque nuit, pourtant mon téléphone indique seulement 17h32. Alors que je m’approche de la cuisine, des voix résonnent et je découvre avec bonheur mon cousin Anapa et ma cousine Poe. Nous sommes tous les trois émus de nous rencontrer en personne pour la première fois, après plusieurs années d’échanges virtuels. S’ensuivent de longues discussions marquant nos retrouvailles jusqu’à ce que nous abordions le sujet pour lequel je suis venu : le programme de relocalisation des habitants des îles menacées par la montée des eaux. Depuis plusieurs années, la montée des eaux menace les littoraux et les îles basses de la Polynésie française et avec la multiplication des événements extrêmes plusieurs villages ont été touchés. Ces dernières années ont été particulièrement dures pour les Polynésiens à cause des nombreuses inondations et submersions marines. Je me souviens des photos et vidéos envoyées par Anapa et Poe… terrible ! Depuis, le programme de relocalisation s’est accéléré et permet à quelques proches des familles affectées d’en faire partie. Le fait que mes grands-parents résident sur l’une de ces îles menacées nous a permis de bénéficier d’un billet d’avion offert pour les rejoindre. Ma mère a insisté pour que je sois celui qui s’y rende, n’étant jamais allé en Polynésie. » Extrait de la nouvelle Danse avec les vagues.
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Le quotidien derrière les chiffres
Ces courts récits de fictions rendent le bouleversement climatique plus tangible que jamais. Les canicules, la crise de l’énergie ou l’effondrement de la biodiversité sont racontés à travers le vécu des personnages, leur quotidien et leurs émotions. « L’objectif était de rendre la question climatique moins technique en faisant sentir et ressentir les conséquences du réchauffement » explique Orléna Afkerios, consultante pour BL évolution et co-autrice des nouvelles.
« Dans la nouvelle Les larmes sèches on a voulu montrer qu’il y a la Provence de Marcel Pagnol, plus rocailleuse qui gagne du terrain sur la Provence de Giono, plus montagneuse » illustre Baptiste Salmon, doctorant en aménagement du territoire, lui-même originaire de Provence.
Et au-delà des paysages ou des aléas climatiques, les récits donnent à lire une certaine évolution des liens entre citoyen·nes et le développement d’autres formes d’organisation économique comme les coopératives agricoles. On comprend aussi, en creux, que le dérèglement climatique accroit les inégalités en affectant d’abord les personnes et les territoires déjà vulnérables.
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Dans cet exercice, la rigueur scientifique n’est pas passée à la trappe. Chaque projection, de l’apparition de taxi autonome à la multiplication des feux de forêts, est accompagnée d’une jauge de confiance allant de « confiance élevée » à « fiction », permettant aux auteur·ices de préciser le niveau de probabilité que cet évènement arrive, tout en citant leurs sources.
« Les histoires ne sont pas particulièrement catastrophistes, mais elles ne sont pas particulièrement désirables non plus. On voulait vraiment montrer, en restant au plus près de la réalité scientifique, qu’un réchauffement de 2°C n’est pas un objectif vertueux, qu’il faut être plus ambitieux·ses » conclut Baptiste Salmon.
« Aujourd’hui, le temps est magnifique. “Un bon weekend qui s’annonce”, se dit Charlie. Elle aurait pu faire une bonne grasse matinée, mais elle a décidé de se lever tôt pour profiter du beau temps et de la neige. Lorsqu’elle ouvre sa porte d’entrée, un vent frais soulève ses mèches de cheveux. Elle ne se souvient pas de la dernière fois qu’il a neigé autant et aussi bas, à 1 000 mètres. Cela donne d’ailleurs pas mal de fil à retordre aux stations de montagne de la région, situées certes plus haut, mais qui ont été surprises, comme tout le monde. Charlie s’étire, fourbue. La semaine a été chargée, avec pas mal de problèmes non résolus à la station de montagne Valençonette pour laquelle elle travaille en tant que chargée de préservation de la ressource en eau. Mais la jeune femme n’a pas envie d’y penser : ce soir elle accueille ses grands-parents qui viennent de Normandie. Ils restent quelques jours pour profiter de leur petite fille mais surtout de la neige qui tient depuis le début de semaine et qui devrait encore tenir quelques jours. Charlie sort de chez elle et décide d’aller à La Terrasse, un café-restaurant ouvert toute l’année où l’une de ses amies travaille. Elle ira ensuite faire quelques courses pour le repas de ce soir. Une fois habillée chaudement, elle embarque sur son vélo électrique et traverse son village et le tout nouvel écoquartier. “Tout ça, c’est depuis que notre village a été classé dans le top 10 des meilleurs endroits où il fait bon vivre”, pense-t-elle avec une pointe d’agacement. “Pas étonnant, partout ailleurs il fait trop chaud, surtout plus bas”. » Extrait de la nouvelle Ça sent le sapin !.
Les six récits de La France à 2°C sont à découvrir sur le site de l’initiative.