Chaque année, le Prix COAL art et environnement récompense des artistes contemporain·es du monde entier qui ont en commun de s’attaquer au grand « défi culturel de l’écologie ». L’ambition est claire : faire un pas de côté pour aborder l’urgence écologique par la créativité, la sensibilité et l’inspiration. Coup d’œil sur trois œuvres lauréates de l’édition 2023.
Convaincue que les artistes peuvent être artisan·es d’une révolution écologique, l’association COAL décerne depuis 2010 le Prix COAL art et environnement destiné à soutenir la scène artistique contemporaine engagée. Le jury, mêlant spécialistes d’art et personnalités de l’écologie, distingue chaque année des projets artistiques susceptibles de proposer de nouveaux récits, d’expérimenter des solutions ou de témoigner des transformations du territoire, des modes de vie ou des mentalités.
Le thème de l’édition 2023, « Plante ! », invitait les artistes à « semer les graines de la création, faire germer de nouvelles expérimentations, pour que bourgeonne une pensée végétale inventive et résiliente à même de faire fleurir le monde d’après ». Derrière ces bons mots, on retrouve un plaidoyer pour que l’art devienne un lieu de rencontre entre les citoyen·nes et le règne végétal. Pour que les plantes soient envisagées comme une nourriture artistique et une source d’inspiration pour les sociétés humaines.
Cactus et colonisation : une histoire d’invasion
Parmi les centaines de propositions artistiques reçues, provenant de 57 pays, le jury a décerné le Prix COAL 2023 à Areej Ashhab, Ailo Ribas et Gabriella Demczuk, trois jeunes artistes membres du collectif Al-Wah’at. Leur projet Wild Hedges s’est démarqué en mêlant création artistique, artisanat et recherche à partir d’une plante considérée comme invasive : le figuier de barbarie.

En remontant l’histoire de ce cactus, le collectif met en valeur les histoires coloniales, écologiques et symboliques qui s’entrecroisent autour du végétal. En effet, le figuier de barbarie a été importé d’Amérique latine par les conquistadors au XVIe siècle, jusqu’à devenir un symbole culturel tout autour du bassin méditerranéen. Son histoire est aussi intimement liée à celle de la cochenille carminée, un de ses parasites. Cette dernière a été introduite en Europe pour limiter la propagation du figuier de barbarie, avant d’être classée à son tour comme nuisible.
Avec le projet Wild Hedges, les trois artistes mobilisent des communautés locales, notamment en Palestine et en Espagne, pour valoriser les usages potentiels du figuier de barbarie et de la cochenille carminée : fabrication de pigments, tissage, construction, cuisine… En développant ces pratiques, le collectif propose une approche plus sensible et attentive de ces deux espèces à mauvaise réputation.

Le projet s’accompagne également de recherches autour de leur capacité d’adaptation aux chaleurs et au stress hydrique qui en font de vrais modèles de résilience. L’ambition finale est alors de contrer les récits anthropocentrés et coloniaux qui entourent les territoires arides, présentés comme vides, infertiles et sans vie.
Intelligence artificielle et plante-dating

Derrière ces images colorées se cache une quête débutée au XIXe siècle. Celle d’une femelle Cycas de wood, une plante endémique de la forêt Ngoye en Afrique du Sud. Un seul sujet mâle a été découvert, en 1895, et l’espèce est aujourd’hui considérée comme éteinte à l’état sauvage. Toutefois, un espoir subsiste. Quelques spécimens mâles clonés survivent encore dans des jardins botaniques du monde entier et la découverte d’une femelle dans la forêt Ngoye permettrait de faire renaître le cycle naturel de la plante.
L’artiste britannique Laura Cinti s’empare alors de cette quête en s’appuyant sur un allié redoutable : l’intelligence artificielle. À l’aide d’un drone, elle cartographie la forêt et soumet les images à un modèle d’IA générative, programmé pour identifier un spécimen femelle de Cycas de wood. De quoi accélérer les recherches.
Mais le projet dépasse le champ scientifique. Les données collectées sont aussi utilisées dans une grande installation immersive et interactive qui implique le public dans la quête. Le projet AI in the Sky offre ainsi l’opportunité aux spectateur·rices de porter un nouveau regard sur la richesse et la beauté du monde végétal, tout en rendant particulièrement tangible l’érosion de la biodiversité. Cette quête presque épique de la femelle Cycas de wood symbolise plus que jamais la course-contre-la-montre que documentent les biologistes partout à travers le monde. Le projet a reçu la mention Nova_XX décernée par le jury du prix COAL.
Tour de France des mauvaises herbes
Un Prix étudiant a également été remis, en partenariat avec la Fondation Culture & Diversité, à l’artiste Louisa Selleret issue de l’École nationale supérieure de création industrielle. Son projet Adventices s’intéresse aux plantes non indigènes, introduites artificiellement et qui finissent par proliférer en fragilisant leur nouveau milieu. Les piètrement nommées « mauvaises herbes ».

L’étudiante a parcouru la France, des Côtes d’Armor au Vaucluse pour collecter les plantes jugées invasives dans chaque région, avant de les transformer en pâte à papier et d’en faire une œuvre visuelle fidèlement inspirée de la structure des végétaux. La Fausse-Renoncule du Nord, le Lysichite Jaune d’Haute-Vienne ou le Baccharis à feuilles d’arroche de Gironde n’ayant pas la même teinte, le résultat final est une plante géante dans laquelle une diversité de couleurs et de textures cohabitent.
Avec ce projet, Louisa Selleret a voulu mettre le design au service de son engagement écologique. Elle l’envisage d’ailleurs comme une « discipline ouverte, expérimentale, qui doit participer à la réparation du monde ». Adventices vise ainsi à sensibiliser le public sur la problématique des plantes invasives, second facteur d’érosion de la biodiversité mondiale, tout en réhabilitant le statut de « plante » à ces mal-aimées.
Pour découvrir les autres projets lauréats du Prix COAL, rendez-vous par ici.