La coupe du monde qui a lieu en ce moment au Qatar donne l’impression que football et écologie ne font pas nécessairement bon ménage. Benjamin Adler, de Game Earth, dresse cependant le portrait d’un secteur qui pourrait devenir moteur en termes de transition écologique, avec un peu de volonté et de moyens.
Est-ce que l’on peut encore sauver le football ? Il y a de quoi se poser la question lorsque l’on voit à quel point la Coupe du monde qui se tient en ce moment au Qatar coche toutes les cases des événements pharaoniques déconnectés de l’urgence écologique. Alors que les organisateurs annonçaient que la compétition serait neutre en carbone, l’entreprise Greenly a de son côté calculé que les émissions de CO2 tutoieraient plutôt les 6 millions de tonnes. Une opération de greenwashing, donc, en plus d’un désastre pour le climat.
Loin de ce tableau noir, de nombreuses initiatives pour verdir le sport collectif le plus pratique au monde se développent, et gagnent du terrain. Les Forest Green Rovers, qui évoluent en troisième division professionnelle anglaise, assument leur engagement écolo en proposant des repas 100% végétariens, en traitant sa pelouse sans désherbant et en produisant sa propre électricité de manière, à l’aide de panneaux solaires et d’éoliennes. Le club a atteint la neutralité carbone à partir de 2021.
De notre côté de la Manche, Game Earth participe à ce mouvement. Cette structure accompagne les acteurs du sport, professionnels comme amateurs, dans leur transition écologique. Elle a notamment participé à la création de l’outil Mon Match Carbone, un simulateur de bilan carbone permettant aux sportifs de calculer leur bilan carbone. Son président, Benjamin Adler, a accepté de répondre à nos questions sur le chemin parcouru par le football pour devenir plus écolo, mais aussi sur les obstacles qu’il reste à parcourir.
Est-ce que le foot, de manière générale, est si en retard que cela sur la prise en compte de l’écologie ?
Benjamin Adler : Le football est loin d’être l’une des pires industries en ce qui concerne l’adaptation à l’écologie. Si on le compare avec d’autres disciplines, l’écart n’est pas si important. Mais le football est sous les projecteurs, et il se retrouve très souvent mis en avant lorsque l’on évoque le sport en général. Cela nourrit nécessairement beaucoup d’attentes, qu’il faut savoir combler, ce que le football n’arrive pas toujours à faire.
Comment l’expliquez-vous ?
L’une des principales raisons est l’absence de pression de la part des spectateurs et des consommateurs. Ce sont les principaux acteurs qui font vivre le football, autant en terme économique que d’image. Si l’on n’oblige pas les clubs professionnels à aller vers des pratiques plus vertes, il n’y a pas de raison qu’ils agissent dans ce sens. C’est à ce niveau-là qu’il serait le plus simple d’impulser un changement. Si les sponsors mettaient en place un cahier des charges plus exigent en terme de respect de l’environnement, cela pourrait débloquer la situation.
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L’engagement écologique nécessite également une vision à long terme. Elle est souvent difficilement compatible avec le fonctionnement des clubs. Ces derniers vivent principalement des recettes issues des résultats sportifs, qui sont par définition incertains. Dans le sport, le court-termisme économique et les performances sont la norme. Enfin, les sportifs ont une culture de l’engagement qui les pousse naturellement à se diriger vers les actions sociales, plutôt qu’environnementales.
Faites-vous le même constat au niveau amateur, et si tel est le cas, quelles seraient les solutions ?
Dans le cadre du travail que nous réalisons avec Game Earth, nous avons pu rencontrer de nombreux présidents de clubs amateurs dans de nombreuses régions françaises. Nous avons constaté une compréhension importante de la question écologique chez les présidents, qui allait de pair avec une volonté de changement. Mais les budgets ne suivent pas. Ce n’est pas la norme d’avoir un responsable RSE (responsabilité sociale des entreprises) dans les clubs professionnels, alors ce n’est certainement pas le cas dans les clubs amateurs !
Je ne suis pas forcément partisan d’imposer des réglementations aux clubs amateurs afin qu’ils verdissent leur activité. Ils ne pourraient tout simplement pas s’équiper en conséquence. Dans l’idée, il faudrait plutôt que les instances et l’État les accompagnent. Ces structures ne demandent qu’à devenir des acteurs de pointe en termes d’éducation à l’écocitoyenneté.