Jeanne Lepoutre et Théophile Pierdait ont fondé le studio de design et de communication éco-responsable Dazd. Les deux designers défendent une vision radicale de leur métier, dans laquelle la communication d’une organisation doit aller de paire avec son activité, à mille lieux du greenwashing pratiqué par de nombreuses agences de communication. Les deux designers seront présents à la Paris Electronic Week, dans le cadre d’une conférence sur l’éco-conception et aux bonnes pratiques dans la production des événements musicaux.
Longtemps laissée de côté, la question de l’impact écologique de la publicité et de la communication en général revient sur le devant de la scène ces derniers jours. Une pétition, visant à l’« extinction définitive des écrans numériques publicitaires » la nuit, afin de polluer moins, et d’économiser de l’électricité, a recueilli près de 10 000 signatures, et a reçu le soutien de Greenpiece et Alternatiba. Une mesure que le texte considère comme d’urgence, notamment dans le contexte de crise énergétique. Mais beaucoup d’acteurs du monde de la communication n’ont pas attendu les derniers mois pour tenter de repenser les moyens de transmettre un message.
Jeanne Lepoutre et Théophile Pierdait, par exemple, ont fondé Dazd en 2018. Ce studio de création graphique est spécialisé dans la communication responsable, éco-conçu, et zéro-déchets. Ils créent, avec Claire Daum, employée du studio, des campagnes qui respectent l’environnement pour des entreprises ou associations, en utilisant notamment des matériaux recyclés ou en procédant à du réemploi. Dazd conçoit également l’identité graphique des clients sur internet. Les deux designers défendent une conception radicale de leur métier, évitant notamment de travailler pour des structures qui polluent.
Ils participeront à une table ronde consacrée à l’éco-conception et aux bonnes pratiques dans la production des événements musicaux, durant la Paris Electronic Week. Cette année, la manifestation aura lieu au parc de la Villette, qui accueillera rencontres et concerts. Pioche! est partenaire de l’événement, et organise un cycle de conférences sur les liens entre musique et écologie. Les deux fondateurs du studio ont accepté de répondre à quelques questions sur le design responsable, en marge de l’événement.
Le design et la communication éco-conçu sont encore relativement mal connus. Pouvez-vous expliquer comment cela fonctionne, et détailler les outils que vous utilisez au quotidien ?
Théophile Pierdait : Avant tout, nous souhaitons que notre démarche aille au delà d’une simple campagne, en accompagnant des clients vers une forme de transition radicale. Dans les faits, l’idée est surtout d’éviter la surconsommation. Cela passe également par tout un tas de petits choix de designs qui, mis bout à bout, peuvent contribuer à fortement réduire l’impact de nos productions. On évite par exemple les aplats de couleurs ou les teintes en trop grand nombre. On peut également imprimer sur du brouillon, ou réduire les marges lors des impressions.
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Jeanne Lepoutre : Cela passe par les supports, les matériaux, mais aussi les choix créatifs. Nous essayons de casser les automatismes qui polluent sans même que l’on s’en rende compte, notamment sur les volumes de production. Souvent, nos client·es peuvent avoir tendance à prévoir des supports de communication en très grand nombre, dans l’idée de faire du stock, par exemple. On essaye de les convaincre de communiquer de manière plus ajustée et plus réfléchie. De notre côté, c’est assez stimulant car les contraintes nous poussent à faire preuve de créativité.
Ces idées peuvent-elles s’appliquer au numérique ?
Théophile Pierdait : Tout à fait. Ce n’est pas du tout la même approche, même si les buts sont les mêmes. Lors du travail de conception, on privilégie les fichiers peu encombrants et le vectoriel par exemple. On essaye également de réduire la taille des images. Sur internet, l’objectif est d’utiliser le moins d’énergie possible. On utilise des couleurs sombres lorsque c’est possible, et on évite d’avoir des vidéos en page d’accueil, qui se lancent toutes seules, mais que personne ne regarde. Moins de place sur les serveurs, c’est moins de pollution.
Est-ce que les principes que vous défendez sont repris par le reste de la profession ?
Jeanne Lepoutre : Le design et la communication éco-conçu·es se diffusent dans les grandes agences, mais nous ne croyons pas à un changement radical dans ce sens, car leurs campagnes restent guidées par les clients et leurs besoins. Pour nous, il est très important de travailler avec des clients qui sont en phase avec nos valeurs et qui recherchent l’engagement et le questionnement que nous portons.
Les entreprises peuvent reprendre les codes de la communication responsable, pour mettre en place une stratégie de greenwashing. Comment faites-vous pour éviter de tomber dans ce piège avec vos clients?
Jeanne Lepoutre : Ce qui nous fait dire que l’on est intéressé·es par un projet ou non, c’est avant tout son fond. Nous travaillons avec toutes sortes de structures, des partis politiques aux start-ups en passant par des associations, si le projet a des externalités négatives limitées et respecte une certaine éthique – sociale, environnementale. Une communication responsable, ce n’est pas imprimer des rapports RSE avec du papier recyclé. Cela nécessite d’être radical dans la forme comme dans le fond. Par exemple, une campagne responsable pour une voiture thermique ne nous intéressera pas.
Théophile Pierdait : A contrario, on peut également amener les client·es à se remettre en question. On ne doit pas sous-estimer l’influence qu’on peut avoir sur les autres. D’autres personnes travaillant dans la communication n’auront pas forcément une démarche aussi radicale que la nôtre, mais on peut tout de même faire infuser des principes d’éco-conception par la discussion.
Toutes les informations sur la Paris Electronic Week sont à retrouver sur le site internet de l’événement.