Du 7 au 16 juin 2024, le festival Nuits des Forêts propose dix jours de spectacles, d’expositions et d’ateliers dans les forêts de France. De quoi découvrir par l’art, le jeu et la sensibilité ces espaces naturels fragiles et précieux, ainsi que les personnes qui les habitent, les cultivent et les protègent.
Méga-feux au Canada, déforestation en Amazonie, effondrement de la biodiversité… Les forêts sont au cœur des préoccupations écologiques. Mais la préservation de ces espaces naturels fragiles – qui occupent un tiers du territoire métropolitain – commence dans notre environnement direct. Où sont les forêts qui nous entourent ? Qui les habite ? Qui s’en occupe ? Quels dangers les menacent ?
Le festival Nuits des Forêts invite chacun·e à renouer avec les forêts près de chez soi à travers une programmation ludique et artistique au pied des arbres : concerts, installations, balades pédagogiques, soirées contes, soirées créatives… Cette année, l’événement se tiendra du 7 au 16 juin 2024, réunissant plus de 200 événements aux quatre coins de la France métropolitaine, mais aussi en Guyane, à la Réunion et à Mayotte.
L’appel de la forêt
Imaginées pendant le confinement de 2020, les Nuits des Forêts sont parties d’Île-de-France avant de s’étendre dans toute la France, répondant autant à un besoin des habitant·es de se reconnecter avec leur environnement, qu’à la volonté d’ouverture de la part de celles et ceux qui vivent de la forêt. Ainsi, en 2023, le festival réunissait plus de 20 000 visiteur·euses et des dizaines de partenaires comme l’Office national des forêts (ONF) ou l’Office français de la biodiversité (OFB).
Pour cette cinquième édition, la forêt de Fontainebleau accueillera par exemple des balades créatives mêlant scientifiques et artistes, des ateliers dessin au fusain brûlé ou un concert Résistances Poétiques de Cyril Dion et Sébastien Hoog. Près de Nantes, la forêt du Gâvre sera le théâtre de spectacles et de contes immersifs. Et du côté de Leucate, dans l’Aude, se tiendront des expositions, des conférences déambulatoires et des concerts sauvages au pied du Phare du Cap.
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En portant une culture de proximité, à petite échelle et tournée vers la préservation des espaces naturels, Nuits des Forêts donne à voir l’un des rôles que peuvent prendre les artistes et les acteur·ices culturels face à l’urgence écologique. On en discute avec Clara Anguenot, cofondatrice du festival, et Thomas Delage, chef de service mobilisation citoyenne à l’Office français de la biodiversité (OFB).
Comment le festival Nuits des Forêts se propose-t-il de créer des ponts entre les habitant·es et les forêts qui les entourent ?
Clara Anguenot : Quand on a imaginé Nuits des Forêts, l’objectif était de favoriser la transmission de connaissances sur les forêts françaises et la rencontre avec toutes les personnes qui y travaillent. Parce qu’il faut bien rappeler que derrière la forêt, il y a des gens. Mais le/la forestier·e est quelqu’un de très solitaire, qui a l’habitude d’être tranquille au fond de son bois. Ce sont des gens passionnés, capables de parler longtemps – il est très difficile de couper un·e forestier·e – mais ce ne sont pas des professionnel·les de la pédagogie ou de l’événementiel.
« Dès le début, il y avait cette volonté d’avoir une approche sensible, conviviale et festive »
Donc le festival mobilise des acteur·ices du monde culturel pour sensibiliser le grand public à l’écosystème des forêts, à travers des propositions artistiques, des activités ludiques, des soirées… Dès le début, il y avait cette volonté d’avoir une approche qui ne soit pas uniquement pédagogique, mais aussi sensible, conviviale et festive. Avec toujours cette idée de mettre à l’honneur la forêt, la célébrer, la regarder un peu autrement, et renforcer nos liens avec elle.
Thomas Delage : Nuits des Forêts permet de faire de la médiation entre les humains et les autres vivants. L’événement s’inscrit dans l’une des missions de l’Office français de la biodiversité : encourager des changements en profondeur de nos organisations collectives, modes de vie, représentations sociales et valeurs afin de préserver l’habitabilité de la planète et des territoires. Ce travail passe parfois par de la pédagogie, parce qu’il est important de comprendre ce qu’il se passe dans les forêts et ce qui les rend fragiles, mais aussi par des choses de l’ordre des sens, de l’émotion, du sensible. C’est là tout le travail des artistes.
En permettant au plus grand nombre, et notamment aux plus jeunes, de se rendre en forêt et d’y vivre des expériences sensibles, on crée des attachements. Des madeleines de Proust associées à la forêt. Quand j’étais enfant, j’habitais avec ma famille dans une commune avec beaucoup de peupliers plantés près de l’école. Encore aujourd’hui, quand je sens l’odeur particulière des feuilles de peupliers tombées au solt, je me remémore le chemin de l’école… C’est le type d’attachements qui donne envie de fréquenter et surtout de protéger les arbres et les forêts.
Lieux enchantés, luttes écologiques, sports de plein air… L’imaginaire collectif autour des forêts est très dense. À Nuits des Forêts, comment les artistes s’appuient-ils/elles sur cet imaginaire pour encourager le grand public à protéger ces espaces naturels fragiles ?
Clara Anguenot : Les forêts sont des lieux de ressourcement pour beaucoup de Français·es. 6 sur 10 déclarent rêver d’aller en forêt, et 4 sur 10 s’y rendent au moins une fois par mois. Je pense que la chose la plus évidente quand on parle des imaginaires de la forêt, c’est l’univers de l’enfance et du conte. La forêt est très représentée dans nos premières formes de lien à la culture et aux arts. C’est forcément une grande source d’inspiration pour les artistes.
« Il y a de beaux récits à construire sur cette relation ancestrale que nous avons au bois »
Après, je pense que c’est intéressant d’aller plus loin que les contes. Avec Nuits des Forêts, on essaye par exemple de faire de la place aux propositions artistiques qui portent des pratiques plus transformatives, construites autour d’expériences sensorielles pour le public.
On essaye également de donner de la voix aux écosystèmes de designers, d’architectes, de sculpteur·ices qui remettent le bois au goût du jour. Ces dernier·es montrent que ce matériau qui est présent dans de nombreuses trajectoires de sortie des énergies fossiles peut à la fois combler certains de nos besoins primaires (se chauffer, s’abriter…) mais aussi fournir des besoins plus affectifs, émotionnels, à travers de beaux objets, des habitats sains, des instruments de musique… Il y a de beaux récits à construire sur cette relation ancestrale que nous avons au bois.
Ce sont des engagements qui nous semblent cruciaux, particulièrement en ce moment où le secteur artistique s’approprie de plus en plus les questions de transition écologique, d’habitabilité, de luttes collectives…
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Thomas Delage : Les artistes ont ce pouvoir de proposer des visions de futurs souhaitables, qui ne sont pas forcément techno-solutionnistes. On sait par exemple que les forêts sont des refuges face au dérèglement climatique. Ce sont des havres de fraîcheur en période de fortes chaleurs. De plus en plus d’habitant·es vont la fréquenter, d’où l’intérêt de faire comprendre largement qu’il faut la protéger, la ménager et ne pas déranger les vivants non-humains qui y habitent.
C’est en mettant ces récits en valeur que l’on pourra opérer des changements transformateurs, autant dans les modes de vie et de production que dans les valeurs et représentations collectives.
L’une des particularités de ce festival, c’est son organisation décentralisée. Vous lancez un appel à participation et ce sont des acteurs locaux qui se mobilisent pour organiser leurs événements. Pourquoi ce fonctionnement ?
Clara Anguenot : Effectivement. Nuits des Forêts n’est pas un grand festival unique, il est multi-sites. À part quelques événements ambassadeurs, il y a une grande majorité de petits événements qui se déroulent sur une après-midi ou une soirée, avec un public à taille humaine d’une cinquantaine ou d’une centaine de personnes. C’est une échelle qui permet la transmission et la création d’une expérience singulière.
Et dans les faits, personne n’a vraiment envie de voir beaucoup d’artificialisation, de signalétique, de choses humaines. Même pour les scénographies, c’est un goût personnel mais je me dis souvent que la forêt est un décor suffisant, elle fait partie du spectacle.
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Thomas Delage : C’est cette échelle qui permet d’avoir des événements très légers, très sobres, qui se déplacent facilement et qui ne dérangent que de manière raisonnable leur environnement.
Clara Anguenot : Et pour s’adapter à chaque contexte, quand on lance notre appel à participation, on demande aux organisateur·ices de nous raconter l’histoire de leur forêt, son cadre géographique, ses enjeux présents et quels sont leurs rêves pour cette forêt. C’est le point de départ de tous les événements. Notre rêve c’est qu’à terme tout le monde ait une Nuit des Forêts à côté de chez soi.
Retrouvez les plus de 200 événements organisés partout en France sur le site de Nuits des Forêts du 7 au 16 juin 2024 partout en France.