Du cinéma à la création d’un mouvement citoyen, il n’y a qu’un pas. Passée par la FEMIS (Fondation européenne pour les métiers de l’image et du son), Magali Payen s’est rapidement tournée vers l’activisme sans pour autant tirer un trait sur ses compétences. Fondatrice du mouvement citoyen On Est Prêt, la militante multiplie depuis plus de trois ans les campagnes aux côtés de nombreuses personnalités engagés pour donner au plus grand nombre l’envie et surtout les moyens d’agir pour un monde plus vertueux et plus respectueux du vivant.
Lancé en 2018, le mouvement citoyen On Est Prêt œuvre pour la création et la diffusion massive de nouveaux récits de société pour accélérer massivement la prise de conscience collective sur des sujets comme la crise climatique ou la justice sociale. Quelles ressources et quels profils mobilisez-vous pour vous adresser au plus grand nombre ?
Magali Payen : Il n’y a pas de recette magique. Pour la première campagne « Agir pour le Climat », je me suis focalisée sur des créateurs de vidéos sur YouTube et des influenceurs sur Instagram. Peu à peu, des sportifs, des chanteurs ou encore des personnalités publiques ont rejoint le mouvement. Pour l’Affaire du Siècle, j’ai été chercher Cyril Dion qui m’a aidé à mobiliser des acteurs. Sur cette campagne, l’idée était davantage de mobiliser des profils complémentaires.
Le propos d’On Est Prêt, on le connait. Mais, ce qui est inédit, c’est de le mettre dans la bouche de personnalités, avec toute leur subjectivité.
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Régulièrement, vous vous appuyez sur des artistes pour construire et diffuser de nouveaux récits de société. Quelle est la place du monde de la culture dans cet éveil massif des consciences ?
On ne peut pas construire ce nouveau paradigme si on ne l’imagine pas aujourd’hui.
Le rôle de l’artiste est central. Ça me fait penser à cette tribune qu’on avait lancé avec Cyril Dion lors du festival de Cannes 2019 : Résister et Créer. L’idée était d’interpeller le monde du cinéma et de les sensibiliser sur la nécessité de créer de nouveaux récits de société.
Personnellement, je suis convaincue qu’on ne peut pas construire ce nouveau paradigme si on ne l’imagine pas aujourd’hui. Tout le champ artistique et créatif est concerné : la musique, la littérature, les arts visuels ou encore le journalisme. Le mouvement climat a besoin de cette vague culturelle qui renouvelle nos imaginaires, qui nous montre que c’est possible. Ce sont les histoires culturelles qui permettent de remporter les batailles politiques.
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Mais le fait que des artistes prennent la parole sur des sujets comme le climat ne pose-t-il pas, parfois, certaines questions autour de la légitimité ?
Souvent, on nous dit que c’est aux scientifiques de prendre la parole mais ces derniers ont le sentiment de crier dans le désert. Le monde scientifique a besoin d’aide pour relayer leurs messages, sensibiliser le grand public sur ce qui se joue. C’est en cela que le rôle de l’artiste est déterminant.
Arrêtons avec ce sentiment d’imposture, sinon on ne s’en sortira jamais. À partir du moment où on habite cette Terre, on est légitime. Et sur nos paradoxes, c’est le propre de l’être humain d’être plein de contradictions. N’attendons pas d’être parfaits pour agir.
2022 s’annonce comme une année décisive sur le plan politique, marquée par l’élection présidentielle. Selon vous, doit-on encore attendre quelque chose de nos décideurs sur le plan environnemental ?
Les électeurs doivent s’intéresser à la Primaire Populaire.
Attendre l’homme ou la femme providentiel est un énorme danger. La responsabilité doit être prise à tous les niveaux. Le vote est nécessaire, mais il ne suffit pas. Pour 2022, j’encourage tous les électeurs à s’intéresser à la Primaire Populaire. On vit une crise de la démocratie, et de nouveaux processus doivent être mis en place. C’est comme la Convention citoyenne pour le climat. Le résultat est archi-décevant, mais le succès démocratique est total. On a montré que l’intelligence collective fonctionnait, que le système de tirage au sort pouvait déboucher sur des mesures super pertinentes.
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La crise climatique est souvent vécue comme une réalité anxiogène chez les jeunes, au point de tuer dans l’œuf toute forme d’engagement. Comment sort-on de la posture du « foutu pour foutu » ?
Ce que l’on propose, c’est de passer à l’action pour sublimer son anxiété, de s’aligner avec ses valeurs. S’engager rend heureux car on agit en adéquation avec notre perception du monde, de manière positive. L’action est le principal vecteur de résilience. On parle avec des gens avec qui on partage certaines valeurs, on travaille sur soi, sur notre rapport vis-à-vis de ce qui se joue autour de nous.
Je suis consciente des enjeux, et je sais qu’il y a des choses qui sont perdues de manière irréversible. Aussi, je suis consciente que, si nous ne faisons rien, nous allons droit vers un énorme bordel. Mais il est encore temps. Il est encore temps d’agir pour préparer notre futur, préparer des alternatives que nous pouvons choisir et non pas subir.