L’Homme est-il psychologiquement incapable de réagir face à la complexité de l’urgence climatique ? C’est ce que soutient le chercheur en écopsychologie Jean-Pierre Le Danff.
Alors que les conséquences du changement climatique sont toujours plus visibles, pourquoi l’humanité ne semble-t-elle pas prendre de virage significatif ? Pour le chercheur en écopsychologie Jean-Pierre Le Danff, interrogé par France Inter et l’Info Durable, notre cerveau serait en réalité dans l’incapacité de comprendre le phénomène. Et donc de réagir de manière significative, à la mesure de l’enjeu.
« La complexité des phénomènes du changement climatique, des émissions de CO2, gaz à effet de serre, de la biodiversité et des écosystèmes que l’on connaît très très mal sont en confrontation avec la complexité de notre cerveau, qui est encore un cerveau de « chasseur-cueilleur » », explique le chercheur. Selon lui, nous sommes face à une problématique « abstraite, intangible, lointaine, presque impensable ». Or, le cerveau humain ne pourrait se mobiliser que « pour des choses proches, tangibles qui le menacent et dans lesquels il a un intérêt immédiat ».
Si une masse suffisamment critique de personnes comprend que ce n’est pas dans « l’avoir et le faire » que nous aurons le bonheur, mais dans « l’être » (…) il y aura peut-être une chance.
De plus, notre fonctionnement cognitif repose à 20% sur un système réflexif, utilisé pour résoudre des problèmes, et à 80% sur l’intuitif. Or, nous dit Jean-Pierre Le Danff, nous n’utilisons que peu le premier, et celui-ci est « contaminé » par des désirs consuméristes et notre besoin d’y répondre. Cette surabondance de dopamine, neurotransmetteur du plaisir, domine ceux de la sérotonine (bonheur) ou de l’ocytocine (lien social). « Il y a une confusion entre bien-être/confort et bonheur, conflit entre dopamine et sérotonine. »
Un espoir ? Oui, tout de même
La répétition de l’alerte peut-elle malgré cela induire une mobilisation et une réaction ? « Globalement, non », répond M. Le Danff. « L’être humain a tendance à changer de comportement lorsqu’il est confronté à une crise, or, il a une capacité d’amnésie incroyable et d’habituation. » Le chercheur est loin d’être rassurant. Selon lui, seule une « très grosse crise et des millions de morts » pourrait avoir un impact global sur nos comportements et celui des dirigeants « les deux étant systémiquement liés ».
Il y a tout de même espoir. En privilégiant de nouveaux discours sur nos besoins, et la remise à plat de nos priorités. « Je crois que se fera lorsqu’une masse suffisamment critique de personnes aura compris que ce n’est pas dans « l’avoir et le faire » que nous aurons le bonheur, mais dans « l’être », vivre le moment présent, car ce qui nourrit l’être humain psychologiquement est le lien, la communauté, là il y aura peut-être une chance. »
L’écopsychologie croise plusieurs disciplines (écologie, psychologie, sociologie, anthropologie, neurosciences) pour mieux comprendre nos mécanismes psychologiques et neurologiques face à la crise écologique. Pour retrouver le sujet sur France Inter c’est ici, sur l’Info Durable, c’est ici.