Depuis 2018, La Lune des Pirates, la salle de musiques actuelles d’Amiens, organise un festival en guise de fête de fin d’année, en plein air et avec de nombreux·ses invité·es. Au programme : quatre jours de concerts (Eddy de Pretto, Zaho de Sagazan, Disiz…), du 6 au 9 juin, en partie dans le cadre idyllique des Hortillonnages. L’occasion pour La Lune des Pirates de porter ses valeurs auprès d’un public plus large : construire un rapport à la culture attentif à son environnement, aux discriminations, et ancré dans son territoire.
« Minuit avant la nuit, concerts entre herbe et eau » : derrière cet intitulé poétique se cache un festival sur les berges de la Somme, à Amiens, qui l’est tout autant. Les festivités, organisées par la salle de musiques actuelles La Lune des Pirates, investissent notamment le temps d’un week-end les Hortillonnages, ce réseau d’îlots et de canaux qui font valoir à Amiens le surnom de « petite Venise du nord ». Un espace bucolique, à taille humaine, qui amène avec évidence le respect de cet écrin de verdure accueillant les festivalier·es.
« La scène est enclavée en pleine nature, mais à 15 minutes à pied de la gare, c’est une chance inouïe de pouvoir proposer un événement culturel dans cet environnement », amorce François, chargé de production à La Lune des Pirates.
Prendre le grand air
Côté Minuit avant la Nuit, tout a débuté il y a cinq ans, à l’occasion des trente ans de La Lune des Pirates. Comme une grande fête de fin d’année pour l’équipe soudée qui travaille à l’année, l’événement s’organise autour d’une idée simple : sortir de la salle pour nouer d’autres liens au territoire. « Quelque chose de fort s’est passé cette année-là, raconte François, ça nous a donné envie d’en faire un festival ».
Depuis, La Lune des Pirates investit chaque année le parc Saint-Pierre le temps d’un weekend autour de propositions originales qui lient musique et nature. L’équipe s’est ainsi associée avec un autre festival dédié aux arts visuels, Art & jardins | Hauts-de-France, pour organiser des virées en barques. Voguant d’îlots en îlots, les festivalier·es pourront découvrir des œuvres qui se mêlent à la végétation et des concerts acoustiques de trente minutes avec un artiste secret. De quoi resserrer le lien entre notre environnement et la culture sous toutes ses formes », selon François.
Small is beautiful
Pour lui, tout cela n’est possible que parce que le festival reste à taille humaine — avec tout de même 12 000 spectateur·ices l’an passé. « C’est un festival local par son public, ses artistes, les intermittent·es qui travaillent avec nous, la nourriture et les boissons servies… On ne pourrait pas proposer cette expérience si on prenait de l’ampleur. On devrait alors changer de lieu, penser autrement la logistique… on veut vraiment porter des valeurs qui nous ressemblent et rester dans cet environnement. »
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Ne pas prendre de l’ampleur, certes, mais évoluer sans cesse tout de même. Notamment sur les enjeux liés à l’écologie. Minuit avant la Nuit avance chaque année « vers un festival meilleur, à défaut d’un monde meilleur », glisse François. Produits locaux dans les assiettes des festivalier·es, contenants consignés, propositions véganes… « On a mis déjà pas mal de choses en place mais il y a toujours de nouveaux défis. Par exemple, sur la réduction du plastique, on réfléchit à comment faire évoluer les pratiques du côté des équipes techniques. On aura toujours une marge de progression. Ça pourrait être déprimant mais c’est aussi stimulant, quand on constate le chemin parcouru et qu’on avance de manière collective », résume le chargé de production.
Les idées germent à l’année dans la salle et on les démultiplie au moment du festival
Cet esprit collectif s’incarne par exemple dans l’idée de faire des espaces communs dans les loges d’artistes pour réduire gaspillage et bilan carbone. Une mesure simple qui permet d’éviter de stocker 200 bouilloires, frigos ou machines à café dans un garage pour trois jours d’utilisation annuelle.
Ces valeurs infusent dans chaque pan de l’organisation, de l’écologie à la lutte contre les discriminations. « La chance qu’on a, c’est d’avoir cette salle de concert à l’année pour tester des choses : fournir aux artistes des gourdes plutôt que des bouteilles, utiliser des spaghettis comme touillettes. Les idées germent à l’année dans la salle et on les démultiplie au moment du festival, c’est tout de suite un plus gros défi avec 200 artistes en trois jours », déroule François.
La salle, à l’année, est pour l’équipe de La Lune des Pirates le laboratoire de nombreuses pratiques : parité entre les artistes, formation et lutte contre le harcèlement et les violences sexistes et sexuelles (aussi bien auprès du public qu’au sein des équipes techniques), réflexion globale autour de l’accessibilité… « Il y a du travail à accomplir dans tous les domaines, on est conscients de ne jamais avancer assez vite, on se casse la tête pour trouver des solutions… mais on ne lâche pas, c’est ce qui donne du sens à notre travail ».
Festival Minuit avant la Nuit du 6 au 9 juin 2024 à Amiens. Toute la programmation et les infos pratiques sur le site du festival.