Depuis plus de trois décennies, le festival de Thau investit les rives de la lagune méditerranéenne pour dix jours de musiques d’ici et d’ailleurs. Avec, dès le départ, un souci intrinsèque de l’environnement, qui s’inscrit autant dans l’organisation du festival que dans sa programmation.
Trente-quatre années de musiques acoustique, pop, électro, jazz, d’étoiles montantes, d’artistes planétaires, issu·es de la scène régionale ou venu·es du bout du monde. Le tout dans un décor atypique, celui de la lagune de Thau, joyau paysager mais aussi réservoir de biodiversité abritant près de 400 espèces végétales et 100 espèces animales.
« La question de l’environnement s’est posée dès la première édition, par le territoire, par cette zone classée Natura 2000, partage Monique Teyssier, l’une des cofondatrices aujourd’hui présidente de l’association et chargée de programmation. Elle fait même partie de la genèse de ce projet, né d’une bande de copains : nous voulions faire le lien entre ce beau territoire, ses richesses locales et les musiques du monde, avec beaucoup de jazz au début. C’était une évidence de prendre soin de la lagune qui nous accueillait. »
Ces engagements mèneront le festival de Thau à être, dès les années 90, précurseur en terme de démarche écologique, en adhérant au label agenda 21 (l’un des premiers programmes d’action pour le développement durable, adopté lors du Sommet de la Terre de Rio, en 1992).
Entre deux concerts, transmettre des valeurs
« Ces initiatives viennent souvent des convictions personnelles et collectives. Dans mon cas, j’étais dans l’enseignement et ça m’a toujours tenu à cœur de transmettre mes valeurs », partage Monique Teyssier. Ainsi, la pédagogie et la sensibilisation ont vite été à l’ordre du jour du festival de Thau.
Des éco-dialogues jonchent la programmation depuis une dizaine d’années, animés par le chercheur engagé dans la transition énergétique Thierry Salomon avec divers·es invité·es qui échangent dans un domaine précis de la transition. « L’idée, c‘est qu’en une heure et demie, le public puisse repartir avec plus de connaissances factuelles, tout en restant libre de ses pensées et actions », développe la présidente. À ces conférences s’ajoute un village des rencontres où de nombreuses associations dédiées à la transition sociale et écologique proposent des activités aux publics de tous âges et horizons.
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« Il y a une sincère volonté de sensibiliser les festivalier·es dans un cadre qui reste ludique et agréable, à laquelle répondent le village associatif et les éco-dialogues », souligne Stéphane Herb, chargé de production rattaché au développement durable du festival.
Et ce n’est pas tout : s’ajoute cette année à la programmation des befores engagés qui forment la bien nommée Fête Parfaite. Le concept : un warm-up co-organisé par Pioche! qui fait le pari de la sobriété avec un sound system 100% solaire signé Pikip Solar Speakers. Les artistes, qui ont fait le choix d’un engagement responsable et solidaire, partagent avec le public un DJ set et un échange autour des thématiques qu’ils défendent.
Ce nouveau format est inauguré avec Les Mixeuses Solidaires le vendredi 19 juillet de 19h30 à 21h, puis avec Fakear le samedi 20 juillet de 19h30 à 21h. « On essaie d’innover chaque année avec des propositions qui font la jonction entre fête et engagement, et ce nouveau format s’inscrit totalement dans cette dynamique », commente Stéphane Herb.
Labels, certifications, groupes de travail : mettre en commun pour aller plus loin
Si la programmation, qui vise à incorporer l‘écologie dans chaque moment du festival, est centrale pour les organisateur·ices, le gros du travail pour être le plus éco-responsable possible s’effectue côté logistique. « Être engagé comme nous le faisons, c’est un choix qui passe au-dessus de ce que cela demande comme efforts, temps qui y est dédié, contraintes financières… », assure Stéphane Herb.
Difficile de le contredire lorsqu’on épluche la documentation du festival, avec pas moins de 75 critères d’éco-responsabilité auxquels s’astreignent les porteur·euses du projet. Zéro plastique à usage unique, toilettes sèches, éclairages led et solaire, tri des déchets quadriflux, menus végés, décors en matériaux recyclés…
Pour nous, l’écologie n’est pas un segment, c’est le cœur de la fête
Pour cela, les organisateur·ices s’engagent auprès de nombreux labels (dont la certification Iso 20121, particulièrement exigeante). Ils ont notamment contribué à créer un label régional, « Événements détonants » et participent à plusieurs réseaux de festivals engagés (Festivals en mouvement, Déclic…). « Toutes ces initiatives visent à mesurer et réduire l’empreinte carbone des festivals. Cela demande du temps, de l’argent, mais c’est fondamental et très enrichissant de travailler de concert avec d’autres organisateur·ices sur ces enjeux qui peuvent sembler vertigineux », explique Stéphane Herb.
« Si on ne raisonnait qu’en fonction de la rentabilité, c’est certain qu’on ne ferait pas tout ça. Mais toute l’équipe est convaincue et investie. Pour nous, l’écologie n’est pas un segment, c’est le cœur de la fête », affirme Monique Teyssier.
Fédérer par la musique
« C’est aussi une manière de prendre soin de l’humain, des festivalier·ices et des équipes : on fait attention à ne pas surcharger les sites ni augmenter les jauges, on veille à l’accessibilité, et on prend soin, matériellement et au sens large, de l’environnement. Tous ces éléments sont, pour moi, indissociables », explique Stéphane Herb.
Et le public le lui rend bien. Un questionnaire envoyé aux festivalier·es, dans le cadre de Festival en mouvement, montre que 75% d’entre elles et eux sont conscient·es de se rendre dans un festival engagé. « Il y a une ambiance très conviviale, familiale, des artistes fabuleux·ses, des liens qui se tissent, entre les gens, la lagune, les producteurs locaux… rien de tout cela ne pourrait arriver sans cette démarche globale engagée », illustre Stéphane Herb.
Un enthousiasme qui transparaît dans la programmation musicale, lumineuse et éclectique. « On accueille des artistes qui partagent ces valeurs, avec cette année notamment Faada Freddy, qui, avec seulement la voix et le corps, parvient à fédérer autour de sa musique, c’est assez magique », conclut Monique Teyssier.
Festival de Thau du 10 au 21 juillet 2024 à Mèze (Occitanie). Toute la programmation et les infos pratiques sur le site du festival.