À travers ses créations, l’artiste plasticien Johnny Lebigot nous invite à la rêverie et au voyage dans des univers enchantés qui redonnent vie à la nature morte. Dans le cadre du festival des Tombées de la Nuit, du 5 au 9 juillet, il investira l’Hôtel Pasteur de Rennes avec son installation Quand ça ne finit jamais où ça commence. Discussion avec ce « manipulateur de mondes ».
D’un bar de quartier parisien au luxueux Hôtel de Soubise, en passant par les planches du théâtre, Johnny Lebigot transporte partout avec lui un monde sauvage, en équilibre, aux frontières de l’enchantement. L’artiste plasticien part de matériaux naturels – fleurs, plumes, pierres, bois, champignons, coquillages – pour créer des structures pleines de détails et de poésie. Ses installations évoquent autant des paysages, que des contes ou des cabinets de curiosité, laissant toujours au spectateur la liberté de plonger dans ces mondes en suspension.
Malgré ses 20 années passées à Paris, où il a codirigé le théâtre de L’échangeur à Bagnolet, son travail reste profondément inspiré des paysages de son enfance passée dans un petit village de la baie du Mont Saint Michel. C’est dans ce « bocage un peu boueux » qu’il collecte ses premières matières naturelles qui formeront plus tard la base de ses installations. Séchés, découpés et assemblés selon des protocoles rigoureux, les fruits de ses « cueillettes » connaissent une seconde vie dans des installations minutieusement adaptées à leur lieu d’exposition.

À l’occasion du festival des Tombées de la Nuit, du 5 au 9 juillet à Rennes, Johnny Lebigot s’installera dans l’Hôtel Pasteur. Il présentera Quand ça ne finit jamais où ça commence, une œuvre inédite oscillant entre installation, sculpture et performance.
Comment envisagez-vous cette installation que vous présenterez à Rennes ?
« J’aime travaille à partir de matières plutôt rebuts, à côté desquelles on pourrait passer »
Johnny Lebigot : J’ai hâte de retourner à Rennes, j’ai une relation presque charnelle avec la Bretagne. Avec le festival des Tombées de la Nuit, je vais investir l’accueil de l’Hôtel Pasteur, au pied du grand escalier de la réception. Je vais créer une sorte de petit théâtre dans un coin, et à partir de là, je vais gagner les étages, jusqu’à former un ciel en suspension. L’installation sera composée de matières naturelles issues de mes collectes, et enrichie d’éléments pris directement sur place, à Rennes. Ma mère est aussi impliquée, elle apportera des choses de son jardin en Normandie, comme des roses trémières qui sont une de mes signatures. Et le tout sera installé en présence des visiteur·euses.
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J’aime travailler à partir de matières qui ne sont pas forcément des matières nobles, des matières plutôt rebuts, à côté desquelles on pourrait passer. Je les ramasse au fil de mes déplacements, car toutes les matières naturelles peuvent devenir des matériaux de création. Et elles peuvent autant être utilisées pour elles-mêmes, leur couleur, leur texture, que pour reconstituer des scènes et des histoires. Par exemple, j’aime beaucoup reconstituer des nefs, ces embarcations qui rappellent toute la symbolique de l’exploration, du départ, de l’ouverture par la mer.
Je n’utilise pas de colle, ni de laque pour rester vraiment proche du naturel. Mes œuvres évoluent en fonction de la chaleur ou de l’humidité de l’air. C’est une manière d’apporter de la fragilité et du mouvement au-delà de la mort des matières utilisées. J’aime aussi beaucoup brouiller les frontières entre le végétal, l’animal et le minéral. C’est ce que j’appelle « la confusion des règnes ».
Qu’est-ce qui vous pousse à utiliser des matériaux naturels pour créer vos installations ?
« Dans la collecte, il y a une part de l’enfance qui ressort, avec toute la rêverie qui l’accompagne »
Johnny Lebigot : Collecter des fleurs, des pierres ou de l’écorce au fil des promenades est d’abord une manière de se relier au vivant, de porter l’attention sur le naturel. En créant des œuvres à partir de mes cueillettes, j’interroge le frottement entre le naturel et l’artificiel. Avec cette interrogation centrale : existe-t-il encore des espaces naturels ? Car tous les paysages, toutes les forêts laissent apparaître la trace de la main de l’homme. Dans ce contexte, l’art relève de la réparation, du soin porté à soi, aux autres, et à la nature.
La matière naturelle permet aussi de toucher des gens de toutes les cultures, de tous les âges, de toutes les couches sociales. Dans la collecte, il y a une part de l’enfance qui ressort, avec toute la rêverie qui l’accompagne. Il arrive souvent, au fil des expositions, que l’on m’apporte des objets ramassés. Pour beaucoup, les promenades en nature ont été les premiers voyages. C’est aussi mon cas. Sur les côtes de la Manche, il y a beaucoup de plantes exotiques et je peux dire que c’est le premier ailleurs que j’ai rencontré.

Pourquoi porter une attention particulière aux lieux qui accueillent vos installations ?
« Être acteur.rice d’une œuvre passe aussi par la contemplation du micro-détail et par l’imagination »
Johnny Lebigot : Il est très important pour moi de m’inscrire pleinement dans les lieux dans lesquels je travaille. Je ne suis surtout pas là pour cacher le décor. Que ce soit dans les hôtels somptueux, dans les lieux historiques ou dans les bars de quartiers, j’essaye à chaque fois de trouver une manière discrète de mettre l’architecture, les meubles ou l’histoire des lieux en valeur. À Rennes, l’Hôtel Pasteur est une ancienne faculté des sciences. Cela fait notamment écho à la partie scientifique des cabinets de curiosité du XVIIIe siècle qui inspirent beaucoup mes créations. Le bâtiment accueille aussi une école maternelle et il est prévu que je travaille avec une classe pour laisser libre cours à la créativité des enfants, et puis essayer d’apprendre de cette liberté-là.
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J’aime aussi beaucoup m’installer dans l’espace public, dans des espaces non-dédiés. Je veux m’adresser à tout le monde, autant aux passant·es qu’aux spécialistes d’art contemporain, et transformer les spectateur·ices en acteur·ices de mes œuvres. Ça passe par des manipulations qui les mettent dans une position de marionnettistes. Mais être acteur·ice d’une œuvre passe aussi par la contemplation du micro-détail ou par l’imagination qui permettent à chacun·e de s’approprier mon travail.
Rendez-vous à Rennes du 5 au 9 Juillet et retrouvez toute la programmation sur le site des Tombées De La Nuit.