L’Ademe vient de publier une étude intitulée « Achats d’occasion : surconsommation ou sobriété ? » qui interroge le rôle de la seconde main dans la transition écologique. Si acheter d’occasion semble indispensable pour viser la sobriété, l’étude montre que dans la moitié des cas, cette pratique cache en réalité une logique de surconsommation.
Le marché de la seconde main s’est débarrassé de son image poussiéreuse invoquant les vide-greniers du dimanche matin. À travers l’essor des friperies et des plateformes en ligne (Vinted, Leboncoin…), l’achat d’occasion entre progressivement dans les habitudes de consommation. La moitié des Français·es achètent aujourd’hui des objets d’occasion plusieurs fois par an, contre seulement un quart en 2009.
Dans une étude publiée en novembre dernier, l’Ademe s’est penchée sur les comportements qui se cachent derrière cette tendance. Menée en partenariat avec l’université Paris Dauphine-PSL et le CREDOC, l’étude se base sur un échantillon de 1500 personnes, représentatif de la société française, pour comprendre si l’engouement autour de la seconde main permet réellement de mener à la sobriété.
Acheter d’occasion, un acte porteur de sobriété
Les chercheur·euses ont constaté que 8 Français·es sur 10 désirent un changement par rapport au modèle de croissance actuelle, et plus de la moitié souhaitent qu’il soit basé sur le réemploi, la réparation et le recyclage. Dans ce contexte, le marché de l’occasion apparaît porteur d’un avenir plus sobre et durable. Acheter d’occasion permet d’éviter la production d’objets neufs tout en donnant une nouvelle vie à ceux déjà existants.
Les mentalités autour des achats de seconde main ont donc beaucoup évolué récemment : plus de 80% des Français·es considèrent qu’on peut désormais « être fier d’acheter d’occasion », et 9 sur 10 estiment que c’est un acte bénéfique pour la planète.
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L’Ademe confirme cette idée en expliquant que la seconde main porte les germes d’une démarche individuelle de consommation plus sobre. Acheter d’occasion exige davantage d’anticipation, de réflexion et de temps, une opportunité pour les consommateurs de s’interroger sur leurs besoins réels. Tahani, 37 ans, interrogée dans le cadre de l’étude, témoigne du rapport différent qu’elle entretient avec les objets de seconde main : « peut-être que je vais plus en prendre soin, parce que je me dis qu’ils ont déjà eu une vie, donc qu’ils sont un peu plus usés ».
Acheter moins cher pour acheter davantage
Toutefois, l’étude aboutit à une conclusion paradoxale : dans plus de la moitié des cas, les achats de seconde main s’inscrivent dans une dynamique de surconsommation. Plus de 86% des personnes interrogées déclarent qu’acheter d’occasion leur permet d’acheter plus d’objets pour moins cher.
C’est devenu une habitude, sans vraiment avoir un besoin, histoire de passer le temps
Le marché de l’occasion ne vient pas toujours remplacer le marché du neuf. Il est parfois « empilé » sur les pratiques de consommation habituelles, conduisant finalement à consommer davantage. Et dans le cas des vêtements, la seconde main constitue l’« arrière-cour de la fast-fashion » : les consommateur·ices hésitent moins à acheter des produits neufs s’ils savent qu’ils peuvent ensuite facilement les revendre.
L’étude montre aussi que les achats d’occasion deviennent parfois une manière de tromper l’ennui. C’est ce que confirment les propos de Jonathan, 35 ans : « On va sur le site et on regarde ensemble, mais en fait, c’est devenu une habitude, sans vraiment avoir un besoin, c’est histoire de passer le temps ». Les plateformes de revente en ligne encouragent les comportements d’« achats impulsifs », fondés sur aucun besoin.
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Pour l’Ademe, ce paradoxe s’explique en partie par l’idéal matérialiste qui reste ancré dans les représentations. Plus de 61% des personnes interrogées estiment qu’elles seraient plus heureuses si elles avaient les moyens d’acheter davantage de choses.
Les auteur·ices de l’étude en concluent que le même geste – acheter d’occasion – recouvre des pratiques très différentes. Les achats de seconde main peuvent être motivés par la nécessité, par l’envie de consommer davantage, ou encore par le choix de la sobriété volontaire. À partir de ces constats, l’étude établit différentes catégories de consommateur·ices en fonction de leur rapport à la consommation. L’objectif est de pouvoir « nuancer les messages d’encouragement à l’achat d’occasion » en fonction de chaque groupe pour continuer à promouvoir le recours de la seconde main… tout en évitant la surconsommation.
Pour en savoir plus, parcourez le rapport sur le site de l’Ademe.