L’ouverture à la concurrence du ferroviaire fait émerger de nouveaux acteurs désireux de donner une nouvelle définition au voyage en train. Parmi eux, Railcoop se distingue par son positionnement coopératif et sa volonté de redonner vie à des territoires parfois isolés. Une démarche sociale, environnementale et solidaire qui verra officiellement le jour en 2022, avec une première liaison Bordeaux-Lyon, abandonnée depuis 2014 par la SNCF. Retour sur cet ambitieux projet avec Alexandra Debaisieux, directrice déléguée.
Pour bien comprendre la raison d’être de Railcoop, il faut revenir deux ans en arrière, début 2019. L’idée de créer un opérateur ferroviaire est née d’une rencontre entre plusieurs citoyens aux parcours différents mais à l’ambition commune. « Certains réfléchissaient à la mobilité durable, d’autres étaient investis de longue date dans l’économie sociale et solidaire. Tous se sont rencontrés et ont commencé à travailler ensemble à ce à quoi pourrait ressembler le train de demain », se souvient Alexandra Debaisieux, directrice générale déléguée de Railcoop. Tous se retrouvent sur un point : l’envie de proposer des services de transports qui répondent aux objectifs de transition écologique. « Le train permet de développer une mobilité plus durable. Avec l’ouverture à la concurrence du transport domestique de passagers, nous avons vu une opportunité. »
Rapidement, le projet prend forme et entraîne la création de la SCIC (société coopérative d’intérêt collectif) Railcoop en novembre 2019. Une grande première pour une entreprise ferroviaire, qui fait même parler au-delà des frontières. « Des Anglais, des Italiens et des Suisses nous ont notamment contactés car l’idée les intéressait », raconte Alexandra Debaisieux.
Un statut coopératif inédit
Avec à ce statut coopératif, tout le monde peut devenir sociétaire de Railcoop. Particuliers, associations, entreprises et collectivités locales peuvent acquérir des parts sociales, chacune coûtant 100 euros, et participer au développement de la société. Chaque sociétaire représente une voix, peu importe le nombre de parts qu’il détient. « Ces derniers contribuent à la définition de la stratégie de l’opérateur, explique la directrice déléguée. Ils sont réunis dans différents cercles de travail, comme la gouvernance, les outils numériques ou les nouveaux services en gare. Ce système permet à chacun de s’investir dans la vie de la coopérative ferroviaire. » En novembre dernier, Railcoop comptait plus de 2 500 sociétaires.
« Notre objectif n’est pas de prendre des parts à la SNCF mais de renforcer le maillage sur le territoire »
Plus qu’un simple service de transport, Railcoop entend devenir un acteur au service des territoires. « Aujourd’hui, 90% des Français résident à moins de 10 kilomètres d’une gare. Néanmoins, 55% sont non ouvertes au trafic voyageurs », constate Alexandra Debaisieux. Avec Railcoop, certains villages vont de nouveau bénéficier d’une liaison ferroviaire. « Notre objectif n’est pas de prendre des parts à la SNCF mais de renforcer le maillage sur le territoire. À l’heure actuelle, le ferroviaire mise surtout sur le transport de masse entre Paris et la province. Nous prenons le parti d’être sur des liaisons entre plusieurs villes de province. »
Des produits locaux au wagon-bar ?
L’offre, qui compte s’aligner sur les tarifs de co-voiturage, risque de très vite trouver son public. Une aubaine pour certains territoires parfois isolés. « Le train permet de penser différemment l’aménagement du territoire. En rouvrant des arrêts, on replace des villes sur la carte », analyse Alexandra Debaisieux.
« Plutôt que de charger des plateaux repas au départ ou au terminus, pourquoi ne pas travailler avec des producteurs locaux tout au long de la ligne ? »
Par ailleurs, certains sociétaires de Railcoop travaillent également sur de nouveaux services en gare, dans cette même optique de redonner vie aux territoires. Quitte à carrément réinventer le voyage en train. Parmi les idées évoquées, Railcoop envisage d’impliquer des producteurs locaux dans les services de restauration. « Plutôt que de charger des plateaux repas au départ ou au terminus, pourquoi ne pas travailler avec des producteurs locaux tout au long de la ligne ? Et pourquoi pas carrément aménager un corner dans le train avec différents produits du terroir desservi ? » Les sociétaires planchent également sur la redéfinition des services en gare. Location de vélos, vente de paniers de fruits et légumes… Toutes les idées sont les bienvenues.
Aujourd’hui, Railcoop vise l’ouverture de son service voyageurs à horizon 2022. La première ligne opérée a d’ailleurs été dévoilée : il s’agira de la transversale Bordeaux-Lyon. « Les sociétaires réfléchissent déjà aux prochaines liaisons », ajoute la directrice déléguée. Pour les trains de nuit en revanche, il faudra encore patienter. Si cette offre est bien au programme de Railcoop, la disponibilité du matériel pose problème. « Pour le moment, des trains-couchettes aux normes, notamment terme d’accessibilité, on n’en trouve pas en France. Nous continuons nos recherches, mais le service de nuit de Railcoop ne sera pas mis en service avant 2024 ou 2025. » Là encore, les sociétaires réfléchissent à la faisabilité de certaines lignes, parmi lesquelles « Strasbourg-Nice et Quimper-Nice ».