Pour trouver l’exploitation Une Ferme du Perche, direction Réveillon, dans l’Orne. Là-bas, on applique la méthode bio-intensive, mise en lumière par le Québécois Jean-Martin Fortier. Adieu les tracteurs et les exploitations de 50 hectares, place aux outils manuels et à l’agriculture à l’échelle humaine. Une initiative qui, en plus d’être rentable financièrement, donne une nouvelle dynamique à la vie agricole.
Pour comprendre les origines d’Une Ferme du Perche, il faut traverser l’Atlantique et se rendre à une heure au sud de Montréal, à Saint-Armand. C’est dans cette petite bourgade que l’agriculteur québécois Jean-Martin Fortier et sa femme, Maude-Hélène Desroches, ont fondé en 2004 la micro-ferme les Jardins de la Grelinette. Là-bas, on cultive selon les principes de l’agriculture bio-intensive. La production est concentrée sur une petite surface, à échelle humaine, et tire parti de la vie du sol et de la santé des écosystèmes. Un modèle qui, en 16 ans, a démontré la viabilité financière des petites productions agricoles de proximité.
Aujourd’hui, Jean-Martin Fortier inspire de nombreux agriculteurs aux quatre coins du monde, soucieux de mieux cultiver plutôt que de cultiver plus. Parmi eux, Tom Rial et son père, Jean-François. Intéressés par l’agriculture écolo et la production locale, tous les deux réfléchissaient depuis quelque temps à monter leur propre ferme. « À l’époque, on était un peu naïfs », se souvient Tom. Loin de vouloir se précipiter, père et fils ont glané de précieux conseils, lu (beaucoup) et décidé de se faire accompagner dans leur projet.
D’un dîner à Montréal à une micro-ferme dans l’Orne
En 2018, Tom travaille à Montréal. Alors que son père vient lui rendre visite, ils rencontrent Jean-Martin Fortier lors d’un dîner. « On lui a présenté le projet, puis on a émis l’idée qu’il devienne parrain et conseiller de la ferme », raconte Tom. Le Québécois accepte. En plus de superviser le projet à distance, il rend visite aux Rial plusieurs fois par an pour les conseiller et les guider. C’est d’ailleurs lui qui souffle le nom de l’architecte-paysagiste québécois Alexandre Guertin, « un spécialiste des fermes écologiques en polycultures », pour réaliser le design de la ferme. « On s’est aussi fait accompagner par Fermes d’Avenir, notamment pour le recrutement de Louise, notre cheffe de culture. »
Jean-Martin Fortier convie aussi la petite équipe de l’Orne chez lui, au Québec, pour se former au bio-intensif entre deux visites de micro-fermes. À leur retour à Réveillon, l’équipe a la tête pleine d’idées, prête à donner le dernier coup de collier avant le lancement. Installation d’une pépinière, creusement de l’étang et mise en place de l’irrigation… Tous sont au four et au moulin pour mettre en pratique les enseignements acquis lors de leur séjour au Québec. Après une pré-saison à l’automne 2019, la Ferme du Perche se lance officiellement en 2020.
Les surfaces sont plus resserrées. Ça libère de l’espace pour la biodiversité
Aujourd’hui, l’exploitation s’étend sur environ un hectare. « Les surfaces sont plus resserrées, ce qui permet de se rendre compte plus vite des problèmes tout en libérant de l’espace pour la biodiversité », explique Tom. On trouve également un étang d’irrigation, de nombreuses haies et deux vergers. Comme chez Jean-Martin, les gros outillages sont exclus. Adieu donc, tracteurs et autres engins motorisés. « Au lieu d’investir dans des machines, on recrute du monde. »
Quitter la ville pour se sentir utile
À la Ferme du Perche, la dimension humaine est d’ailleurs centrale. « On voit notre ferme comme un vrai mode de vie. On dort tous sur place », raconte Tom. Par ailleurs, l’équipe, âgée de 25 à 42 ans, rompt avec certaines idées reçues du monde agricole. « Ici, les gens ont BAC+5, mais ils sont au SMIC et triment comme des malades. En fait, on répond tous à une quête de sens commune à pas mal de jeunes. Ici, on a l’impression d’être utiles. »
On est dans cette quête de sens commune à pas mal de jeunes. Ici, on a l’impression d’être utiles
Dans l’équipe, plusieurs viennent de grandes métropoles un peu partout en France. « Moi même, je suis un gars de la ville », avoue Tom. Une exode nécessaire pour des urbains en quête d’un projet de vie en lien avec la nature, comme le raconte Claire Desmares-Poirrier dans son manifeste pour une ruralité positive ? « C’est exactement ça ! Comme pas mal de gens de ma génération, j’ai éprouvé ce besoin de quitter un quotidien devenu invivable pour retrouver quelque chose à l’échelle humaine. »
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En plus d’apporter une bouffée d’air frais au monde agricole, certains jeunes comme ceux de la Ferme du Perche ambitionnent de lui donner une nouvelle vie. « Les fermes peuvent servir à recréer du lien. On peut en faire un vrai lieu de vie, montrer ce qu’on fait mais aussi organiser des événements. La ferme, ce n’est pas qu’un endroit où on cultive dans notre coin, c’est aussi un lieu de partage. »