Du 24 au 26 novembre se tient la 3e édition du festival Girls Don’t Cry à Toulouse. Programmation, déplacement des publics et des artistes, alimentation, réemploi : rien n’a été laissé au hasard pour garantir un festival respectueux de l’environnement. Mais ces engagements ne sont pas symbolisés par le vert, au Girls Don’t Cry. Ils sont arc-en-ciel.
Le Girls Don’t Cry porte une écologie féministe, queer, activiste. Chaque fin novembre à Toulouse, les engagements du festival se déploient aux rythmes de la trance, de la hard techno et de l’hyperpop jouées par un line-up 100% composé de femmes et de minorités de genre. Une affiche tirée au cordeau pour assurer un vrai bouillonnement créatif. Au Metronum, le lieu qui accueille l’événement, « les corps s’étreignent et se mêlent pour érupter comme un volcan ». Ceux des danseur·euses, ceux des artistes, mais aussi ceux des équipes. Car le festival est co-construit avec les bénévoles et se veut collaboratif.
La programmation musicale est assurée par La Petite, une structure basée à Toulouse engagée pour l’égalité des genres à la fois organisme de formation, média, organisateur d’événements et incubateur. Le reste de la programmation non musicale est porté par un groupe de bénévoles et ce sont aussi des bénévoles qui, recruté·es et formé·es par La Petite au sein du dispositif Main Forte qu’elle coordonne, assurent bienveillance et écoute pendant le festival.
Les « créatures féériques » et les « oiseaux de nuit » qu’on y croise – artiste, staff et public – sont sans doute le mieux placés pour comprendre ce qu’on y vit. À chacun·e, on a alors proposé de nous laisser une note vocale sur WhatsApp pour nous parler de leur expérience. On leur laisse la parole.
Trinity, musicien et DJ
« La programmation met en avant des artistes minorisé·es et propose cette représentation au public »
« Le Girls Don’t Cry Festival j’y suis allé comme public pour la première édition en 2021. Ce qui m’a vraiment beaucoup attiré, c’est que le festival propose une programmation féministe, avec pas mal de personnes queer. Le souvenir que j’en garde, c’est beaucoup de joie et de bienveillance qui irradiaient comme ça dès le premier soir. J’avais l’impression que les gens étaient contents de créer un espace-temps inédit avec plein de bonnes énergies.
En 2022 j’ai été invité à mixer. C’était très intimidant mais surtout très encourageant pour un DJ autodidacte, queer, avec pas beaucoup de ressources comme moi. La programmation est consciente, elle met en avant des artistes minorisé·es et propose cette représentation au public. C’est un miroir qui donne plein d’espoir et de force. Les personnes sont prises en compte et ça fait du bien de voir ce soin qui est apporté. Pendant le festival, Le Metronum se transforme en petit village. On fait la fête et on crée des liens. »
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Elisabeth, bénévole
« Ça fait 3 ans que je suis bénévole sur le festival Girls Don’t Cry. Le milieu culturel c’est un milieu que j’aime beaucoup mais pour moi c’est important d’être impliqué·e dans des projets culturels et féministes, où il y a cette attention-là. Sur le festival, je suis impliquée dans le groupe de travail qui s’occupe de la programmation non musicale. On est une dizaine à suivre le processus de juin à novembre jusqu’au jour J. On a un budget et on programme des artistes et intervenant·es.
Quelques mois avant le festival, on fait une liste d’idées puis on se réunit en collectif pour décider quelles idées on va mettre en place. On programme des activités et on s’occupe aussi de la scénographie sur les stands. On s’inspire de ce qui a été fait et de l’espace mais c’est assez libre, on fait en fonction de nos envies. On a pas mal d’autonomie, il y a une grande confiance et une volonté de nous laisser proposer et tester des choses. On peut co-créer avec l’équipe permanente.
Les bénévoles sont présent·es pendant le festival, c’est là qu’on voit le fruit de notre travail. Ça fait du bien de voir l’aboutissement de plusieurs mois de travail et de projections. Ça le concrétise. Il y a un sentiment de fierté d’appartenir à ce groupe-là et d’avoir rendu possible une partie du festival. »
Aude, coordinatrice chez Main Forte
« J’ai commencé chez Main Forte comme bénévole pendant 2 ans. Main Forte, c’est un dispositif de prévention et de sensibilisation aux violences sexistes et sexuelles qui est mis en place par La Petite, à l’origine du festival. Là ça fait quelques mois que je suis coordinatrice. Notre rôle, c’est de faire des maraudes et de nous assurer que tout le monde va bien dans le public. On fait beaucoup d’écoute spontanée à notre stand aussi et on a de la documentation. Et on peut être là pour le staff et pour les artistes, toute l’organisation en background. Le care est au cœur même de Main Forte.
« On a une relation très forte avec le public du Girls Don’t Cry »
Un paradoxe intéressant c’est que je me suis engagée pour faire du care plutôt auprès de femmes et de personnes queer. Et en fait, je me retrouve beaucoup à faire du care pour les mecs sur certains festivals parce qu’on apporte un espace d’écoute aux hommes. Espace qu’ils ont sans doute moins dans leurs cercles proches. Mais j’ai l’intuition que le public de mecs du Girls Don’t Cry est beaucoup plus sensibilisé à ces questions-là. C’est ce qui le rend le public de ce festival très différent des autres. Il prend naturellement très soin les uns des autres. L’accueil du public se fait vraiment… comment dire ? C’est presque elleux qui viennent vers nous, c’est un peu nos ambassadeur·ices et on a une relation très forte avec ce public-là. »
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Elvire, programmatrice artistique au Metronum
« On s’est rencontrées avec l’équipe de La Petite quand j’ai pris mon poste fin 2019 au Metronum. L’idée avec le Girls Don’t Cry, c’était de trouver un temps fort de concrétisation et de célébration des artistes et des publics queer, sous-représenté·es dans l’événementiel. On voulait aussi pouvoir réchauffer les corps et les cœurs en hiver.
À ce moment-là, post #MeToo et #MusicToo, on réfléchissait à comment repositionner le Metronum pour défendre ces valeurs, ces enjeux d’inclusion, d’égalité, de parité et de représentation des minorités et notamment des femmes. C’était le bon timing pour accueillir le festival.
Dans cette même dynamique et cette même temporalité au Metronum, on a voulu agir autour des enjeux de représentation des femmes sur scène et des identités plurielles. On a créé un dispositif de mentorat qui s’appelle la Women Metronum Academy porté par, pour et avec les femmes et dont La Petite est partenaire sur le volet empowerment. Ces deux projets de festival et de dispositif se sont développés en parallèle. Ça participe d’un vrai changement sur la scène toulousaine et ça crée une boucle vertueuse pour toucher un public plus large sur ces questions. »