Depuis quelques mois, Julien arpente les fonds marins de la baie de Saint-Malo à la recherche de belles Saint-Jacques. Plusieurs fois par semaine, le Breton enfile sa combi et se jette à l’eau pour cueillir à la main cette précieuse coquille. Une méthode douce, respectueuse de l’environnement, qui garantit un produit d’une qualité et d’une fraîcheur incomparable. Explications avec cet ancien éducateur sportif, reconvertit en pêcheur-plongeur et co-fondateur de la société Welga.
« Tomy, t’as fait plus pour la pêche française en trois minutes que l’Union européenne en 60 ans. » Mi-décembre, France 2 diffuse un reportage sur la pêche responsable des coquilles Saint-Jacques. La France découvre alors un certain Tomy, pêcheur-plongeur à Saint-Malo. Sans le savoir, le Breton déclenche une vague de commentaires et de partages sur les réseaux sociaux. La vidéo est alors reprise par des médias aux quatre coins de la France. Si le physique du gaillard n’y est pas pour rien, l’épisode permet surtout de faire découvrir au plus grand nombre la pêche de la Saint-Jacques en plongée.
« C’est très cool que Tomy fasse un peu le buzz. Ça nous a fait marrer, parce que le mec est vraiment comme ça au quotidien », s’amuse Julien, également pêcheur-plongeur dans la baie dans Saint-Malo et co-fondateur de Welga. « J’ai créé Welga en mai dernier avec Pierre, un copain rencontré sur les bancs de l’école, raconte-t-il. On s’est retrouvé par hasard en 2019, justement sur le bateau du fameux Tomy. On a fini par se capter autour d’une bière et on a décidé de lancer notre truc ».
Qualité certifiée main
Julien est ancien éducateur sportif, Pierre a une carrière de prof de kite à l’étranger. Pour ces deux « passionnés du monde marin », la pêche en plongée sonne comme une évidence. Aujourd’hui, les coquilles cueillies au fond de la mer sont peu nombreuses sur les étals mais de plus en plus recherchées, à la fois par les restaurateurs et les particuliers. « À la différence de la pêche à la drague, le ramassage à la main permet d’avoir un produit moins abîmé et surtout moins sableux », explique Julien. Un détail qui a son importance, surtout au moment de retrouver le produit dans l’assiette. On zappe alors l’option rinçage pour conserver un maximum de goût. Par ailleurs, la technique préserve aussi les fonds marins. « On ramasse pièce par pièce sans toucher au reste. »
Comme pour la pêche à la drague, la pêche en plongée est soumise à des règles très strictes qui varient en fonction des zones. À Saint-Malo, Julien et Pierre ont l’autorisation de pêcher en plongée du lundi au jeudi, de 9h à 17h. « Le but du jeu est de jouer sur les étales, entre deux marées, lorsque la mer est plus calme. En moyenne, on reste sous l’eau entre 1h30 et 2h30 par jour, entre 10 et 20 mètres de profondeur. » Un exercice qui impose une certaine rigueur. « Moins on passe de temps sous l’eau, mieux c’est pour notre organisme, confirme Julien. C’est tout un ratio à trouver. »
Respecter le produit comme la mer
En moyenne, Welga sort 200 kilos de coquilles Saint-Jacques par session. Une quantité dérisoire comparée à la pêche à la drague. « En plongée, on est limité à 300 kilos par jour mais on ne les atteint jamais. À la drague, la limite est fixée à une tonne par navire et par jour. »
« On veut un minimum d’intermédiaire. Ça permet d’avoir une fraîcheur de fou ! »
Une fois remontées à la surface, les coquilles sont directement triées. Les pêcheurs doivent notamment respecter la taille minimale de la capture, fixée à 11 centimètres. En dessous, les coquilles sont rejetées à la mer. Le temps pour Julien et Pierre de sortir le ciré et de filer à la criée. « On fait peser la pêche et on livre dans la foulée. On vise la rapidité avec un minimum d’intermédiaire. C’est une contrainte supplémentaire, mais ça permet d’avoir une fraîcheur de fou. »
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Plutôt que de viser la quantité, l’équipe de Welga cherche avant tout à maximiser les sessions de plongée en fonction de son carnet de commandes. « On a une vision globale des demandes pour la semaine, à la fois pour les particuliers et les restaurateurs. Une fois qu’on a ce qu’il nous faut, on arrête. Ça ne sert à rien de déshabiller un spot pour ensuite se dire ‘’J’ai trop de came, je brade’’. »
Livreur de Saint-Jacques
« Pour les livraisons, on essaie d’avoir un bilan carbone pas trop dégueulasse. »
« Avec le confinement, on a vu beaucoup de personnes se tourner vers le local, les produits plus responsables », explique Julien. Alors, deux fois par semaine, le plongeur charge les commandes et se mue en livreur de Saint-Jacques. « On essaie de ne pas avoir un bilan carbone trop dégueulasse. Je fais au mieux et m’arrange avec les gens pour établir des points de collectes. Tout le monde est très réceptif. » Une activité bien différente de la cueillette sous-marine, qui comporte également quelques avantages. « Pendant mes livraisons, je vis un peu le syndrome du facteur. On prend le temps, on discute et on m’invite à boire des coups ! »
Jusqu’en mai, mois de clôture de la saison de pêche des coquilles Saint-Jacques, Julien, Pierre et Gaëtan, qui a rejoint Welga en contrat pro, vont poursuivre leurs sessions en mer. Hors saison, les trois Bretons prévoient de diversifier leur activité. « On espère avoir l’autorisation de pêcher les araignées en plongée. On a également comme projet de pêcher à la ligne », explique Julien. Le tout sans jamais perdre de vue l’objectif premier : pêcher plus responsable, plus durable et plus sélectif. Le monde marin appréciera, et il n’est pas le seul.