De plus en plus d’écrivain·es se saisissent des enjeux environnementaux, portant une approche plus artistique et intime de l’écologie. Depuis six ans, le Prix du roman d’écologie s’attache à mettre en avant la diversité et la richesse de ces propositions littéraires. Alors pour de bons conseils lectures, découvrez les six romans en lice pour le Prix 2023.
« Le roman d’écologie donne à voir la condition humaine et son enchevêtrement avec le monde qui l’entoure sous un jour nouveau, avec d’autres horizons. » Créé en 2018, le Prix du roman d’écologie récompense chaque année un livre qui mêle habilement littérature et écologie. Éco-fictions, éco-thrillers, dystopies, récits biographiques, arpentage de paysages… Le spectre des ouvrages concerné est large, laissant le champ libre à la créativité des auteur·ices.
L’année dernière, le Prix avait été décerné au jeune auteur québécois Antoine Desjardins pour son livre Indices des feux publié chez La Peuplade. Le jury de cette édition rassemble des écrivains, journalistes, activistes, universitaires et étudiants de tous les horizons, présidés par l’écrivain Alexis Jenni. Le prix sera remis le 20 avril prochain au Mob Hôtel (Saint-Ouen), parmi six ouvrages nominés. Une sélection qui témoigne de « la vivacité (et de l’urgence !) d’un combat dont s’emparent les écrivains, plume au poing ».
Partout le feu d’Hélène Laurain (Verdier)
Laetitia est née trois minutes avant sa sœur jumelle Margaux et trente-sept minutes avant
l’explosion de Tchernobyl. Malgré des études dans une grande école de commerce, elle grenouille au Snowhall de Thermes-les-Bains, au désespoir de ses parents. Elle vit à La Cave où elle écoute Nick Cave, obsédée par les SUV et la catastrophe climatique en cours. Il faut dire que Laetitia vit en Lorraine où l’État, n’ayant désormais plus de colonie à saccager, a décidé d’enfouir tous les déchets radioactifs de France. Alors avec sa bande, Taupe, Fauteur,France. Alors avec sa bande, Taupe, Fauteur, Thelma, Dédé, elle mène une première action spectaculaire qui n’est qu’un préambule au grand incendie final.
Dans ce premier roman haletant où l’oralité tient lieu de ponctuation, Hélène Laurain, née à Metz en 1988, nous immerge au cœur incandescent des activismes contemporains.
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Un chien à ma table de Claudie Hunzinger (Grasset)
Un soir, une jeune chienne, traînant une sale histoire avec sa chaîne brisée, surgit à la porte d’un vieux couple : Sophie, romancière, qui aime la nature et les marches en forêt et son compagnon Grieg, déjà sorti du monde, dormant le jour et lisant la nuit, survivant grâce à la littérature. D’où vient cette bête blessée ? Qu’a-t-elle vécu ? Est-on à sa poursuite ?
Son irruption va transformer la vieillesse du monde, celle d’un couple, celle d’une femme, en ode à la vie, nous montrant qu’un autre chemin est possible. Un chien à ma table relie le féminin révolté et la nature saccagée : si notre époque inquiétante semble menacer notre avenir et celui des livres, les poètes des temps de détresse sauvent ce qu’il nous reste d’humanité.
Le dernier des siens de Sybille Grimbert (Éditions Anne Carrière)
1835. Gus, un jeune zoologiste, est envoyé par le musée d’histoire naturelle de Lille pour étudier la faune du nord de l’Europe. Lors d’une traversée, il assiste au massacre d’une colonie de grands pingouins et sauve l’un d’eux. Il le ramène chez lui aux Orcades et le nomme Prosp. Sans le savoir, Gus vient de récupérer le dernier spécimen sur terre de l’oiseau. Une relation bouleversante s’instaure entre l’homme et l’animal. La curiosité du chercheur et la méfiance du pingouin vont bientôt se muer en un attachement profond et réciproque.
Au cours des quinze années suivantes, Gus et Prosp vont voyager des îles Féroé vers le Danemark. Gus prend progressivement conscience qu’il est peut-être le témoin d’une chose inconcevable à l’époque : l’extinction d’une espèce. Alors qu’il a fondé une famille, il devient obsédé par le destin de son ami à plumes, au détriment de tout le reste. Mais il vit une expérience unique, à la portée métaphysique troublante : qu’est-ce que veut dire aimer ce qui ne sera plus jamais ?
L’inventeur de Miguel Bonnefoy (Rivages)
Voici l’extraordinaire destin d’Augustin Mouchot, fils de serrurier, professeur de mathématiques, qui, au milieu du XIXe siècle, découvre l’énergie solaire. La machine qu’il construit, surnommée Octave, finit par séduire Napoléon III. Présentée plus tard à l’Exposition universelle de Paris en 1878, elle parviendra pour la première fois, entre autres prodiges, à fabriquer un bloc de glace par la seule force du soleil.
Mais l’avènement de l’ère du charbon ruine le projet de Mouchot que l’on juge trop coûteux. Dans un ultime élan, il tentera de faire revivre le feu de son invention en faisant « fleurir le désert » sous le soleil d’Algérie. Avec la verve savoureuse qu’on lui connaît, Miguel Bonnefoy livre dans ce roman l’éblouissant portrait d’un génie oublié.
Peines des faunes d’Annie Lulu (Julliard)
Ce livre nous plonge dans la vie quotidienne d’une famille tanzanienne en 1986. Rébecca élève huit enfants. Sa fille aînée, Maggie, rêve d’étudier à l’université. Mais Rébecca entre en lutte contre une compagnie pétrolière sur le point d’exproprier les habitants de son village natal. Son départ précipité fait brutalement basculer le destin de Maggie et pose la première pierre d’une tragédie familiale s’étirant sur cinq générations.
De la Tanzanie des années quatre-vingt à l’Ecosse contemporaine, Peine des Faunes est une ode poétique à la fragilité de la condition humaine et un urgent plaidoyer pour le vivant. Tissant ensemble les thématiques féministe et environnementale, Annie Lulu brosse une galerie de portraits de femmes inoubliables, dont le combat pour la liberté et la justice finira par être récompensé.
La traversée de Bondoufle de Jean Rolin (P.O.L)
« Lorsque Dieu a créé le lapin, s’attendait-il à ce qu’on le retrouve si nombreux, de nos jours, à Aulnay-sous-Bois ? » Première phrase de ce roman d’exploration et d’observation du monde. Il y a donc encore, en périphérie de nos villes, une vie sauvage et champêtre. De Bondoufle, petite commune pavillonnaire de l’Essonne, il sera peu question.
Sa traversée aura bien lieu pourtant, parce qu’elle participe au projet original de notre écrivain marcheur : « Du moment où j’ai découvert la campagne à la périphérie d’Aulnay-sous-Bois, même sous l’aspect peu engageant d’un champ de maïs desséché et d’un chemin sans issue, l’idée m’est venue de suivre tout autour de Paris sa limite, ou du moins la ligne incertaine, émiettée, soumise à de continuelles variations, de part et d’autre de laquelle la ville et la campagne, ou les succédanés de l’une et de l’autre, se confrontent. »