À l’occasion du Festival d’Angoulême qui s’ouvre cette semaine, Pioche! revient sur une année 2023 riche en bandes dessinées engagées. Miyazaki, SF, nouveaux récits féministes, paysages à couper le souffle… Voici sept albums à découvrir au plus vite chez votre libraire indépendant préféré.
Ce n’est plus à démontrer : le duo écologie-BD fonctionne à merveille. En 2022, le livre le plus vendu en France était l’incontournable Un monde sans fin de Jean-Marc Jancovici et Christophe Blain, vulgarisant en image les enjeux énergétiques et climatiques. Les albums écolo ont même leurs propres cérémonies avec l’éco-fauve RAJA du Festival d’Angoulême, le Prix Tournesol ou le prix BD du festival Cabaret Vert.
Cette année encore, le neuvième art a amené les enjeux écologiques sur les tables de libraire. Une dystopie de science-fiction, un conte poétique de Miyazaki, un biopic historique… Focus sur sept bandes dessinées écolos qui ont marqué 2023.
Frontier – Guillaume Singelin, Éditions Rue de Sèvres
Quitter une terre polluée pour aller explorer l’espace. C’est l’obsession des trois héros·ïnes de Frontier, la nouvelle BD de science-fiction signée Guillaume Singelin (Doggybags, PTSD). L’album nous embarque dans les aventures d’une scientifique, d’une mercenaire et d’un ouvrier qui tentent de réaliser leurs nobles quêtes dans un monde spatial sans foi ni loi, où l’argent est roi. Un beau volume de 200 pages qui raconte, en creux, les excès de notre époque, sans jamais fermer la porte à l’utopie.
À lire aussi : Fatima Ouassak : « Je puise dans One Piece l’imaginaire d’une écologie véritablement populaire »
Au cœur des solitudes – Lomig, Éditions Sarbacane
Cet album en noir et blanc nous plonge dans la jeunesse de John Muir, l’un des premiers penseurs écologistes considéré comme le père des parcs nationaux aux États-Unis. On y voit le jeune John parcourir son pays à pied, de l’Indiana à la Floride, à la découverte d’une nature sauvage, mise à mal par les exploitations coloniales et les premières heures de la révolution industrielle.
Le tout avec un bagage qui contribuera à sa légende : « une carte, une boussole, une presse à plantes… une gourde, une gamelle… du pain, de la farine, du thé et trois livres, un volume de poésie de Burns, le paradis perdu de Milton et un Nouveau Testament ». Une œuvre faite de silence et de contemplation.
La brute et le divin – Léonard Chemineau, Éditions Rue de Sèvres
Eva, ingénieure d’une trentaine d’années, s’installe sur une petite île du Pacifique Sud avec une seule mission : réparer une station météorologique. Loin de tout, seule avec sa chienne, elle découvre les réalités d’une vie en autarcie, à 4 000 km du premier continent. Elle s’émerveille des fonds marins et de la nature luxuriante qui l’entoure, faisant naître les premiers doutes : peut-on vraiment vivre seul·e ? Un tel endroit peut-il rester préservé de la convoitise humaine pour toujours ? Jusqu’où aller pour le protéger ?
Léonard Chemineau (Le travailleur de la nuit, Edmond) offre ici un thriller écologique intense, porté par un dessin expressif et haut en couleur qui transforme l’environnement naturel en véritable personnage.
Le grand je – Rachel Deville, Éditions Atrabile
Comment on fait quand on a trois têtes et que l’on vit au milieu d’un peuple sans jambe, sans bras ou sans tronc ? À partir de cette question que personne ne se pose, Rachel Deville nous emmène à la rencontre de Gus, ouvrier au physique atypique dans une usine à la cadence intenable. Tourmenté et malheureux, il démissionne un jour par un coup d’éclat et se retrouve accusé de sabotage. « Une belle ode à la désobéissance et à l’insoumission qui fait se marier de façon insolite psychanalyse et lutte des classes » résume Atrabile, sa maison d’édition.
Loire – Étienne Davodeau, Futuropolis
On ne le présente plus. Après avoir traversé la France à pied pour réfléchir aux conséquences de l’enfouissement des déchets nucléaires (Le droit du sol), passé une année dans la ruralité angevine (Rural !) et une autre aux côtés d’un vigneron (Les ignorants), Étienne Davodeau est de retour avec un nouvel album qui célèbre la Loire.
Il y dessine Louis, vieil homme venu sur les bords du fleuve pour retrouver un amour de jeunesse qui lui a donné rendez-vous. À partir d’une histoire accrochante, faite de personnages touchants et de nostalgie, Davodeau raconte le fleuve comme lieu de vie, de poésie et d’émerveillement.
À lire aussi : Art et crise climatique : quand l’art contemporain imagine le futur de l’anthropocène
L’œil de la gorgone – Maedusa, Éditions Leduc Graphic
Dans L’œil de la Gorgone, Noémie Fachan aka Maedusa s’attaque à la mythologie pour brosser le nouveau portrait de 22 figures féminines et queer. Elle s’intéresse à des figures méconnues et dépoussière les grands mythes au cœur de notre imaginaire collectif, pour décortiquer les ressorts du male gaze (regard masculin) et redonner une voix à ces héroïnes d’un autre temps. L’occasion aussi de parler de consentement, de désir féminin ou d’éco-féminisme.
Le voyage de Shuna – Hayao Miyazaki, Éditions Sarbacane
Dans ce conte illustré, Hayao Miyazaki narre l’aventure du jeune prince Shuna parti à l’Ouest en quête d’une graine miraculeuse capable d’éloigner son peuple de la faim. L’épopée est jalonnée de rencontres, de mystères et d’esprits qui nous parlent, au choix, de transmission, de passage à l’âge adulte ou d’harmonie entre nature et humains. Le tout dans des paysages d’aquarelle réconfortants. Quarante ans après sa publication, la poésie de cet album n’a pas pris une ride et contient tout ce qui nous fait rêver dans les films du maître de l’animation japonais.