Et si la mobilisation pour la transition éco-citoyenne était l’occasion de faire la fête autrement ? C’est tout l’enjeu de la « Fête parfaite », un warm-up imaginé par Pioche! avec le Festival de Thau. Au programme : une discussion avec un·e artiste engagé·e suivie d’un DJ set sonorisé par le sound-system 100% solaire des Pikip Solar Speakers. Rendez-vous les 19 et 20 juillet prochains avec Fakear et Sin’Dee, DJ montpelliéraine co-fondatrice des Mixeuses solidaires, un collectif de femmes DJ donnant de leur temps et de leurs platines aux femmes victimes de violences. Une initiative mêlant fête et sororité qui trouve tout naturellement sa place parmi les nombreux engagements de l’éco-festival occitan.
Le Festival de Thau, fêtant du 10 au 21 juillet sa 34e édition, est bien connu pour son engagement de toujours envers la planète : upcycling, gestion des déchets, multiplication des moyens de transports pour les festivalier·es (y compris des navettes maritimes gratuites depuis Sète, de quoi mériter amplement son surnom de « festival les pieds dans l’eau » !), éclairages LED et équipements solaires…
Mais l’éco-festival lutte également contre la précarité et les discriminations. Une vision inclusive de la fête qui se traduit de manière très concrète, à commencer par une politique tarifaire accessible avec des prix réduits pour les bénéficiaires des minimas sociaux, les étudiant·es ou les demandeur·euses d’emploi – et des collaborations avec les acteurs de l’insertion et de la réinsertion – les décors de cette édition 2024 ont par exemple été rénovés ou créés par des jeunes dans le cadre d’un programme d’insertion de la Mission locale.
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Côté artistique, sa programmation (avec cette année Yamê, Selah Sue, Blick Bassy, Maya Kamaty, Keziah Jones, Rodrigo y Gabriela, Faada Freddy ou Ana Tijoux) témoigne d’une attention portée sur la parité et la diversité, une fois n’est – malheureusement – pas coutume dans le paysage des festivals français. Et côté accessibilité, Thau permet aux personnes à mobilité réduite, sourdes ou malentendantes de profiter des concerts dans les meilleures conditions, grâce aux habituelles plateformes PMR et files d’accès réservées, mais aussi, et c’est moins commun, à des comptoirs abaissés et des gilets vibrants.
Enfin, chacun·e pourra y découvrir le « Village des rencontres » avec ses animations et ateliers, ou assister à un éco-dialogue dédié aux questions environnementales et humanistes entièrement traduit en langue des signes. L’occasion de découvrir des initiatives écologiques ou solidaires faisant avancer notre société dans la bonne direction. C’est le cas par exemple des Mixeuses solidaires, un collectif de DJ créé en 2019 à Montpellier, organisant des soirées au profit d’associations venant en aide aux femmes victimes de violences. Et rappelant au passage que la fête électronique, ce n’est pas forcément dans le noir et sans se parler : elle peut être source de solidarité, d’engagement et de lien social.
Comment sont nées les Mixeuses solidaires ?
Sin’Dee : Je suis DJ depuis 2001, et quand j’ai commencé à organiser des soirées il y a 7 ou 8 ans, j’avais déjà cette envie de solidarité. J’ai réellement passé le cap le 8 mars 2019, en organisant une before à La Fabrique à Montpellier avec un line-up 100% féminin. J’avais appelé plein de copines DJ : on était entre 18 et 20 ! Comme on était très nombreuses, on ne pouvait pas être toutes payées : on a donc choisi de reverser l’entièreté des cachets au CHRS, un centre d’hébergement et de réinsertion sociale qui accueille les femmes et leurs enfants victimes de violences. Ce before a été un grand succès, et le collectif est né dans la foulée.
Ayant moi-même grandi dans un milieu où il y avait des violences, je veux aider de manière concrète
Le principe de nos événements est simple : un pourcentage des bénéfices de la soirée et les cachets des DJ sont reversés à une association. Ayant moi-même grandi dans un milieu où il y avait des violences, je veux aider de manière concrète. Mais c’est aussi un moyen de sensibiliser par la fête, de faire connaître de nombreuses assos venant en aide aux femmes, comme le CHRS, le Planning familial ou le CIDFF (Centre d’information sur les droits des femmes et des familles), qui propose des solutions d’hébergement d’urgence, mais aussi de l’information juridique ou de l’aide à la recherche d’emploi.
Quelles sont les autres actions des Mixeuses solidaires ?
Sin’Dee : Notre engagement est centré sur les violences faites aux femmes, mais on est là si on a besoin de nous sur d’autres sujets malheureusement liés. Il nous est donc arrivé de participer à des actions contre la précarité, comme une récolte de dons et de denrées alimentaires pour les étudiants pendant le Covid, à un événement avec l’association montpelliéraine de lutte contre l’exclusion La Bulle – Douche nomade, ou au Noël des sans-abris que l’on anime chaque année en partenariat avec la mairie de Montpellier.
Pour notre premier Noël, des Mixeuses ont rejoint des maraudes pour demander aux sans-abris quelle musique ils/elles voulaient écouter, afin de préparer des playlists spécialement pour elles et eux : c’est festif, ça permet aux gens de passer un bon moment, et ça rassemble !
Dans la même veine, je vais bientôt lancer un projet de « disco-mobile » : j’ai acheté un van avec un toit ouvrant depuis lequel j’irai mixer dans des petits villages. J’ai grandi dans cette atmosphère de bals et j’ai envie d’apporter du bonheur à ces villages très beaux mais dans lesquels il ne se passe pas grand-chose.
Au-delà de l’engagement caritatif, un collectif comme le vôtre est-il aussi un moyen de mettre en avant les femmes DJ dans un milieu encore majoritairement masculin ?
Sin’Dee : Oui, complètement ! Ce n’est pas un milieu facile, avec pas mal de comportements machistes. Même si on voit une évolution, certains gros festivals proposent encore des affiches loin d’être paritaires. J’aime travailler avec des festivals comme Thau ou Palmarosa, qui sont vigilants sur ces questions.
Aujourd’hui, ma plus belle réussite est de pouvoir aider celles et ceux qui en ont besoin
Quand j’ai appris à mixer en 1996, je n’avais pas de modèles féminins dans le deejaying, et je ne m’étais jamais dit que j’allais pouvoir vivre de la musique. Je ne m’imaginais pas avoir une autre vie que celle, très carriériste, que j’avais prévue – alors qu’aujourd’hui, ma plus belle réussite est de pouvoir faire ces événements pour récolter des fonds et aider celles et ceux qui en ont besoin.
Festival de Thau, du 10 au 21 juillet à Mèze, Montbazin, Loupian et Valmagne, avec Yamê, Selah Sue, Blick Bassy, Keziah Jones et d’autres. La Fête parfaite avec Sin’dee et Fakear aura lieu les 19 et 20 juillet. Dernières places à acheter par ici !