Ils sont partis de Tours il y a près d’un mois. Trois étudiants de Polytech accomplissent actuellement un tour d’Europe à vélo à la rencontre des acteur·ices du mouvement « low tech ». Leur objectif ? Réaliser un documentaire sur ces innovations qui mettent les technologies durables au service des villes de demain.
Si l’on dit bien que « les voyages forment la jeunesse », ces trois étudiants de l’école Polytechnique de l’Université de Tours (Polytech) ont pris l’adage au pied de la lettre. Le 1er mars dernier, Basile, Paul et Melaine enfourchent leurs vélos, lestés chacun d’une bonne trentaine de kilos de provisions et de barda de bivouac. C’est le départ de « Cyclowtech », un tour d’Europe de six mois, de Barcelone à Copenhague par voie de Belgrade, à la rencontre d’innovateur·ices engagé·es en faveur de technologies plus durables et résilientes, ou « low tech ».
Pour les trois futurs ingénieurs en « environnement et aménagement du territoire », l’urgence, c’est de ralentir. Comment ? En imaginant « la ville “low tech” de demain », titre (provisoire) du documentaire qu’ils réaliseront à l’issue de leur périple.
C’est depuis Vérone, en Italie, mille bornes dans les mollets et déjà bien bronzés pour un début de printemps, que les trois aventuriers ont répondu aux questions de Pioche!.
Comment se passe votre voyage ?
Cyclowtech : Très bien, pour l’instant. Nous avons eu des petits soucis, comme des roues voilées et des chaînes qui cassent, mais tout se déroule comme prévu. Après avoir traversé l’Espagne, on a entamé l’étape italienne : nous avons déjà visité Gênes, Milan, et nous sommes en route pour Venise.
Vous prévoyez de rencontrer une pluralité d’acteur·ices du « low tech » durant ce périple. De quelle manière ce genre d’initiatives pourraient-elles façonner les « villes de demain » ?
Il va falloir apprendre à être moins pressé, que les choses prennent plus de temps
Il y a cette idée reprise par beaucoup d’auteurs, selon laquelle 90 % de la ville de demain existe déjà. Plutôt que de continuer à construire, il faudrait réhabiliter les lieux vacants, modifier, rénover, créer de nouveaux réseaux.
Prenons l’exemple des toilettes sèches, on pourrait envisager une installation généralisée, à la manière d’un service public : il y en aurait dans les maisons, mais aussi dans les mairies, les bureaux, les bibliothèques… En mettant en place un système de collecte, comme pour les poubelles, on peut redistribuer ces déchets aux agriculteurs locaux afin qu’ils les utilisent comme engrais naturel. On crée ainsi une petite économie circulaire.
Lesquel·les vous ont le plus marqués jusqu’à présent ?
À Barcelone, nous avons rencontré Laura, dont le bureau d’étude Saneseco cherche à répondre aux problématiques liées à l’eau par l’installation des toilettes sèches dans les maisons, les écoles… ou encore le Slow Lab, qui réfléchit à des solutions pour ralentir dans les secteurs de l’énergie, de l’alimentation, du voyage… Leurs projets vont des fours solaires aux vélos générateurs d’électricité.
La « low tech » n’est pas LA solution, elle s’inscrit dans une démarche plus globale de décroissance
Il faut toujours considérer ces initiatives de manière systémique, afin de créer des réseaux et de l’émulation. Les alternatives individuelles sont car elles peuvent donner l’exemple, montrer qu’autre chose est possible, mais elles sont réservées aux gens qui ont du temps et de la patience — ça ne suffira pas.
Il faut aussi comprendre que la « low tech » n’est pas LA solution, elle s’inscrit dans une démarche plus globale de décroissance. Elle peut être un levier, un outil, mais elle doit s’accompagner d’un changement de paradigme. On s’est habitués à faire disparaître nos déchets par une simple pression de bouton, en actionnant la chasse d’eau. Mais si l’on veut faire face aux enjeux de demain, il va falloir apprendre à être moins pressé, accepter que pour que les choses soient durables, elles prendront plus de temps.
L’année dernière, de jeunes diplômé·es de Polytechnique ont prononcé un discours fort appelant leurs pair·es à « sortir des rails » et à remettre en cause « les postulats de base » de notre système pour faire face à l’urgence écologique. Vous vous retrouvez dans cet engagement ?
Ce discours nous a beaucoup inspirés. Le projet Cyclowtech, c’est aussi une façon de prendre du recul sur notre formation d’ingénieur. Il y a bien des évolutions : l’école Centrale de Nantes propose depuis l’année dernière une option « ingénierie des low-tech ». Mais lorsque nous avons évoqué l’idée auprès de notre établissement, ils ont estimé que ça n’était « pas approprié » dans le cadre du programme… On s’est dit « Si c’est comme ça, on va aller voir par nous-même comment ça se passe ailleurs. » Et nous voilà.
À lire aussi : Sur Arte, un docu raconte comment Cuba est devenu pionnier du low-tech
Le documentaire que nous comptons réaliser à l’issue de notre voyage a le même objectif : montrer qu’il existe d’autres façons de faire de l’urbanisme que celles qui sont enseignées dans les écoles. Mais son propos ne se limitera pas à l’aspect technique, professionnel : nous voulons aussi interviewer des penseurs, des auteurs, afin de prendre de la hauteur.
Si tout se passe bien, le documentaire devrait être diffusé dans des festivals l’année prochaine, et même dans certaines salles de cinéma… Notre souhait, c’est que l’on parvienne à toucher un public aussi large que possible : des élus locaux jusqu’aux élèves de primaire.
En attendant la sortie de leur docu, Basile, Paul et Melaine relatent leur voyage sur Instagram, en filmant les paysages qu’ils traversent et en donnant la parole aux gens qu’ils rencontrent. Pour les suivre, ça se passe ici.