Cette semaine, on s’est rendus dans un endroit que l’on connaît bien (et qu’on aime beaucoup), La REcyclerie. Depuis 2014, l’ancienne gare devenue tiers-lieu anime le 18e arrondissement de Paris de ses événements écolos, depuis l’immense salle jusqu’aux anciens chemins de fer. Comment ce beau lieu, à la fois festif et réflexif, compte aborder l’écologie en cette année présidentielle ? Réponses de son programmateur « éco-culturel », Simon Rossard.
Comment allez-vous travailler le sujet de l’écologie cette année ?
Ce qu’on aimerait, c’est que l’écologie ne soit plus une thématique, mais qu’elle soit partout et pour tout le monde. Alors certes on va continuer à aider à améliorer nos comportements, réduire notre impact carbone, énergétique, nos déchets, améliorer nos liens au vivant. Mais l’écologie dépasse largement tout ça. Il y a énormément de choses qui nous traversent et qui aspirent à trouver des réponses : l’accès à l’emploi, notre future vieillesse, la sexualité, le rapport à l’identité…
Tout le monde n’a pas le même niveau de connaissance ou d’appétence pour l’écologie.
Un grand nombre de sujets racontent une autre histoire de l’écologie, et sont hyper pertinents pour proposer une réinvention de cette discipline. En incluant les préoccupations de celles et ceux qui aimeraient proposer autre chose. On va organiser une grande fête des vins naturels. Ce sera l’occasion de parler des liens entre vigne et climat ou biodiversité.
De la même manière, on va pouvoir travailler sur la question de la domination masculine et du féminisme, des sujets hautement liés aux mécaniques environnementales et écologiques. L’objectif, ce n’est pas de thématiser l’écologie, d’en parler, mais de la vivre.
Est-ce aussi une manière de décloisonner le sujet de l’écologie, et d’attirer un public qui ne serait pas forcément connaisseur ou expert ?
Ça a toujours été la dynamique de la REcyclerie. On souhaite que chacun.e puisse trouver chez nous des moments qui valent la peine d’être vécus, et des solutions fertiles, constructives. On a bien conscience que la société prend acte de l’écologie, mais que tout le monde n’a pas le même niveau de connaissance ou d’appétence pour ces sujets.
Le train s’allonge entre celles et ceux qui tirent la société vers une transition écologique et un avenir désirable, très engagés, prêts à tout changer, et d’autres qui, pour plein de raisons, et pas seulement idéologiques, ne vont pas inclure la donnée écologique dans leurs vies. Ou qui sont juste venu.e.s là pour déjà boire une bière dans un lieu un peu écolo. Nous, il faut qu’on arrive à mettre tout le monde au même endroit.

Il faut donc une gradation de la technicité, de la radicalité ou du niveau d’engagement des contenus. C’est ce que l’on a voulu porter avec la gradation « 1, 2 ou 3 piments ». Un piment, ce sera des marchés, du DIY, des moments légers avec des vigneron.ne.s nature où l’on parlera des liens entre vigne et climat ou biodiversité. De l’autre côté, on aura des événements qui assument leur technicité ou leur radicalité politique, scientifique, économique.
On va accompagner chacun vers la dose de piquant qui lui paraît cohérente, et pourquoi pas proposer un peu plus de piment la prochaine fois. Mais être une maison pour tous de l’écologie, ça c’est sûr que c’est le cœur du projet.
Vous avez distingué dans le programme trois grandes thématiques, nouvelles cartes, nouvelles boussoles, nouveaux instincts. Quels sens ont ces distinctions ?
On va essayer d’accompagner le public, l’armer un maximum, et nous armer en même temps.
Nous vivons un paradoxe depuis début 2021 : on n’a jamais autant entendu parler de plan de relance, de planification, et on n’a jamais autant navigué à vue, aussi bien à l’échelle politique ou économique qu’à l’échelle très individuelle. Or, c’est aussi l’enjeu du siècle qui vient, car l’instabilité climatique va entraîner des difficultés à anticiper, à prévoir, et des imprévus sociaux, économiques, sanitaires.
On n’arrivera pas à aborder la transition écologique et sociale de notre société sans un bon plan, et sans se poser la question de notre relation à ce plan. Cela peut être très politique et collectif, mais aussi très intime et individuel, dans notre rapport affectif à apprivoiser le présent, à se projeter dans l’avenir. Nous avons décidé d’en faire le fil rouge de l’année, pour apprendre à naviguer ces rapides qui nous attendent.
En proposant d’abord de bonnes cartes, pour mieux comprendre le monde qui nous entoure : les écosystèmes et la biosphère mais aussi la société, notre cerveau, les médias, les espaces politiques ; de nouvelles boussoles, en se dévêtant de certaines chimères héritées du siècle dernier, qui nous bloquent dans notre capacité à embrasser notre époque et à se projeter. Et enfin de nouveaux instincts, accrus et aiguisés, pour naviguer à l’échelle de la République comme de l’individu, en réinventant, en reconstruisant ses propres instincts.

Comment la Recyclerie aborde cette élection présidentielle ?
On va essayer d’accompagner le public, l’armer un maximum, et nous armer en même temps. On ne va pas se demander « faut-il voter Jadot », mais essayer d’avoir les bons outils, les bonnes méthodes, les bonnes lunettes pour faire le tri entre le vrai et le faux, déconstruire les discours qui s’appuient sur des données erronées, pour bien agir.
On organise mardi 7 février une conférence avec Notre Affaire à Tous pour comprendre ce qu’est la fabrique du doute. On va déconstruire l’histoire contemporaine d’un grand groupe, Total, qui a financé des études pour produire du doute. Fin février, on va travailler sur la question des biais cognitifs : la fabrication des idées et des choix, et si l’on peut s’en libérer.
L’objectif n’est pas de prendre parti mais de nous aider, nous et le public, à mieux comprendre, déconstruire, et anticiper tout ce qui va pouvoir polluer le débat.
Retrouver toute la programmation de La REcyclerie (Paris 18e).