Grain de Sail produit du café et du chocolat bio à Morlaix. Pour s’approvisionner en matière première, l’entreprise dispose depuis 2020 de son propre cargo à voile. Un mode de transport qu’elle veut réhabiliter, en montrant à son échelle qu’une alternative crédible au fret de grande ampleur existe.
Depuis 2020, date de sa mise à l’eau, le navire cargo de Grain de Sail enchaîne les transatlantiques, les cales chargées de chocolat et de cacao. Une forme de consécration pour les jumeaux Jacques et Olivier Barreau, qui ont créé l’entreprise en 2013 avec cet objectif en tête. La société basée à Morlaix, dans le Finistère vend des tablettes de chocolat et torréfie du café certifié bio. Une façon de financer ce projet de cargo à voile.
Le transport maritime de marchandises compte en effet pour 3,1% des émissions annuelles de gaz à effet de serre, pour un total de 139 millions de tonnes de Co2. C’est l’équivalent des émissions annuelles de 11 millions de français. Le directeur marketing de Grain de Sail, Stefan Gallard, sera présent à La P’art Belle, à Sarzeau, le 3 et 4 septembre prochain pour une conférence, organisée par Pioche!, sur le transport maritime à la voile.
À ses côtés, les représentants d’Iliens et Sailcoop, deux jeunes sociétés qui réalisent des liaisons maritimes à la voile en Bretagne et en Corse, ainsi que de Héole, qui conçoit un modèle prometteur de voile photovoltaïque. En amont du festival, Stefan Gallard revient sur les défis que représentent la voile pour s’imposer comme mode de transport alternatif.
Le navire cargo Grain de Sail vient de terminer son 4ème aller retour entre l’Europe et l’Amérique. À quoi ressemble ce voilier, et comment se passe cette traversée de l’océan Atlantique?
Stefan Gallard : On est loin des périples des vieux gréements d’antan. C’est un navire à voile qui mesure 24 mètres, qui peut contenir jusqu’à 50 tonnes de marchandises, soit l’équivalent de deux conteneurs. Il accueille quatre marins professionnels, qui se relaient pour être présents 24h/24 sur le pont. C’est un bateau moderne, qui respecte les normes d’expédition internationales. Il contient tous les équipements électroniques de direction, ainsi qu’un moteur auxiliaire qui sert essentiellement aux manœuvres dans les ports.
À lire aussi : Le voilier-cargo de Grain de Sail termine sa première transatlantique avec 33 tonnes de cacao dans ses cales
Nous partons de Morlaix, ou nous chargeons des marchandises destinées à l’export, le plus souvent du vin, pour arriver à New York et remplir les cales de cacao et de café. Le voyage dure environ 25 jours, mais le fait d’être propulsé par les éléments induit des écarts de durée pouvant aller jusqu’à 3 ou 4 jours selon les traversées. C’est un trajet qui force à la lenteur.
Cette lenteur induit forcément des coûts supplémentaires. En tant que petite entreprise d’une trentaine de salariés, comment faites vous pour garantir la viabilité économique de ces voyages ?
Stefan Gallard : Nous avons réussi à nous déconnecter des pressions économiques en mobilisant nos clients. Nous assumons de vendre nos produits un peu plus chers pour financer un transport plus éthique et durable. Le surcoût est de 10 à 13 centimes par tablette de chocolat. Même avant la mise à l’eau de notre navire cargo, cette petite somme nous permettait de financer sa construction. Il faut l’expliquer au consommateur, et communiquer à ce sujet, afin que les personnes soient informées de la valeur de leur choix.
La voile pousse donc à repenser en profondeur le modèle du transport maritime…
Stefan Gallard : Tout à fait. Pour des raisons techniques, il est quasi impossible de créer des navires propulsés par le vent rivalisant en taille avec les porte-conteneurs classiques. Les ingénieurs avec lesquels nous travaillons estiment qu’il est difficile de dépasser les 70 mètres pour un navire de commerce propulsé seulement par la voile.
À lire aussi : En Bretagne, le festival participatif et éco-citoyen La P’Art Belle met l’océan à l’honneur
Nous sommes en train de concevoir un second cargo, avec une capacité de 16 conteneurs. Les plus gros navires peuvent en contenir jusqu’à 3 000… Il faut donc transporter mieux et moins. On ne peut pas faire pousser de cacaoyers en France métropolitaine, tout comme le vin français est unique à notre terroir. C’est ce genre de produits qu’il faut privilégier dans les échanges.
En 2013, lorsque vous aviez présenté votre projet, on vous considérait comme des précurseurs. Où en est le transport maritime à la voile quasiment dix ans après ?
Stefan Gallard : Nous ressentons une accélération. De nombreux projets sont en passe de voir le jour. Je pense par exemple au navire hybride de Zéphyr et Borée, qui devrait mesurer plus de 120 mètres, avec une propulsion classique et une voile. On peut également citer Néoline. Toute une filière est en train de se créer, rassemblée au sein de l’association Wingship. Nous avons toujours un peu de mal à nous faire entendre des pouvoirs publics. Le transport sera l’un des nerfs de la guerre de la transition écologique, et il faudra à terme pénaliser ceux polluent, et favoriser ceux qui ne polluent pas.
Cela devra passer par des critères objectifs. On peut imaginer d’afficher le bilan carbone global accessible pour chaque produit. Cela permettrait au consommateur de connaitre l’impact réel de ses achats sur l’environnement.
Stefan Gallard sera l’invité du festival breton La P’Art Belle – les 3 et 4 septembre à Sarzeau (56). Au sein d’une riche programmation de concerts, spectacles, lectures ou exposition dédiés à l’océan, plusieurs tables-rondes invitent entre autres l’activiste Claire Nouvian, fondatrice de l’association Bloom, ou le navigateur Yvan Bourgnon, co-fondateur de The SeaCleaners.
Toute la programmation et réservations sur le site du festival.