Sorti en novembre 2017, La Ville Agricole est une sorte de manifeste écrit par le paysagiste et agriculteur Rémi Janin. L’ouvrage d’une cinquantaine de pages offre de nombreuses clés pour comprendre la transition, sociale et écologique dans laquelle est engagée l’agriculture et appelle à « penser la ville comme un projet consciemment agricole ».
Dans La Ville Agricole, Rémi Janin remonte dans le temps pour expliquer le divorce progressif entre l’agriculture et l’urbanisme. Une grave erreur de jugement, selon l’auteur, qui estime que « plus une société est urbaine et plus elle est nécessairement agricole ». Une fine analyse pour celui qui, en plus d’être agriculteur, a fondé avec son frère Pierre, architecte, l’agence Fabriques Architectures Paysages, travaillant essentiellement sur des problématiques liées à l’espace rural et à la question agricole.
En France, le nombre d’agriculteurs ne cesse de diminuer. En 2019, on comptait un peu plus de 440 000 exploitants ou entrepreneurs agricoles, en baisse de 12,5% sur 10 ans (chiffres MSA). Dans le même temps, la population est devenue majoritairement urbaine. Alors que tout projet urbain porte, de fait, un projet agricole, au moins pour subvenir à ses besoins nourriciers, l’auteur remarque que « l’agriculture et la ville restent aujourd’hui largement séparées dans leur pensée et leur développement ».
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D’un côté, les grandes métropoles se sont déployées sans aucune vision agronomique et ont consommé des terres souvent très fertiles, comme en Île-de-France. De l’autre, l’agriculture a « subi » la révolution industrielle et technologique depuis la seconde moitié du XXe siècle. L’auteur parle même de « détresse du monde agricole », qui se « retrouve progressivement enclavé dans une société de plus en plus urbaine et semble s’éteindre progressivement ».
Vers la ville agricole
Rémi Janin plaide pour une « agriculture urbaine » et une « ville agricole » pleinement assumées. Pour lui, « il convient d’imaginer la manière dont l’agriculture peut être pleinement dynamique du développement urbain et non le subir, en tant qu’imaginative et anticipatrice des formes de la ville durable et des sociétés urbaines à venir ».
Des prés ou des bâtiments agricoles ne peuvent-ils pas devenir des lieux de fête ?
Sans donner de recette miracle, ce petit ouvrage explore plusieurs pistes pour arriver à « décloisonner l’espace au profit d’une vision partagée de celui-ci, nourricier comme urbain, dans la conscience et dans le sens d’un projet commun ». Pourquoi, par exemple, ne pas aller vers des campagnes partagées et polyvalentes ? « Des prés ou des bâtiments agricoles ne deviennent-ils pas des lieux de fêtes lorsque les troupeaux n’y sont pas ou que la récolte y a été effectuée ? », suggère-t-il. Aussi, Rémi Janin identifie le périurbain comme un « possible territoire pionnier », devenant un « véritable parc agricole structurant les métropoles et participant avant tout de leur possible autonomie alimentaire ».
Enfin, l’auteur imagine « investir la ville dense par l’agriculture ». Et quand certains s’interrogent, à raison, sur la pollution des sols et de l’air dans ces espaces, Rémi Janin répond habilement que « ces espaces sont pourtant le premier lieu de vie de l’essentiel des humains. S’ils ne sont jugés pas accueillants pour la croissance de végétaux ou la présence d’animaux, il faut d’autant plus s’interroger sur la mauvaise qualité de cet environnement et chercher à l’améliorer déjà pour l’Homme, si ce n’est pour le reste du vivant. »