Incendies, déforestation, maladies… Aux premières loges de la crise écologique, les forêts françaises sont aussi des alliées indispensables pour lutter contre le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité. Fin juillet, le gouvernement a accusé réception d’un rapport préconisant de « renouveler 10% de la forêt française en 10 ans ». Mais les méthodes recommandées peinent encore à convaincre les associations écologistes.
Après l’annonce du Président Emmanuel Macron, en janvier 2023, de planter un milliard d’arbres dans les dix prochaines années, un rapport intitulé « Objectif Forêt » a été remis le 26 juillet dernier à Marc Fesneau et Sarah El Haïry, respectivement ministre de l’Agriculture et secrétaire d’État à la Biodiversité. Derrière ce titre choc, on retrouve une succession de recommandations destinées à adapter les forêts françaises au réchauffement climatique, à lutter contre les incendies et à structurer la filière bois.
Car les enjeux sont de taille. En France, près de trois millions d’hectares de forêt sont qualifiés de « dépérissantes » à cause du manque d’eau, de la pression des bioagresseurs (insectes, maladies…) et des feux dévastateurs qui s’accentuent chaque année. Une donnée doublement inquiétante lorsqu’on sait que les forêts de l’Hexagone sont à la fois victimes et solutions du dérèglement climatique, et que depuis 2010, elles ont perdu près de la moitié de leur capacité d’absorption du CO2.
À lire aussi : Feux de forêts : « Avec plus de prévention, nous ne sommes pas condamnés aux catastrophes »
« Objectif Forêt » recommande alors d’investir entre 8 et 10 milliards d’euros pour renouveler 10% de la forêt française dans les 10 prochaines années. Une somme à partager entre les pouvoirs publics et les propriétaires privés qui possèdent plus des trois quarts de la surface forestière du territoire.
Dans ses recommandations, le rapport tente de « combiner la nécessité de produire davantage de bois d’œuvre pour accompagner la décarbonation de l’économie, et celle de maintenir la biodiversité ». Selon les auteur·ices, les nouvelles plantations doivent être plus diversifiées, favorisant des essences adaptées aux climats futurs. Une demande qui nécessite de développer massivement les pépinières, en amont, et d’adapter en aval la demande industrielle à d’autres essences notamment des feuillus.
« Une politique forestière ne se limite pas à un nombre d’arbres plantés »
Ces pistes de solutions ont suscité des réactions du côté de la communauté scientifique et des associations écologistes, autour de deux inquiétudes principales. L’association Canopée – Forêts Vivantes déplore d’abord que le rapport ne contienne pas de recommandations destinées à limiter les coupes rases, c’est-à-dire l’abattage total des arbres d’une parcelle. Malgré le fait qu’elle soit la plus courante, cette méthode est régulièrement décriée pour ses conséquences négatives sur la santé des forêts et sur le climat.
Et après la coupe, « Objectif Forêt » préconise principalement des « plantations en plein », souvent basées sur une seule essence. Canopée pointe alors des « critères de diversification insuffisants » qui mèneront à planter principalement des résineux, davantage adaptés à la demande industrielle.
De son côté, Guillaume Decocq, professeur des universités en sciences végétales, s’interroge. « Où est-ce qu’on va étendre la forêt ? Si c’est au détriment de terres agricoles, ça va poser des problèmes » a-t-il déclaré au micro de France Inter. Selon lui, il serait plus efficace de privilégier des méthodes de régénération naturelle, qui permettent de renforcer la biodiversité et le puits carbone des forêts, en évitant les risques liés au fort taux de mortalité des jeunes plants.
« Il est urgent que des arbitrages aient lieu au plus haut sommet de l’État pour placer le maintien et la restauration de la biodiversité au cœur de la stratégie forestière. Une politique forestière ne se limite pas à un nombre d’arbres plantés » conclut Sylvain Angerand, coordinateur des campagnes pour Canopée.