Longtemps mauvaise élève des politiques vélo, Montpellier est devenue en quelques années l’une des villes les plus dynamiques en la matière. Cyclistes, ateliers de réparation et autres aménagements cyclables y sont plus nombreux chaque mois. Un mouvement hérité d’une mobilisation sans failles de l’association Vélocité, mêlant opérations chocs et conseils avisés aux élu·es pour placer la petite reine au cœur des débats.
En conclusion du 2030 Festival de Montpellier, Vélocité organise sa grande vélo-parade festive annuelle le 13 octobre 2024, avec DJ set embarqué et grand rassemblement à l’arrivée, en partenariat avec Diffuz, le réseau des actions bénévoles de la Macif. Plus d’informations ici.
En octobre 2018, Philippe Saurel, alors maire de Montpellier et président de la Métropole, inaugure une nouvelle route au sud de l’agglomération. Lorsqu’un journaliste l’interpelle sur l’absence de pistes cyclables, l’élu local réplique d’un ton agacé : « faire une infrastructure pour qu’elle soit utilisée par deux personnes, ce n’est peut-être pas l’idéal ».
Les réactions des cyclistes montpelliérain·es ne se font pas attendre. Sur Twitter, le hashtag #JeSuisUnDesDeux prend de l’ampleur, et quelques jours plus tard, 1200 vélos défilent dans les rues de la ville pour « faire savoir qu’ils font partie des deux cyclistes qui aimeraient rouler en sécurité ». Une première dans l’histoire de Montpellier, qui donne le coup d’envoi d’une dynamique citoyenne autour du vélo. Encore aujourd’hui, un œil aiguisé peut apercevoir l’autocollant jaune et noir #JeSuisUnDesDeux sur certains vélos en ville.
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Près de cinq ans plus tard, la métropole de Montpellier compte plus de 160 kilomètres de pistes cyclables, dont certaines dépassent régulièrement les 2 500 usager·es par jour et le maire de la ville, élu en 2020, Michaël Delafosse, se définit comme « cycliste » sur son compte Twitter. En février 2022, le Baromètre des Villes Cyclables élisait même Montpellier comme la grande ville de France où l’amélioration du réseau cyclable se fait le plus rapidement.
Un électrochoc nécessaire
Derrière cette mobilisation citoyenne, on retrouve l’association Vélocité Montpellier qui s’est progressivement imposée comme un acteur incontournable du territoire. Les propos de Philippe Saurel ont provoqué un « électrochoc citoyen », offrant indirectement un second souffle à cette structure née en 1991 et dépendante de la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB).
Depuis, Vélocité Montpellier se démarque par son dynamisme et sa créativité pour promouvoir l’usage du vélo en ville et gagner la « bataille de l’opinion ». Création de fausses pistes cyclables, débat citoyen à l’occasion des élections municipales, mise en place de vélobus scolaires, organisation de conférences, vélo-parades… Tous les moyens sont bons, et l’association est présentée comme une « source de fierté et d’inspiration à l’échelle nationale » par le Président de la FUB Olivier Schneider.
Exemple flagrant, en mars 2019, une marche pour le climat réunit plus de 10 000 personnes dans les rues de la ville, et à l’initiative de Vélocité, des centaines de vélos s’installent sur l’avenue de Toulouse, un axe routier principal du centre-ville sans aménagements cyclables. « Deux jours après, on est dans le bureau du Président de la Métropole », raconte Nicolas Lemoigne, président de Vélocité. Et moins d’un an plus tard, deux des quatre voies sont aménagées pour les cyclistes et les piéton·nes.
On veut simplement des rues faites pour les gens
Militer pour un véritable « système vélo »
Aujourd’hui forte d’un millier d’adhérent·es, Vélocité Montpellier se défend d’être une association corporatiste qui ne défendrait que les cyclistes. « On se mobilise pour un partage plus juste de l’espace public », soutient Hélène Fourot-Quillaud, bénévole depuis 2005. « On veut simplement des rues faites pour les gens. »
« Parce qu’au-delà d’être un moyen de mobilité formidable – le plus rapide en ville – le vélo bénéficie à tous·tes. Il prend peu de place, permet de réduire la pollution et le bruit, crée du lien social et favorise les commerces de proximité », poursuit Nicolas Lemoigne, en s’appuyant sur une étude de l’ADEME qui présente les cyclistes comme plus enclin·es que les automobilistes à consommer dans les centre-villes.
Mais loin de se limiter à quelques pistes cyclables, Vélocité Montpellier milite en faveur d’un véritable « système vélo » capable d’intégrer tous·tes les citoyen·nes. En s’appuyant sur ce concept de l’économiste Frédéric Héran, l’association insiste sur l’importance de développer un grand réseau lisible et continu, sans délaisser tous les à-côtés qui permettent l’usage du vélo : lieux de stationnement, ateliers de réparation, complémentarité avec le train, vélo-écoles…
Car si elle connaît un regain de popularité chez les cadres et professions intermédiaires, la petite reine continue de reculer chez les ouvrier·es et les employé·es. Ainsi, une étude commandée par le Ministère de l’économie évoque une « fracture sociale » autour du vélo, intimement liée à la relégation des classes populaires hors des centre-villes, là où les distances domicile-travail sont plus longues et la pratique du vélo moins commode.
Quand on débarque en réunion, nos interlocuteurs sont parfois déstabilisés qu’on soit au même niveau, voire au-dessus d’eux
C’est ce qui a encouragé Vélocité à mener un plaidoyer pour la construction d’un « Réseau Express Vélo » incluant les zones péri-urbaines, et pour la mise en place d’aide à l’achat de vélos à assistance électrique (VAE) plus adaptés aux longues distances. Deux mesures proposées et votées depuis par les élu·es métropolitain·es.
Une expertise citoyenne indispensable
Au fil des années, les bénévoles de l’association se sont forgé une solide expertise. À travers une organisation toute professionnelle, ils et elles se forment, collectent des données et cartographient méthodiquement le territoire. Une application mobile, Vigilo, a même été développée pour recenser les points noirs cyclables sur le territoire. « Quand on débarque en réunion, nos interlocuteur·ices sont parfois déstabilisé·es qu’on soit au même niveau, voire au-dessus d’eux » témoigne Nicolas Lemoigne qui déplore des lacunes de formation des élu·es sur le sujet. « On n’est pas là pour serrer des pinces et manger des petits fours » conclut-il amusé.
Et cette expertise d’usage intéresse les pouvoirs publics. Car contrairement aux projets routiers, au métro ou au tramway, le vélo s’appuie principalement sur une « politique de la rue », ascendante, tâtonnante et dépendante du vécu des usager·ères. C’est ce qui explique qu’au niveau national, le ministère des transports ait « confié le guidon de sa politique cyclable » à la FUB. La fédération a par exemple été à l’origine de l’opération « coup de pouce vélo » en 2020, une aide à la réparation de 50€. « Mais on reste un poil à gratter, vite oublié lorsque d’autres intérêts apparaissent », tempère Nicolas Lemoigne.
Vers le vélo pour tous ?
Côté usager·es, les craintes persistent, particulièrement autour de la sécurité. « En plus des infrastructures adaptées, c’est le nombre qui permet de protéger les cyclistes, de les rendre plus visibles », explique Hélène Fourot-Quillaud. En témoignent les statistiques d’accidents en ville qui progressent deux fois moins rapidement que la pratique du vélo (respectivement 16% et 34% à l’échelle nationale).
C’est le nombre qui permet de protéger les cyclistes, de les rendre plus visibles
Autre frein identifié : l’imaginaire collectif. Longtemps associée aux classes populaires et opposée au prestige social de la voiture individuelle, la petite reine peine parfois à se défaire de son image ringarde et contraignante propagée par l’industrie automobile à partir des années 1950.
Vélocité travaille alors directement auprès des citoyen·nes pour les encourager à se (re)mettre en selle, pour les sensibiliser à la sécurité (éclairage, code de la route…) et les conseiller sur leurs itinéraires quotidiens. « Car la plupart du temps, quand les gens essayent le vélo, ils l’adoptent » se félicite Nicolas Lemoigne. Alors que la démocratisation du vélo favorise la sécurité des cyclistes et met la pression sur les pouvoirs publics locaux, un cercle vertueux apparaît et encourage Vélocité à rêver d’un autre Montpellier, plus cyclable, à l’image de Copenhague où plus de la moitié des déplacements se font à coup de pédale.
Rendez-vous le dimanche 13 octobre dans les rues de Montpellier
Originellement prévue le dimanche 22 septembre 2024, mais décalée au 13 octobre en raison de la météo, Vélocité prévoit une grande vélo-parade du cœur de Montpellier à l’un de ses axes périphériques, en conclusion du 2030 Festival co-organisé par Pioche!, l’agence Patte Blanche, AMD Agency, et de nombreux acteurs engagés de la ville. Dans une ambiance familiale, les cyclistes seront invité·es à s’approprier les rues, à se rencontrer et à danser au rythme d’un set d’un DJ local, sonorisé par le soundsystem solaire et mobile Pikip Solar Speaker.
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Aligné avec la volonté du festival – transformer la ville et ses habitant·es à l’horizon 2030 –, le parcours de la vélo-parade mettra en valeur les progrès obtenus par la mobilisation citoyenne, et ira explorer du côté des routes que Vélocité aimerait voir cyclables dans un futur proche. Au cœur d’une masse de cyclistes lâchée sur des axes habituellement dédiés aux voitures, les participant·es profiteront, le temps d’une matinée, du Montpellier idéal de l’association. « On va montrer qu’on a besoin du vélo pour la ville de demain, et qu’on peut faire rêver autour de ça », conclut Hélène Fourot-Quillaud.
Retrouvez plus d’informations à propos de l’association Vélocité sur leur site internet et leurs réseaux. Et rendez-vous le dimanche 13 octobre à 14h pour la grande vélo-parade du 2030 Festival, organisée en partenariat avec Diffuz, initiative Macif. Toutes les informations sous ce lien.
Au programme :
13h à 14h30 : nombreuses convergence depuis les communes de l’aire urbaine pour rallier Montpellier
14h30 : Rendez-vous à l’Esplanade Charles de Gaulle à Montpellier
14h30 à 16h30 : Manifestative Tous à Vélo dans la ville de Montpellier
16h30 à 18h30 : Arrivée et closing du 2030 avec DJ set des Mixeuses Solidaires (Sin’Dee)
A l’arrivée seront prévu des stands de restauration. Événement gratuit.