Les ONG Changing markets, Zero Waste France et Zero Waste Alliance Ukraine ont suivi la trace de vêtements remis aux enseignes de fast fashion qui s’engagent à favoriser le réemploi. Résultat : elles dénoncent des dispositifs qui « perpétuent le modèle de consommation excessive et le gaspillage, sans s’attaquer aux problèmes systémiques ». Un flagrant délit de greenwashing.
Depuis plusieurs années, des enseignes de mode proposent aux client·es de récupérer les vêtements usagés pour leur donner une seconde vie. Destinés à « boucler la boucle » – comme l’explique H&M sur son site internet – ces dispositifs visent à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile, responsable à elle seule de l’émission de 4 milliards de tonnes de CO2e par an et de l’utilisation de 4% de l’eau potable.
Zero Waste France, Zero Waste Alliance Ukraine et la fondation Changing markets ont mis à l’épreuve la fiabilité de ces dispositifs. Grâce à des traceurs airtag dissimulés dans des vêtements, elles ont analysé les parcours de réemploi mis en place par dix enseignes, dont Nike, The North Face, C&A, Primark et Uniqlo.
Un fossé entre promesses et réalité
Malgré le fait que les vêtements-tests déposés dans les bacs de collecte étaient en bon état, un tiers a été rapidement détruit, incinéré pour produire de l’énergie, ou « décyclé », c’est-à-dire réutilisé pour des produits de moindre qualité comme du rembourrage ou des chiffons. « Les marques et leurs sous-traitants ne parviennent pas à trier convenablement les vêtements » en déduisent les auteur·rices du rapport. Certains vêtements se sont aussi « perdus dans les limbes », restant entreposés pendant des mois dans des entrepôts répartis en Europe. Finalement, seuls 5 produits sur les 21 ont bien été revendus et ont bénéficié d’une seconde vie.
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Enfin, les trois ONG déplorent l’expédition de 4 articles en Afrique. Au-delà de l’impact carbone du transport, elles dénoncent l’inefficacité d’un tel dispositif. Environ 20 à 50 % des vêtements envoyés en Afrique finissent en déchet, et contribuent à faire du continent le « dépotoir de la fast fashion ». Une des jupes neuves déposée dans un magasin H&M de Londres a ainsi parcouru 24 800 km, avant de finir dans une décharge du Mali.
À partir de cette expérience, le rapport dénonce la « supercherie » de ces dispositifs de seconde main qui « donnent aux consommateur·ices une fausse impression de responsabilité environnementale ». Et ces promesses non tenues passent encore plus mal quand elles sont encouragées par des bons d’achat, qui alimentent in fine la surconsommation de vêtements.
Les ONG se tournent alors vers les consommateur·ices et les décideur·euses politiques pour enrayer les dégâts de la fast fashion. Elles applaudissent le récent intérêt des institutions européennes pour le sujet, symbolisé par les recommandations du Parlement visant à « mettre un terme à la mode éphémère », ainsi que par une directive-cadre de la Commission qui élargit la responsabilité des marques vis-à-vis de leurs déchets. Mais à travers une série de recommandations précises, elles appellent à aller plus loin, afin d’« ouvrir la voie à une gestion des déchets textiles plus durable et efficace pour notre avenir ».